Le chef de l'Etat et ses proches collaborateurs semblent résolument décidés à procéder à la révision de la Constitution. L'annonce elle-même n'est pas un scoop. Abdelaziz Bouteflika en avait parlé lors des révoltes arabes en avril 2011. Et le très controversé secrétaire général du parti du Front de libération national (FLN), Amar Saadani, l'évoque depuis quelques semaines déjà. Si l'on peut faire le constat que le pouvoir, et plus précisément sa tête de pont qu'est la présidence de la République qui concentre tous les pouvoirs décisionnels, n'a amorcé aucune des réformes politiques promises depuis quatre ans, au contraire il a pris le chemin opposé, plusieurs questionnements s'imposent après la sortie d'avant-hier du chef de l'Etat, par le biais de son conseiller, Mohamed Boughazi. Pourquoi la Présidence a choisi ce moment précis pour remettre le projet sur la table et insister surtout sur le sérieux de l'annonce ? Est-ce l'opposition qui l'aurait mise à mal en demandant d'abord la mise en branle de la procédure de l'impeachment par l'application de l'article 88 de la Constitution, ensuite l'organisation d'une élection présidentielle après avoir constaté la vacance du pouvoir ? Pourquoi le président Bouteflika a choisi de faire l'annonce à l'occasion d'un événement international : la conférence scientifique africaine sur «l'évolution du droit constitutionnel en Afrique», et pas lors d'une manifestation nationale ? Le message du chef de l'Etat dégage deux lectures : la première est qu'il ignore superbement les revendications de l'opposition qui demande son départ ; ensuite s'adresse-t-il à l'opinion internationale, en croyant déceler quelques pressions de l'Union européenne, – celle-ci a rencontré au cours de la semaine les différents segments de l'opposition –, qu'il faut absolument atténuer en promettant de relancer le processus des réformes politiques. Mais force est de conclure que devant une opposition qui peine à sortir de ses interminables conclaves, les rédacteurs du message présidentiel avaient particulièrement l'oreille attentive à d'éventuelles pressions extérieures. D'ailleurs la Présidence pense même avoir «dégagé un consensus» lors des consultations déjà organisées et auxquelles les partis de l'opposition n'ont pas pris part. Les choses sont claires : rien ne semble pour le moment déranger ni l'agenda du pouvoir ni sa logique de se maintenir en dépit de l'état de santé du président de la République. Il n'entend ni les frémissements de l'opposition ni n'a l'intention de travailler lui-même pour favoriser une alternance qui sortira de son giron. Le discours prononcé par Mohamed Boughazi renseigne à quel point le pouvoir considère être l'unique alternative et envoie un message à l'étranger qu'il est le seul garant de la stabilité. «Il est clair que l'objectif visé est de faciliter le processus d'ouverture de la société algérienne, en œuvrant à la préservation de sa stabilité et en lui épargnant les perturbations que connaissent différents pays du monde en cette ère marquée par de profondes mutations», a précisé le chef de l'Etat. En plus du spectre de l'instabilité qui suscite l'inquiétude des intérêts occidentaux, la teneur du discours prononcé par le conseiller du président Bouteflika bat en rappel l'orchestration de la peur chez les Algériens, un plan qui avait bien marché lors des dernières élections présidentielles et qui avait assuré le passage au quatrième mandat du locataire du palais d'El Mouradia : «Notre pays, qui a subi les affres du terrorisme, refuse de s'aventurer dans pareille entreprise, qui souvent engendre des drames et que notre société rejette d'emblée.» «Après moi, c'est le déluge», pense le pouvoir qui n'est pas près de passer le témoin.