Les prochaines élections législatives, prévues dans moins d'un an, se présentent sous des auspices singuliers dans un climat politique dominé par l'activité institutionnelle et les accès de fièvre dans l'appareil du pouvoir. La régression politique est telle que la polémique sur une erreur d'infographie dans un manuel scolaire a pris plus de temps que le débat sur la nouvelle loi électorale adoptée en juin dernier. Plus d'un quart de siècle après l'ouverture officielle au pluralisme politique, le pays fonctionne toujours comme à l'ère du parti unique. Un chef de parti islamiste a eu raison de déclarer que le pouvoir a poussé le cynisme jusqu'à «usurper» la fonction de l'opposition après les dernières dénonciations de faits de corruption ayant tout bonnement émané de l'Exécutif. Ce serait une première dans le monde si les contre-pouvoirs étaient détenus par les décideurs. Il y a des indices qui amènent à croire qu'il ne s'agit pas d'une simple illusion mais d'une démarche méthodiquement engagée. Ainsi, le Conseil national des droits de l'homme (CNDH), introduit par la nouvelle Constitution et dont le projet de loi sera soumis au vote aujourd'hui à l'APN, est chargé «en particulier de l'alerte précoce dans les situations de tension ou de crise pouvant entraîner des violations des droits de l'homme». Une formulation qui n'est pas sans suggérer un certain empiétement sur les missions des Renseignements généraux, ce qui ne constitue pas une avancée dans le fonctionnement des institutions. Les 38 membres du CNDH seront, du reste, nommés par décret présidentiel. Avec ce poids institutionnel et la logistique étatique, il ne restera pas une grande marge de manœuvre à la société civile pour créer ses propres structures d'action pour la protection des droits de l'homme. Dans un autre secteur de la vie nationale, tout aussi sensible et auquel ont pensé également les concepteurs de la Loi fondamentale, la chape institutionnelle est pareillement suspendue. Lors d'une journée d'étude organisée jeudi dernier au Conseil de la nation, sous le thème «L'avenir de la démocratie», une intervention a été particulièrement mise en exergue dans les comptes-rendus officiels. Un conférencier a affirmé à cette occasion que «la création du Conseil supérieur de la jeunesse était nécessaire pour corriger l'échec des partis politiques et de la société civile à mettre en œuvre les programmes destinés aux jeunes». Le pouvoir est, en définitive, en train d'affirmer que la société civile est soluble dans les institutions. En reprenant à son compte tous les débats et toutes les luttes, le système en place, loin de promouvoir une quelconque ouverture sur la société, accomplit des petits pas, y compris par la voie législative, vers la régénération du pouvoir absolu dont il n'a jamais réussi à faire le deuil. Reste la classe politique de l'opposition, impossible à phagocyter, même interdite d'expression et d'action. Raillées par des hommes politiques, comme le chef du TAJ, qui a créé un groupe parlementaire avant de participer à des élections législatives, les formations qui se sont regroupées pour imposer une alternative démocratique constituent un écueil insurmontable pour les promoteurs d'un retour à un ordre condamné par l'histoire.