Les Ramadhans se suivent mais ne se ressemblent pas, surtout pour les milliers de familles oranaises relogées ces derniers mois dans de nouvelles cités à Belgaïd, El-Menzah (ex-Canastel) ou à Oued Tlelat. Ce mois de jeûne, le premier du genre passé "extra houma" (quartier), est accueilli avec des sentiments mitigés pour les uns et pour les autres. Si les sentiments de joie et de soulagement ne se sont pas encore estompés et se font toujours sentir chez ces milliers de familles qui habitent désormais dans des logements neufs et décents, leur premier Ramadhan hors de leur "houma" où ils ont vécu pendant de très nombreuses années leur procure de nouveaux sentiments, de la nostalgie pour leurs anciens quartiers et un goût d'inachevé. Ce sont surtout les veillées de Ramadhan qui font naître chez eux de la nostalgie pour leurs anciens quartiers et leur ambiance, pour leurs anciens voisins et leurs habitudes séculaires. Tahar, retraité, la soixantaine bien entamée, a vécu pendant plus de 40 ans dans le quartier de Fillaoucen (ex-St Pierre), au centre ville dOran, dans un immeuble vétuste où s'entassaient une vingtaine de familles. Avec sa femme et ses trois enfants, ils habitent désormais dans un F3 neuf à Belgaïd, dans une nouvelle cité bâtie par une société turque. Après le f'tour quil expédie rapidement, il prend un "taxi clandestin" pour rejoindre son ancien quartier, s'attable avec ses amis à l'ancien café du coin, près des fleuristes, où il a encore ses habitudes. "Je n'arrive pas à m'habituer à mon nouveau lieu de résidence. Jai passé 40 ans dans ce quartier, cest toute une vie. Nous avons des amis, des proches et des habitudes et c'est difficile de quitter tout cela d'un seul coup", confie-t-il, avouant qu'il revient souvent faire ses emplettes au marché de la rue des Aures (ex-La Bastille). A Belgaïd, "les Tahar" sont légion et partagent quasiment tous le même sentiment, mais tous reconnaissent qu'ils vont également prendre leurs marques dans leur nouveau quartier, acquérir de nouvelles habitudes, créer des liens avec leurs nouveaux voisins, nouer de nouvelles amitiés et adopter un nouveau style de vie. Entre soulagement et nostalgie Pas loin de Belgaïd, à la nouvelle cité d'El-Menzah (ex-Canastel) où de nombreuses familles issues des quartiers populaires de Medioni et El-Hamri ont été relogées il y a un peu moins d'une année, les mêmes sentiments ou presque prévalent chez un grand nombre d'habitants. Les relogés ne regrettent pas leurs anciens quartiers, car ils y ont vécu des années difficiles au rythme des effondrements successifs et de la promiscuité des logements trop exigus. Pour Noureddine, 32 ans, né à El-Hamri dans un "haouch" vétuste où vivaient six autres familles, "aucun de nous ne regrette l'ancien "haouch", car nous y avons vécu pendant longtemps des moments extrêmement difficiles." "C'est une nouvelle vie qui s'offre à nous et nous avons de nombreux projets", confie à l'APS Noureddine. Toutefois, ce premier Ramadhan à Canastel ne se passe pas comme il le voudrait. Il avoue que les veillées de Ramadhan dans son ancien quartier lui manquent et n'hésite pas à y aller de temps à autre pour passer une soirée. Par ailleurs, la commune d'Oued T'lelat a connu trois vagues successives de relogements. Près de 2.000 familles de Sidi El-Houari, les Planteurs et Derb ont été relogées dans les nouvelles cités. Certaines familles sont à leur deuxième Ramadhan à Oued Tlelat, distante de plus de 30 km d'Oran, et commencent juste à s'habituer à leur nouvelle vie. "C'est le deuxième Ramadhan que nous passons dans nos nouveaux logements. Nous commençons à nous y habituer. La majorité des familles relogées se connaissent,car elles habitaient avant dans le même quartier depuis de très longues années. La vie s'est réorganisée de telle façon que nous avons, parfois, l'impression que nous sommes toujours dans le quartier des Planteurs", explique Benaouda, 44 ans, l'un des premiers relogés dans cette cité. Cependant, ajoute-t-il, le sentiment de nostalgie vis-à-vis de son ancien quartier n'a pas totalement disparu et c'est le mois de Ramadhan qui exacerbe particulièrement se sentiment. "Même si c'est relativement loin et que cela prend un certain temps pour aller dans mon ancien quartier, je ne manque jamais d'occasion pour y faire un tour où jai toujours des amis et des cousins avec qui jai vécu pendant de nombreuses années", soutient-il. Pour sa part, Hichem, 19 ans, qui vient de passer son Bac et qui attend les résultats avec impatience, passe son premier Ramadhan à Oued Tlelat. Hichem regrette ses anciens amis de son ancien quartier, Sidi El-Houari, qu'il ne voit désormais que rarement, à l'occasion de visites. "Mes meilleurs amis sont restés à Sidi El-Houari. Nous passions des moments formidables durant les soirées de Ramadhan où nous traînions dans le centre ville où dans les nombreux cafés et crémeries. Nous ne rations aucune soirée musicale au théâtre de verdure, tout proche", raconte Hichem nostalgique, qui conclut néanmoins avec philosophie que "tout a une fin et la vie continue".