C'est une valse à trois temps. Un double remaniement ministériel suivi d'un large mouvement à la tête des staffs managériaux des plus grandes entreprises et banques d'Etat, sans oublier la principale institution de contrôle économique du pays, les Douanes. Un mouvement à trois temps, donc, qui a envoyé certains valser tandis que des outsiders sont invités à entrer en piste. Car le remaniement ministériel opéré il y a quelques jours – et c'est un fait inédit – s'est immédiatement reflété sur la sphère économique publique. Un remaniement qui aura été synonyme pour les uns de châtiment, d'avancement pour les autres, et pour les plus chanceux de déplacement dans cet énième jeu de chaises musicales réservé aux indéboulonnables «commis». C'est le cas du directeur général des Douanes, Mohamed Abdou Bouderbala, qui cède son siège sans pour autant quitter la scène. Le juriste, qui a fait ses classes à l'ex-DNC pour entrer ensuite dans les arcanes du ministère des Finances en se spécialisant dans la législation fiscale, arrive à se recycler malgré un bilan en demi-teinte à la tête des Douanes algériennes. Il aura désormais la charge de «remettre à flot» Air Algérie et de «sauver» le pavillon national de la dérive. Si les 9 ans de règne de M. Bouderbala à la tête des Douanes peuvent faire grise mine, ce dernier peut bomber le torse face à un Mohamed Salah Boultif qui a eu maille à partir avec les grèves à répétition des personnels navigants, l'accumulation des retards et annulations de vols et, plus grave, la multiplication des incidents techniques en tous genres pour une compagnie qui était, jusqu'à récemment, considérée comme l'une des plus sûres. Espérons donc que le «dessein» en clair-obscur se traduira par une refonte dans la gestion de cette compagnie, qui s'illustre malgré tout par des bilans bénéficiaires et un chiffre d'affaires de 80 milliards de dinars, mais souffre d'un sureffectif avec plus de 9000 employés se traduisant par une pléthore de personnels au sol au détriment des équipes opérationnelles et de navigation. Tout est à faire à ce niveau, en supposant que ce remaniement ne se limitera pas à faire le bonheur des imprimeurs… Pour les Douanes algériennes, c'est le principe de la promotion en interne qui semble bénéficier au nouveau directeur général. Le profil est celui qui paraît convenir à la plus grande partie des nouveaux promus, celui du technicien plus que celui du technocrate. C'est donc Kaddour Bentahar, directeur de la réglementation, de la législation et des échanges au sein de la direction générale des Douanes qui se voit projeté à la tête de cette institution. La mission est on ne peut plus claire : juguler la saignée de capitaux transférés illicitement sans pour autant handicaper le peu d'entreprises qui réussissent encore à produire. Car il faut bien le reconnaître, les années Bouderbala n'auront pas apporté de changement notable en matière de performances douanières. Sans jeter la pierre aux 20 000 agents des Douanes, ce premier rempart de préservation de l'économie nationale est toujours miné par la corruption, ce qui a favorisé, dans un contexte d'aisance financière, les transferts illicites de devises. Le volume de ces transferts enregistrés par les Douanes n'a fait qu'augmenter pour dépasser les 500 millions de dollars en 2014, tandis que les think tank internationaux, tel le GFI, tablent sur une moyenne de 1,6 milliard de dollars qui quitteraient chaque année le territoire national. Bien que la direction générale des Douanes ait tenté, via une campagne de communication agressive, de se dédouaner – un comble pour des douaniers – en chargeant la responsabilité des banques et de la Banque d'Algérie, rien n'y fait. La contraction des recettes pétrolières sonne le glas des réflexes et habitudes nées et ayant grandi dans le lit de l'aisance financière. A ce titre, Kaddour Bentahar peut être présenté comme l'homme de la conjoncture. Formé à l'Institut d'économie douanière et fiscale de Koléa, l'homme a fait l'ensemble de sa carrière dans le corps des Douanes. Doté du grade de divisionnaire, Kaddour Bentahar a occupé de nombreux postes, notamment de directeur régional à Hassi Messaoud et à Alger – des places fortes – avant d'être nommé directeur central chargé de la réglementation, de la législation et des échanges. Un poste à travers lequel il a eu à chapeauter des projets incontournables tels que la refonte du code des Douanes ainsi que l'implémentation du statut d'opérateur agréé. Il se trouve également en première ligne de la lutte contre la contrefaçon et tout ce qui est lié au contrôle de la conformité des marchandises importées. La messe est donc dite et une troupe de techniciens est désormais chargée de trouver les réponses à la crise qui s'installe. Reste à éloigner le spectre du syndrome du technicien monté en grade…