Il n'y aura pas d'offensive militaire en Libye, du moins pas dans l'immédiat. C'est déjà un soulagement pour ses voisins, notamment l'Algérie et la Tunisie qui craignent, à juste titre, que le conflit ne déborde dangereusement sur leur territoire. Il est heureux que les membres du groupe 5+5 et ceux du Med 7 (Italie, Malte, Grèce Chypre…) aient fait preuve de sagesse en plaidant hier à Madrid, en faveur d'un soutien à l'initiative des voisins de la Libye pour une solution politique négociée. La déclaration finale de la conférence sur la stabilité et le développement en Libye ne mentionne nulle part le recours à la force. Le bon sens a prévalu. On ne peut pas, en effet, faire taire les armes dans ce pays en faisant exploser des bombes au-dessus de Tripoli et Benghazi déjà en ruine. Il y avait pourtant un risque que la conférence de Madrid ne serve de messe diplomatique à une intervention musclée en Libye, comme ce fut le cas au Conseil de sécurité en 2011. Il faut admettre que la diplomatie algérienne a fait du bon boulot pour convaincre certains pays va-t-en guerre de ronger leur frein. Il fallait donner la chance à la négociation politique, peut- être qu'elle suffira à éteindre le feu en Libye, même si les nouvelles du front ne sont pas vraiment rassurantes. L'Algérie était hier bien placée pour défendre la solution politique après avoir réussi à amener, contre vents et marées, les protagonistes maliens à se réunir autour d'une table pour discuter de l'avenir de leur pays. Rien ne dit que ce format de négociation n'est pas transposable au conflit libyen. Le tout est de savoir convaincre les belligérants qu'il est de leur intérêt de s'engager dans un processus politique qui aboutirait à terme à une pacification de la Libye. La tâche n'est guère une sinécure. Mais l'Algérie, l'Egypte et la Tunisie ont suffisamment de légitimité et de savoir-faire pour conscientiser les différentes factions libyennes sur la nécessité de la paix. L'appui diplomatique de la conférence de Madrid, mais surtout l'engagement franc de l'Espagne en faveur de l'initiative des voisins de la Libye, est un bon signe que la paix et la sécurité sont encore possibles. Il n'y a pas plus facile que de lancer un déluge de feu sur un pays en lambeaux. On a bien vu les dommages collatéraux de ce genre d'aventures militaires en Irak et en Afghanistan où les vagues de terrorisme ravagent ces pays. Il serait suicidaire de transformer la Libye en sanctuaire du terrorisme international, alors même que les arsenaux d'El Gueddafi ont largement alimenté les maquis terroristes en Tunisie, en Algérie, mais surtout au Mali. La France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, Chypre et Malte savent qu'ils sont à portée de fusil de Benghazi. Ils subiront presque les mêmes contrecoups d'une éventuelle offensive militaire que l'Egypte, la Tunisie et l'Algérie. On comprend bien le souci de la France de se débarrasser de son sentiment de culpabilité d'avoir mis le feu en Libye via l'OTAN. Mais le président Hollande serait mal inspiré de vouloir l'éteindre en allumant un brasier. Ce serait une folie dévastatrice pour tout le Maghreb et la Méditerranée. Le message de Madrid devrait être reçu cinq sur cinq.