Les tiraillements se poursuivent en Libye entre le Parlement élu le 25 juin dernier, qui siège à Tobrouk mais ne parvient pas à asseoir son autorité sur le pays, et les milices islamistes, cherchant à imposer militairement le choix qui a été écarté par les élections. Entre ces deux options, une entente est-elle réalisable ? Le pétrole libyen constitue à lui seul un objet important d'intérêt des puissances internationales pour la Libye. Il n'est pas étranger à la guerre improvisée pour la chute d'El Gueddafi en 2011. Depuis, c'est la prolifération des milices terroristes qui représente une autre source d'inquiétude pour ce pays dont le gouvernement central a d'énormes difficultés à imposer son autorité à ces milices ayant contribué au renversement d'El Gueddafi et n'ayant pas intégré les forces armées régulières de l'Etat. Les principales factions desdites milices (Misrata, Zentane) étaient associées pour faire chuter le gouvernement durant la guerre de 2011. Elles ont été derrière le Congrès national général, conduit par Mustapha Abdeljelil, et les gouvernements de Abderrahim Al Kib et Ali Zeydan. Toutefois, avec cette guerre entre ces deux forces rivales, notamment à Benghazi et Tripoli, c'est le chaos qui s'installe en Libye, particulièrement depuis le 20 juillet, suite au lancement de la bataille de l'aéroport international de Tripoli. La situation inquiète également les pays limitrophes de la Libye, qui craignent l'infiltration de terroristes sur leur territoire. Des informations ont été confirmées sur l'existence de camps d'entraînement de terroristes sur le territoire libyen, avant de les envoyer en Syrie. C'est la raison pour laquelle plusieurs réunions ont été tenues entre les pays voisins de la Libye (Tunisie, l'Algérie, Egypte, Niger et Soudan) qui craignent pour leur sécurité. Non-ingérence Ces pays refusent toute ingérence interne en Libye, comme l'a souligné le communiqué commun publié suite à leur dernière réunion au Caire le 25 août. Toutefois, il subsiste un point d'interrogation concernant la neutralité internationale dans la crise libyenne, avec les bombardements, dont on ignore qui sont les auteurs, des positions des troupes islamistes. Des sources américaines du département d'Etat ont accusé l'Egypte et les Emirats arabes unis d'être derrière ces frappes, avant de revenir sur leurs déclarations, en publiant un communiqué qui corrige les propos tenus la veille par leur porte-parole, Jen Psaki. Lequel revirement soulève plus d'un point d'interrogation. Selon le Doyen de la faculté de droit de Ghariane, Dr Ahmed Drid, il est clair que les Egyptiens et les Emiratis veulent jouer leur propre jeu sur l'échiquier régional. Ils ne font pas confiance à Obama, trop laxiste à leurs yeux et cherchant, coûte que coûte, à accorder une place confortable aux islamistes sur l'échiquier politique libyen. Ce qui ne semble pas plaire au Caire et à Doha, qui ont appliqué leur propre plan, consistant à empêcher une mainmise des islamistes sur la Libye. «Ces deux pays ne sauraient laisser la situation basculer irréversiblement en faveur des islamistes avec un Qatar et un Soudan, très impliqués dans le soutien des gens de Misrata, approvisionnés en armes et munitions, en plus d'hommes de retour de Syrie, pour soutenir les camps terroristes», a notamment déclaré le politologue, plutôt enclin à conforter la thèse d'une main égypto-émiratie dans les frappes des 18 et 23 août. Pour ce qui est de l'Algérie, Dr Drid pense que «Bouteflika semble chercher à garder de la distance et aller vers une solution politique. La visite du leader des islamistes tunisiens, Rached Ghannouchi, à Alger et ses entretiens avec le président Bouteflika confirment le choix algérien de cette issue». Toujours sur le terrain diplomatique, l'Union européenne a exprimé lundi son soutien à la Chambre des députés de Libye. L'UE a pressé la Chambre de former un gouvernement «représentatif de tous les Libyens». Venant à un moment où le Congrès national général cherche à refaire surface sur la scène politique libyenne, cette position européenne risque de tuer dans l'œuf cette tentative du CNG. «Ce sont donc le chaos sur le terrain intérieur et l'incertitude à l'échelle internationale qui caractérisent le dossier libyen, ce qui est loin de permettre une issue à court terme», conclut le politologue sur un ton pessimiste.