C'est sans surprise que le monde a appris la normalisation des relations entre la Turquie et Israël, rompues depuis 2010 lorsque l'armée israélienne a attaqué un bateau turc transportant de l'aide à destination des populations de Ghaza, opération au cours de laquelle dix marins ont été tués. Si elle n'étonne pas, cette normalisation a le mérite de montrer la véritable nature de la mouvance islamiste de Recep Tayyip Erdogan et de l'islamisme en général. Peu après son accession au pouvoir, le chef de l'AKP, mû par une ambition démesurée, s'est mis à faire dans la surenchère anti-israélienne. Il avait en tête l'empire ottoman et se voyait de ce fait comme nouveau calife avec l'idée de prendre le leadership du monde musulman, surtout que la Turquie avait des atouts, notamment une grande réussite économique qui la hissait au premier rang des nations musulmanes. Parallèlement, il a entrepris un grand rapprochement avec le monde arabe. Malheureusement pour lui, ce qu'on appelle le «printemps arabe» a faussé tous ses calculs. La révolte contre le clan Al Assad en Syrie, la reprise des activités militaires des séparatistes kurdes, le soutien déguisé à Daech au début de son apparition sur la scène avec tous les bouleversements qui ont suivi dans tout le Moyen-Orient l'ont obligé à revoir sa stratégie. Ajouté à tout cela sa brouille avec la Russie et ses relations tendues avec l'Union européenne à cause des réfugiés syriens notamment, et pour lesquels la Turquie paie un lourd tribut — c'est le seul pays musulman qui leur a ouvert grandes ses portes — et l'on voit la situation inextricable dans laquelle il se débat. De ce fait, M. Erdogan est obligé de revoir ses ambitions à la baisse et ses alliances pour sortir de son isolement. C'est ce qui explique son rapprochement avec Israël avec lequel historiquement Ankara avait de grandes affinités. La Turquie a bien entendu le droit de défendre avant tout ses intérêts. Mais l'AKP démontre que les islamistes n'ont pas d'état d'âme et peuvent s'allier avec le diable si cela sert leurs intérêts. Leur rhétorique contre «les croisés et les juifs» n'est que de la poudre aux yeux. Quand on entend leurs prêches dans les mosquées, on se dit que les juifs n'ont qu'à se préparer pour un autre Holocauste, parce que chaque leader islamiste cache un Hitler ou un Himmler prêt à en découdre avec le sionisme. La réalité est autre. Même les pays arabes les plus antisémites, comme ceux du Golfe, ont en vérité d'excellentes relations avec les Israéliens. Daech, qui promet le pire des châtiments à Israël, n'a jamais tiré une balle contre l'armée israélienne alors qu'elle se trouve à peine à une centaine de mètres de ses troupes dans le Golan. Ces dernières savent qu'elles seront éradiquées de la région si elles s'aventuraient à seulement provoquer Israël. Et entre fascistes, on ne s'entretue pas. Le comble de l'outrage fait au peuple palestinien vient du Hamas qui est au pouvoir à Ghaza. Le mouvement islamiste a exprimé «sa gratitude et son estime au président Erdogan», après l'annonce du rapprochement israélo-turc. Netanyahu, le Premier ministre israélien, avait précisé que le blocus imposé à l'enclave palestinienne depuis 10 ans n'était pas à l'ordre du jour des discussions entre Ankara et Tel-Aviv et il n'est pas question qu'il soit levé.