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«Notre démarche a été de le sortir de la bulle du cheikh soufi et du moudjahid pour le mettre dans la posture du politique» Akram Adouani. Réalisateur tunisien du documentaire sur l'Emir Abdelkader
Le film documentaire sur l'Emir Abdelkader, projeté en compétition au Festival d'Oran, a suscité beaucoup d'intérêt. Son auteur, de nationalité tunisienne, considère qu'en tant que maghrébin, il est directement concerné par cette histoire, mais que l'héritage d'Abdelkader dépasse les frontières algériennes et maghrébines, car il est un symbole pour l'humanité entière. Dans cet entretien, il revient sur les conditions qui ont présidé à la réalisation de son film. - La personnalité de l'Emir a déjà été traitée dans des ouvrages et des documentaires. Quelles sont les sources sur lesquelles vous vous êtes basé pour réaliser ce film et quelles sont les nouveautés que vous apportez ? Notre approche n'a pas été de faire à tout prix dans la nouveauté. Certains épisodes de son parcours suscitent des avis différents, à l'exemple de la signature du traité de la Tafna, au moment où, dirions nous, la révolte d'Ahmed Bey à l'Est était encore en cours, mais cela tout le monde le sait. Notre vision est toute autre. Nous nous concentrons sur l'émir Abdelkader comme étant un homme politique qui a usé de calculs politiques. En toute simplicité, notre démarche a été de l'humaniser en le sortant de la bulle du cheikh soufi, du moudjahid, pour le mettre dans la posture du politique, qui a agi dans ce cadre, qui a eu des ambitions, des positions pragmatiques, etc. Notre problème aujourd'hui est que la pensée arabo-musulmane est devenue extrémiste, un esprit bipolaire qui voit les choses soit en noir soit en blanc. Or, dans la réalité, ce n'est pas tout blanc ou tout noir. Je viens de Tunisie, où nous avions un «zaïm» qui s'appelait Bourguiba et qui disait que la politique saine est celle qui consiste à prendre et à revendiquer. Il avait prononcé cette phrase au moment où dans la sphère (dite) arabe, tout le monde appelait à la guerre et c'était la seule voix qui prédominait. Je suis avec la politique qui consiste à prendre ce qu'il y a et à revendiquer davantage. Je ne permets pas à l'Occident d'occuper ma terre ou de prendre mes richesses, mais je ne me permettrais pas non plus d'intoxiquer l'esprit de la jeunesse par un discours extrémiste qui mène à la ruine, comme si on était au temps des croisades. Il faut être pragmatique et savoir négocier. - L'Emir Abdelkader peut-il donc jouer le rôle de modèle contre le fanatisme ? Les Français ont apprécié l'Emir Abdelkader car, pour la première fois, et nous étions au 19e siècle, ils ont trouvé un dirigeant musulman qui ne les combattait pas comme un marabout. Ce n'est pas El Mehdi du Soudan, qui faisait sortir les gens en leur disant : «Soit on gagne, soit on meurt.» Ils ont trouvé un homme qui savait négocier. Il était intelligent. Il a agi comme le ferait n'importe quel dirigeant européen habitué aux alliances qui se font et se défont au gré des intérêts. C'est le jeu politique et l'enjeu des Etats. Il savait que son pays n'était pas au top et voulait bénéficier du développement des Français, mais en même temps il les combattait, car ils étaient venus en conquérants. Sa démarche était : ‘'Je montre que je ne suis pas facile, mais j'accepte de négocier. ‘' Le film contient des reconstitutions de combats historiques qui laissent entendre que de gros moyens ont été mis à la disposition de la réalisation…. Nos producteurs sont une société canadienne, une société tunisienne et une chaîne de télévision, la seule chaîne arabe qui finance les documentaires et c'est El Djazira El Ouathaiquia (documentaire). Ce sont ces trois entités qui ont assuré cette production. La copie que vous venez de voir est celle du visionnage et la définitive qui sera projetée ultérieurement contient des scènes encore plus impressionnantes. Nous étions même prêts à faire plus grand, mais nous avions besoin d'un financement supplémentaire algérien. - Ne l'avez-vous pas eu ? Sincèrement nous n'avons pas trouvé comment chercher. C'est plus difficile de chercher. Il faut dire que nous n'avons pas sollicité une partie qui nous aurait refusé sa contribution. C'était un peu compliqué, car nous n'avions pas trouvé des tuyaux clairs qui nous auraient permis d'entamer la démarche. Il faut savoir que notre politique n'est pas celle qui consiste à taper aux portes. Nous n'allons pas par exemple demandé directement à une grosse société comme Sonatrach de nous sponsoriser. Nous n'allons pas non plus demander une aide du ministère algérien de la Culture, alors que cette instance n'a pas un programme spécial pour cela. D'un autre côté, nous sommes contents de réaliser un film avec beaucoup d'efforts, mais sans pour autant que ce soit un film algérien. L'idée était de faire un film sur une personnalité algérienne avec la même assiduité et les mêmes moyens que j'aurais pu mettre pour une personnalité tunisienne. Le personnage m'appartient également. - On dit que dans le doute, mieux vaut s'abstenir. On connaît l'histoire de la région où a vécu l'Emir Abdelkader, celle du Maghreb de manière générale, ses dynasties et ses tribus, mais on ne peut pas remonter la filiation d'un habitant quelconque. Le film suggère pourtant deux filiations distinctes : une qui serait amazighe et une autre qui serait hidjazienne de par un lointain ancêtre qui se serait marié à la fille d'un gouverneur maghrébin. Pourquoi avoir introduit cet aspect qui n'a pas de véracité historique ? Une bonne partie des tribus maghrébines sont amazighes, c'est indéniable, même si quelques unes se donnent pour elles-mêmes des origines autres. Il n'y a pas de preuves, mais en tout cas dans la quasi-majorité, les origines sont indigènes. Ibn Khaldoun que les pays du Maghreb se partagent et qui est amazigh dit «ennas mousadakouna fi ansabihim» (référence à la source). Quand vous attribuez l'information, cela ne pose pas de problème et dans notre texte il est écrit «youkalou», c'est-à-dire «on dit». Nous l'avons introduit avec beaucoup de prudence. Il est sans conteste issu d'une grande tribu amazighe, mais individuellement chacun a le droit de revendiquer la filiation qu'il veut je ne sais quoi, Bosniaque par exemple !