On se réveille à 5h du matin et on n'est pas vraiment sûr de pouvoir décrocher son rendez-vous avec le médecin spécialiste». Cette phrase-sentence revient dans la bouche de plusieurs malades rencontrés non loin du cabinet d'un gynécologue à Souk Ahras. Des dizaines de personnes, venues dans leur majorité des régions lointaines, font le pied de grue devant les cabinets des cardiologues, néphrologues, traumatologues et autres spécialistes dont le nombre demeure en deçà de la demande de la wilaya. Les médecins, eux, se complaisent dans des comportements de comptables. Avant même l'ouverture des portes, les patients s'accrochent au portail et ne quittent les lieux que pour leurs besoins biologiques, parfois satisfaits, à la faveur de l'absence de l'éclairage public, en pleine nature. Deux heures après, un homme d'un certain âge, arrive à proximité du cabinet et c'est toute la foule qui se met en position, en murmurant «l'infirmier est arrivé». L'attente par ces temps de froid glacial de novembre, trouvera peut-être soulagement avec le dernier venu. L'homme se montre d'une arrogance révoltante et ne répond même pas aux saluts des malades et leurs accompagnateurs. Il referme le portail derrière lui et se perd dans le noir de l'immeuble. Revenu quelques minutes après, il lancera : «Les rendez-vous d'hier avant ceux d'aujourd'hui…et ceux d'aujourd'hui doivent inscrire leurs noms dans l'immédiat». Hommes et femmes se bousculent devant une table de fortune prévue pour l'inscription des listes des personnes présentes pour consultation. Le médecin n'arrivera qu'aux alentours de 9 h. Ces scènes sont quotidiennes à Souk Ahras, où tous les praticiens privés se sont donné le mot pour agir de la sorte. Au lieu d'être soulagés un tant soit peu de leurs souffrances, les malades sont exposés aux risques, maltraités et voués aux gémonies par cette autre caste de spéculateurs, insensibles aux serments… celui d'Hippocrate au moins.