Quatre ans sont passés depuis les soulèvements de 2011, une génération a grandi depuis Octobre 88 et l'on se souvenait récemment du quinzième anniversaire du Printemps berbère. Pourtant d'un bout à l'autre de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, le mot «révolution» est presque devenu tabou, comme celui de «printemps». Malvenu, simpliste ou trop idéaliste pour avoir droit de cité face aux désillusions des acteurs et à la complexité des situations ? Ferait-on désormais face à un non-lieu, au sens de no mans' land mémoriel, d'impensé proche du déni ? Des lendemains de 2011, de 1988 ou de 1980, ne retiendra-t-on finalement que des dictateurs, des barbus, des soldats, des émeutiers ? A moins que des figures de femmes - incarnant des parcours, des idées, des engagements singuliers - fassent résonner notre mémoire collective et nous aident à sortir d'une image de la région figée autour de stéréotypes ? En janvier dernier, l'hommage de Kamel Daoud à la militante égyptienne Shaymaa Al Sabbagh, assassinée pour avoir commémoré la révolution, tentait bien de réveiller nos consciences. Comme il l'a fait, pourquoi ne pas nous pencher sur l'Egypte de Shaymaa, la Syrie de Razan Zeintouneh, l'Algérie de Nabila Djahnine et ces autres femmes icônes de la liberté, celles que l'écrivain nommait «Ma Joconde, ma Guernica, mon Amour», puisque, selon la poétesse syrienne Hala Mohammad «Liberté est un mot féminin. Révolution est un mot féminin». A travers quelques pays et autant de figures féminines, redessinons une cartographie et une chronologie sensibles de la région ! Cette chronique en images publiée dans El Watan Week-end représente un prolongement de ma contribution à l'émission «Orient Hebdo», où chaque deux mois j'apporte un éclairage décalé sur l'actualité de la région à travers le parcours de femmes. Ce mois-ci, il s'agit du thème «L'Algérie et ses femmes gardiennes de mémoire» incarné à travers le portfolio sonore diffusé sur elwatan. com, réalisé à partir du poème «Blanc est le ciel» de Habiba Djahnine accompagné de la musique de Chayeb Chbab et des photographies de Sonia Merabet. Ce poème, quête d'un regard apaisé sur la colère du monde, est le fil directeur de cette chronique où sont présentées les différentes facettes d'une mémoire partagée à travers le regard de cinq jeunes artistes visuelles.