Au dernier décompte en ce doux printemps, sont en prison des militants des droits des chômeurs à Laghouat, des activistes des droits de l'homme, des syndicalistes, une personne qui a pris des vidéos montrant des dérives policières, des militants arrêtés lors de rassemblements à Alger et ailleurs, des citoyens détenus pour «attroupement non armé», pour «incitation à manifester» et peut-être pour incitation à incitation à manifester. Sont actuellement incarcérés des protestataires de Ghardaïa, In Salah, Ouargla ou Tizi Ouzou et autres coins du pays, des personnes arrêtées pour avoir dénoncé des affaires de corruption, pour un commentaire sur facebook, un dessin, le projet d'un dessin, pour une idée, un mot, une phrase, un geste. Mais pourquoi tant de haine ? Pour paraphraser le président de la République, on pourrait dire que l'Etat est ouvert au dialogue mais avec ceux qui n'ont rien à dire. Les autres sont libres d'aller dialoguer avec les gardiens de prison, connus pour leur sens du propos et de la conversation. C'est ainsi que les prisons sont pleines, ce qui rappelle Boumediène expliquant à propos du service militaire obligatoire de 2 ans, qu'il valait mieux avoir tous ces jeunes dans les casernes plutôt que dans les rues. Boumediène est mort mais le principe est resté, il vaut mieux avoir tous ces jeunes en prison plutôt que dans la rue, ils seraient capables de monter un coup d'Etat démocratique un jour d'ennui. Maintenant que l'Algérie frôle les 40 millions d'habitants, l'idée apparaît, avec l'aimable collaboration des amis Hamel de la DGSN et Louh de la Justice : arrêter le maximum d'Algériens, ce qui fera baisser la pression sur la santé, le pain, le logement, les frites et le dentifrice. On aura quand même remarqué que dans cette liste de détenus ne figure aucun dirigeant de premier plan. Ce qui est un peu normal, ce sont eux qui construisent les prisons.
