Il y a véritablement urgence en Libye et il ne s'agit en aucun cas de revenir au statu quo ante, c'est-à-dire au régime d'El Gueddafi qui a disparu sans que subsiste la notion d'Etat. En fait, celle-ci n'est jamais apparue, l'ancien leader s'étant donné d'autres moyens, lesquels, en fin de compte, ne constituaient pas la moindre assurance. Son pays est aujourd'hui au bord du gouffre avec un double handicap, ou encore un double challenge qui consiste à bâtir un Etat avec des institutions solides et exercer ses missions de souveraineté visant à barrer la voie à tout danger. Celui-ci a aujourd'hui un nom, Daech, qui a réussi à profiter du vide, du néant devrait-on dire, causé par les combats entre factions rivales, et à s'emparer de la ville de Syrte, située à 450 km à l'est de Tripoli, qui n'est plus la capitale de l'autorité reconnue par la communauté internationale. Plus que cela, la Libye est devenue la destination de milliers de djihadistes — l'Administration américaine parlant de milliers — beaucoup d'entre eux ayant foulé le sol libyen après avoir quitté la Syrie et l'Irak. Le risque est grand de voir la Libye, devenue pour un temps l'arsenal pour une panoplie de groupes armés, se transformer en la plus sérieuse menace non seulement pour les Libyens eux-mêmes, mais pour l'ensemble de la région — l'Europe, dans ce cas de figure, n'étant plus loin. Comment donc contrer cette menace si ce n'est par la mise sur pied d'une autorité nationale libyenne — tout le monde en convient — éliminant de ce fait l'idée d'une intervention étrangère. Ce qui conforte en outre l'option fermement défendue de ce côté de la Méditerranée de la solution politique. Et dire que celle-ci a pris forme après d'âpres négociations entre deux autorités siégeant dans deux villes différentes et perçues différemment par la communauté internationale qui n'en a reconnu qu'une seule, celle de Tobrouk. Ces querelles et ces désaccords ont empêché jusqu'à l'émergence d'une autorité unique, alors même que la Libye inspirait au moins des craintes jusqu'à ce constat d'hier — dressé aussi bien par les Américains qui ont donné quelques chiffres que par les Européens réunis autour de la situation en Libye — ce qui est révélateur de la crise actuelle, que cette présence «augmente la pression pour qu'un gouvernement d'unité soit formé et qu'ensuite, celui-ci dise clairement de quel genre d'aide il a besoin de la part de la communauté internationale». Même l'OTAN se déclare prête à aider «à construire des institutions de défense» en envoyant des conseillers et formateurs en Libye «mais cela nécessite une requête d'un nouveau gouvernement d'unité». Enfin devrait-on dire, les choses apparaissent plus clairement, l'option militaire semblant cette fois exclue, sauf peut-être un appui logistique. A la seule condition que l'autorité en question soit enfin créée. C'est la première urgence.