A peine a-t-il remis les pieds en Algérie, l'ancien ministre du Plan et Premier ministre sous Chadli Bendjedid, Abdelhamid Brahimi, dit «Abdelhamid la science», le père des réformes destructrices du tissu industriel national dans les années 1980, est déjà dans la polémique et au centre d'une guerre médiatique. D'abord autour de l'histoire de la Révolution algérienne, puis sur les années 1990. Après un exil volontaire de 25 ans, Abdelhamid Brahimi est revenu dans un contexte politique délétère. Il semble bien s'y plaire parce qu'il est tout de suite mis dans le bain. Il croit s'arroger déjà le rôle de distribuer les bons points et les mauvais sur la participation des uns et des autres à la guerre de Libération. L'on apprend ainsi que le général Toufik, ancien patron des Services de renseignement algériens, épluchait la pomme de terre au maquis et que Khaled Nezzar ferait partie des officiers légués par la France coloniale pour dominer l'Algérie, il en a même consacré un livre pamphlétaire sur le sujet. L'ancien ministre de la Défense appartient, selon lui, à «Hizb França». L'ancien Premier ministre de Chadli, qui démissionna après la révolte du 5 Octobre, résultat d'une accumulation d'échecs depuis l'indépendance du pays, n'a visiblement pas appris la leçon que les Algériens lui ont administrée, à lui et au pouvoir de Chadli. L'on s'attend même que l'exilé de Londres multiplie ses sorties médiatiques contre le «Hizb França». Et dans la guerre menée contre les anciens responsables de l'armée, Abdelhamid Brahimi n'est pas seul. Il trouve à ses côtés un ancien officier des forces spéciales, Ahmed Chouchane, ayant fait partie durant les années 1990 de ceux qui ont créé le Mouvement algérien des officiers libres (Maol). Emprisonné pour ses accointances avec le parti du Front islamique du salut (Fis) dissous par décision de justice, le capitaine Chouchane part lui aussi à Londres où il reste 23 ans. Des informations qui circulent sur la Toile le donnent déjà rentré en Algérie, d'autres soutiennent qu'il est encore en exil mais aurait obtenu les papiers nécessaires pour le retour. La campagne qu'il a menée à partir de Londres durant la décennie noire, en faisant la promotion du «qui tue qui ?» en soutenant que l'ancien chef des Groupes islamiques armés (GIA), Djamel Zitouni, serait un agent du DRS, que les moines de Tibhirine n'ont pas été tués par des terroristes, est particulièrement virulente, celle qu'il mène que d'anciens officiers des Services de renseignement, à leur tête leur ex-patron le général Toufik, l'est encore plus. Ahmed Chouchane appelle le peuple algérien, les officiers et tous les membres de l'Armée nationale populaire (ANP) à soutenir à fond le chef d'état-major et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, de ce qu'il appelle «des responsables affiliés à l'ancien colonisateur». «Nul n'a le droit de se mettre au travers de cette entreprise de nettoyage des rangs de l'armée», clamait-il dans plusieurs messages mis en ligne depuis juillet 2015, en prenant soin de bien dire que le vice-ministre de la Défense n'est pas une personne qui lui étrangère mais quelqu'un avec il a longuement discuté à Béchar en 1992. D'aucuns s'interrogent en effet sur le revirement d'un officier très actif dans une campagne anti-algérienne à partir de l'étranger. Mais lorsqu'on sait que des informations circulent aussi au sujet du retour au pays de l'autre officier déserteur du DRS, Mohamed Samraoui, et du très fort probable come-back de l'ancien n°1 du Fis dissous, Abassi Madani, qui n'hésite pas lui aussi à faire des intrusions dans les débats sur des questions de premier ordre en Algérie, on ne peut que comprendre qu'une entreprise d'absolution totale est en cours dans le pays. La démarche si elle s'avère réelle, si toutes ces informations se confirment, Bouteflika et ses collaborateurs sont en passe de mettre à exécution une véritable amnistie générale. Mais une amnistie dont les couleurs sont annoncées par Abdelhamid Brahimi s'apparente visiblement à un terrible goût de revanche contre ceux qui ont mené la lutte contre le terrorisme. Il manquerait au tableau de chasse du régime que Habib Souaïdia, l'auteur de la «sale guerre» contre l'Algérie durant les années 1990. Et les tirs croisés contre d'anciens responsables de l'armée, ceux qu'on appelle les Janviéristes, montrent la voie d'un incroyable jeu de pouvoir et des calculs dont on ne connaît pas encore le bénéficiaire.