Propos recueillis par Akli Rezouali Quel rôle économique devraient tenir désormais les collectivités locales en ces temps de crise pétrolière ? En Algérie, les collectivités locales ont été longuement considérées comme des vecteurs de développement local, et ce, en vertu de la réglementation en vigueur à travers les codes qui ont couronné le fonctionnement des deux collectivités locales, à savoir la commune et la wilaya. En pratique, en dépit du degré de décentralisation existant qui est conféré aux communes en particulier, on constate que celle-ci reste un maillon dépendant de l'Etat central en raison de la part des subventions qu'occupe le budget communal et qui dépasse 90% des recettes des collectivités locales. Cette situation s'explique par le fait que nous avons eu une embellie financière qui a, certes, participé à l'effort du développement national avec des retombées locales, mais hélas la commune se trouve être une entité qui tend toujours sa main à la tutelle donc elle est devenue assistée. En tant qu'universitaire ayant réalisé des travaux sur les collectivités locales, je considère que ces dernières peuvent être redynamisées dans le contexte de la crise pétrolière par la mobilisation des ressources locales, mais ceci passe inévitablement par la mobilisation des compétences que recèlent les collectivités locales et surtout territoriales. Nous devons passer d'une approche administrative du développement à une approche territoriale, en définissant les priorités de chaque collectivité territoriale et en faisant des diagnostics territoriaux pertinents et adaptés aux problématiques de chaque collectivité. Cette mission ne peut être réalisée que par l'implication des experts et professionnels pour redynamiser la vie locale dans la perspective de réfléchir autour de projets et de destins des territoires, ce qui permettra de créer des synergies locales. Il ne peut y avoir de développement de territoires sans implication de compétences humaines avérées. Quels sont les secteurs-clés qui devraient être prioritairement soutenus au niveau des régions pour contribuer à la diversification de l'économie ? L'échelon local, composé des deux collectivités que sont la commune et la wilaya, a une double mission : la mission de service public et celle de développement et d'aménagement du territoire. Dans cette perspective, les collectivités locales doivent d'abord s'occuper de la mission de service public qui constitue sa raison d'être : voirie, état civil, alimentation en eau potable, gestion des déchets, animation locale... Le niveau «régional» qui, en réalité, n'est pas existant dans le schéma administratif de notre pays mais qui est défini dans le schéma d'aménagement du territoire à l'horizon 2030 comme appellation «région programme» peut être maintenu pour amorcer la dynamique du développement enclenchée au niveau central dans les secteurs de planification urbaine interwilayale et intercommunale. Dans ce schéma, les secteurs-clés à mon avis qui doivent avoir un soutien important sont l'agriculture et le tourisme, en tenant compte bien entendu des spécificités régionales et territoriales : zones de montagne, Hauts-Plateaux et désert. La fiscalité locale doit-elle être réformée en profondeur pour susciter une dynamique d'investissement propre aux collectivités locales ? En Algérie, il n'y a pas de fiscalité locale, il y a des impôts locaux perçus au niveau local. La fiscalité locale suppose la liberté donnée aux élus de fixer les taux d'impôts selon une fourchette donnée et réglementée par la tutelle. Ce qui permettra une compétition entre les territoires qui peuvent être attractifs des investissements ou bien répulsifs, puisque les mécanismes de péréquation qui existent jusque-là ont certes pu réduire certaines inégalités intercommunales, mais restent des instruments purement centralisés qui nécessitent d'être réformés, du fait que les critères de péréquation dans certains cas ne tiennent pas compte des spécificités locales et territoriales. D'où les inégalités qui se creusent entre les collectivités et qui créent des déséquilibres régionaux. La fiscalité locale peut, par conséquent, être un vecteur de développement local et un levier permettant de redynamiser celui-ci. Ce chantier passe inéluctablement par la formation d'un encadrement plus compétent des collectivités locales, d'autant que les organismes de formation, tels que les instituts spécialisés, sont en mesure d'offrir les compétences requises à cet effet. La finalité étant d'enclencher une nouvelle dynamique de développement durable.