Abderrahmane Al Abnoudi est, avec Ahmed Rami et Abdelwahab Mohamed, le plus grand parolier, poète lyrique contemporain égyptien de la deuxième moitié du XXe siècle. Il a écrit pour des noms connus de la chanson arabe, à l'image de Warda El Djazaïria, Faïza Ahmed, Abdelhalim Hafez, Mohamed Rochdi, Majda Al Roumi, Naget Al Saghira, Mohamed Mounir, Chadia et Sabah. Il a également collaboré avec l'illustre cinéaste Youssef Chahine pour des films, comme il a écrit des dialogues et des scénarii de plusieurs longs métrages. Ses recueils les plus célèbres sont Al zahma (L'embouteillage), Al foussoul (Les saisons), Ana ou nass (moi et les gens), Samtou al jaras (Le silence de la cloche) et Al machroue ou al mamnoue (Le permis et l'interdit), Yamna (Le nom de sa tante), Rassayel al ousta (Les lettres d'El Ousta) Ya oumma qomi (Nation soulève-toi), Al mawtou ala asphalte (La mort sur l'asphalte) sont des poèmes qui ont eu un grand succès. La force de Abderrahmane Al Abnoudi réside dans l'utilisation de l'arabe populaire dans ses textes. Des textes inspirés en grande partie de la simplicité de la vie rurale d'Al Saïd. Abderrahmane Al Abnoudi, surnommé «roumane» dans son jeune âge parce qu'il appréciait beaucoup la grenade, le savoureux fruit rouge, a pendant toute son existence défendu la cause des plus faibles, du petit peuple, des Egyptiens d'en bas, de ceux qui n'ont pas de voix. Il a mené sa petite révolution à sa manière, montrant que la poésie est l'art le plus abouti, l'art de l'humain dans ses beautés et ses colères, l'art pur de la contestation et du refus. Il a naturellement soutenu en janvier 2011 la révolte populaire contre le régime de Hosni Moubarak. Au début des années 1980, il avait écrit le fameux poème Al Ahzanou al adiya (Les tristesses ordinaires) à travers lequel il dénonçait l'arbitraire des régimes politiques et l'injustice. Al Abnoudi a probablement écrit le plus beau poème sur Baghdad. Baghdad l'Abasside, la ville martyre, celle qui depuis des siècles résiste aux assauts de la haine et de la folie et qui résiste toujours. Al Abnoudi a fait un remarquable travail de recherche sur La Geste Hilalienne (Siratou bani Hillel) rassemblant plus d'un million de vers de cette épopée des tribus arabes venues en Afrique du Nord au début du XIe siècle. Un travail soigné et précieux digne d'un véritable anthropologue. Abderrahmane Al Abnoudi aurait pu avoir le Nobel de la littérature comme d'autres auteurs arabes, à l'image d'Adonis, d'Assia Djebar, de Nizar Qabani, de Mohamed Dib, de Tayeb Salah et de Taha Hussein. Mais, le comité du Nobel, installé dans la froideur du Nord, ne regarde presque jamais du côté du Sud. Il se contente de donner ses prix à «la littérature blanche», considérée, à tort, comme une littérature supérieure. Faut peut-être que le Sud crée son propre Nobel ! Une révolte des poètes est toujours possible pour y arriver. Seuls les poètes trouvent les chemins de lumière en pleine tempête !