Le président de la République reçoit le président de la Chambre des communes du Canada    Tous les indices du secteur du travail, de l'emploi et sécurité sociale à Tissemsilt sont positifs    Boughali reçoit le président de la Chambre canadienne des communes    ONU/Conseil de sécurité: consultations à huis clos sur la situation en Syrie    Agression sioniste: l'UNRWA épine dorsale de l'acheminement de l'aide humanitaire à Ghaza    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 34.305 martyrs    Le projet "Baladna" de production de lait en poudre: la première phase de production débutera en 2026    Coupe d'Algérie - Demi-finale: le CRB élimine l'USMA aux tirs aux but (3-1) et rejoint le MCA en finale    Secousse tellurique de 3,3 degrés dans la wilaya de Tizi Ouzou    Le Festival du film méditerranéen d'Annaba, une empreinte prestigieuse sur la scène culturelle    Chanegriha impitoyable à la préparation au combat    Le ministère de la Culture annonce le programme des foires nationales du livre    19e édition des rencontres cinématographiques de Béjaia: le 15 mai, date butoir de dépôt des œuvres    Les autorités d'occupation ferment la mosquée Ibrahimi aux musulmans    Les autorités d'occupation ferment la mosquée Ibrahimi aux musulmans    Transformer le théâtre universitaire en un produit commercialisable    Le Bureau Fédéral de la FAF apporte son soutien à l'USMA    Son nom fait «trembler» le foot du Roi    Coupe d'Algérie : Le MCA écarte le CSC et va en finale    Les médias conviés à une visite guidée du Centre de formation des troupes spéciales    Le directeur général des forêts en visite d'inspection    Trois membres d'une même famille assassinés    Dahleb donne le coup d'envoi d'une campagne de reboisement au Parc de Oued Smar    Ali Aoun inaugure une usine de fabrication de pièces automobiles et une unité de production de batteries    PIB et taux de croissance, inflation, taux de chômage, endettement, réserves de change, cotation du dinar    Le Président chilien Gabriel Boric a qualifié la guerre israélienne de « barbare »    L'Algérie participe à la 38e édition    Principales étapes de la résistance des Touaregs    La psychose anti-islamique obéit aux mêmes desseins que la hantise antibolchevique    L'ambassadeur du Royaume du Lesotho salue le soutien de l'Algérie aux efforts de développement dans son pays    Coupe du monde de Gymnastique : Kaylia Nemour sacrée aux barres asymétriques    Chanegriha supervise l'exécution d'un exercice tactique avec munitions réelles en 3ème Région militaire    Coupe d'Algérie (demi-finales): le MC Alger renverse le CS Constantine et accède à sa 10e finale    Parquet de la République: ouverture d'une enquête suite à l'effondrement du plafond d'une classe dans une école primaire à Oran    Tamanrasset: 7 morts et 15 blessés dans un accident de la route    Le ministre de la Justice insiste sur la fourniture de services de qualité aux citoyens    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        L'ORDRE INTERNATIONAL OU CE MECANISME DE DOMINATION PERVERSE DES PEUPLES ?    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    El Tarf: Des agriculteurs demandent l'aménagement de pistes    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le calvaire des Subsahariens durant leur traversée du Sahara
Témoignage de Maha Ould Bari, travailleur au sud du pays depuis plusieurs années et bénévole
Publié dans El Watan le 22 - 06 - 2017

L'on sait le calvaire des immigrants subsahariens dans leur traversée de la Méditerranée vers l'Europe. Les images de naufragés ont fait le tour de la planète. Mais que sait-on de leur passage en zone de turbulences au nord du Mali et du Niger, comme dans les premières centaines de kilomètres qu'ils parcourent en notre pays? Maha Ould Bari (MOB) qui travaille au Sud depuis plusieurs années s'est senti l'impérieux devoir d'en témoigner.
Il les rencontre presque au quotidien, errant le long de RN1, la fameuse route de l'Unité africaine. MOB l'emprunte quatre à cinq fois par semaine en moyenne entre In Arak et Tamanrasset, soit 300 à 550 km, selon son volume de travail. Sur son trajet, il traverse les gorges de Arak, un lieu de passage Nord/Sud depuis l'origine du peuplement du Sahara. La rude beauté de ces canyons enserrant le lit de l'oued du même nom, la curiosité que constituent la faune de la région, oiseaux divers et troupeaux d'ânes sauvages, ses grandioses paysages, ne l'émeut plus, non pas parce que son regard s'est émoussé.
«Quant la détresse humaine s'expose à vos yeux, ces lieux deviennent un coup d'extrême adversité. La mauvaise conscience vous habite dès lors». MOB s'engage dans l'humanitaire, mais à l'échelle de sa personne, mettant à contribution ses collègues qui ne le font pas faute d'apporter leur écot à son bénévolat. Et puis, au niveau de leur base vie, les restes de nourriture non entamés ne manquent pas. Depuis, rien ne va à la poubelle de ce qui peut soulager les migrants rencontrés sur la route, affamés et assoiffés par d'éreintantes journées de marche sous un soleil de plomb ou un froid à glacer les os. Aussi, à chacune de ses sorties, le véhicule de MOB est chargé de victuailles et d'eau. Il soulage sa conscience. Mais sur la durée, les choses se compliquent pour lui, car au gré des rencontres et des échanges de paroles, quand la barrière de la langue n'est pas, les migrants lui confient les cruautés et les ignominies qu'ils ont subies sur leur chemin.
Lui-même a été le témoin direct de quelques-unes. MOB, que nous connaissons de longue date, nous contacte pour faire passer une alerte. Par téléphone et par mail, nous le pressons de questions, orientant les siennes en direction des migrants, affinant et recoupant ses observations. Il nous envoie des photos à l'appui de ses dires. Là, aussi, nous lui suggérons les cadrages et les sujets. Revenu cette semaine du Sahara, nous l'avons rencontré.
Les Haoussas, l'essentiel des migrants
Sans autres préalables, de qui parle-t-on ? «Ils viennent principalement du Mali et du Niger. Les autres nationalités (Nigérians, Burkinabés, Ivoiriens, Sénégalais, Guinéens et même Mauritaniens) débarquent en traversant ces deux pays limitrophes au nôtre. Parmi eux, ceux issus de l'ethnie bambara sont peu nombreux, contrairement aux Haoussas qu'on reconnaît à leur langue. Beaucoup avouent fuir le dénuement et la misère. Ce n'est ni la guerre ni les troubles politiques qui les font fuir. Ils n'en parlent d'ailleurs même pas. Pour vous dire la gravité de leur situation, parmi ces cohortes, des femmes en groupes, sans aucun homme les accompagnant, désertent leur pays. Traînant des enfants en bas âge, elles affirment n'avoir plus rien à manger à Zinder et Maradi, au sud du Niger. C'est aussi simple et tragique que cela.
Elles sont parentes ou voisines. Quelques cas particuliers de femmes fuyant leur famille». Sur les photos prises par MOB, on voit les hommes en marche par groupes de 3 à 5 personnes, certains les pieds nus et très pauvrement vêtus : «Les mieux habillés et chaussés sont instruits et ne font que transiter par notre pays. Mais le gros des arrivants sont des ruraux. Leur destination est l'Algérie d'où leur ont fait appel des proches ayant obtenu un travail, soit à Alger, sur les chantiers des Chinois, soit à Adrar, dans l'agriculture ou dans le bâtiment à Ghardaïa.» MOB a-t-il une idée de l'importance du flux ? «Je rencontre 50 à 60 personnes en moyenne par jour.
Certaines semaines, le flot se tarit. C'est au gré des infiltrations à travers les frontières». Où et comment s'opèrent ces entrées ? «Les Subsahariens sont déposés à la limite de nos frontières à proximité de deux points d'entrée, du côté de Assamaka (Niger) à une vingtaine de kilomètres de In Guezzam, ou côté Mali, pas loin de Timiaouine. Les camions dans lesquels ils sont entassés à 50 ou 60 les déposent pour les confier à des Touareg algériens qui leur font passer la frontière en 4x4. C'est vous dire que le voyage est organisé de bout en bout par des réseaux de passeurs transfrontaliers. De Timiaouine et In Guezzam, pour rejoindre Tam, c'est la marche à pied en général ou le transport par 4x4 s'ils ont les moyens de payer. Au-delà de Tam, sur la RN1, il y a les taxis clandestins qui sillonnent la région en permanence.
Ces ''clandos'', en véhicules de type Hyundai Accent, immatriculés au nord du pays, les déplument de ce qui leur reste. Ils leur exigent des montants faramineux parce que les transports publics ne peuvent charger les Subsahariens sans papiers de peur d'avoir maille à partir avec les gendarmes, situation sécuritaire oblige. Ils les escroquent en outre en les débarquant très loin de leur point de chute, les laissant par exemple à Arak, en leur faisant croire qu'ils sont arrivés à In Salah, alors que celle-ci est plus loin, à 300 km ! Heureusement que des automobilistes prennent parfois les migrants mais sur de courtes distances pour éviter d'être pris en défaut par les gendarmes. Cette solidarité envers les migrants, ses champions sont incontestablement les routiers. Ils les transportent en les cachant sur les bennes de leurs camions. Le malheur, c'est que le clando qui vous voit transporter un migrant vous dénonce au premier poste de gendarmerie rencontré parce qu'ils estiment que vous leur ôtez le pain de la bouche.»
La mort, le racket et le viol
Le plus dur de la traversée, c'est jusqu'à Arak, dans les quatre premières centaines de kilomètres depuis Tam. Sur cette distance, il y a le danger que représentent de jeunes Touareg en moto rôdant sur la route. La région étant montagneuse, le relief du terrain facilite les agressions des malheureux qui s'éloignent un tant soit peu de la route. Les braqueurs sont de jeunes Touareg ayant perdu leur emploi depuis le départ de Cosider après la réalisation du pipeline de transfert de l'eau d'In Salah vers Tam. Ils se déplacent à deux sur une moto, guettant leurs victimes. Fin mai, en plein désert du côté de Sidi Lahcen, j'ai surpris un clando armé d'un coutelas, en train de délester des immigrants de leur argent. L'un deux, me voyant arriver, s'est jeté devant mon véhicule pour m'arrêter.
Je l'ai évité de justesse. Le clando a pris la poudre d'escampette. Parmi ses victimes, un Malien avait reçu un coup de couteau au derrière. Mon compagnon de voyage a pansé sa blessure avec la trousse de secours. Les motards touareg ne s'en prennent pas qu'aux migrants. Le conducteur de 4x4, véhicule très prisé, s'il a le malheur de s'arrêter sans prendre ses précautions pour assurer ses arrières, peut se le faire prendre. Ils surgissent toujours par surprise.
Enfin, outre tous ces dangers, il y a les rigueurs de la nature sur des distances à n'en plus finir. L'enfer du froid glacial ou de la chaleur est sur les tronçons de route de 40 km où il n'y a pas un arbre où s'abriter un moment ! Tu peux mourir d'insolation. Même les bêtes, qui sont pourtant acclimatées et armées par la nature, s'abritent sous les grands acacias dès que le soleil est au zénith. En période de grand froid, la nuit, les migrants s'entassent dans les abris souterrains des vannes du pipeline d'eau. Figurez-vous, les migrants les laissent intacts après leur départ.
MOB raconte qu'apercevant une forme en bord de route, il y a deux semaines, il freine et découvre qu'il s'agit d'un jeune homme inanimé, face contre terre. Il l'asperge d'eau glacée, ce qui tire l'infortuné migrant de son état d'inconscience. Il le désaltère et l'embarque dans son véhicule climatisé, ce qui le ramène davantage à la vie. Il rattrape ses cinq compagnons qui l'avaient abandonné parce qu'ils ne pouvaient faire autrement, sinon ils y seraient restés eux aussi. Malgré le risque des gendarmes, il les transporte pour les déposer plus loin sous l'ombre d'un acacia.
Comment se fait-il qu'ils arrivent désargentés ? «En fait, ils sont délestés de leurs sous de mille et une façons. Dans la traversée du nord du Mali ou du Niger, les groupes armés touareg les rackettent, cela bien que dans le prix du transport ils aient déjà payé à leur chauffeur le tribut qui doit être versé à ces groupes pour le droit de passage. Pis encore, les femmes sont violées. Cela arrive hélas aussi dans les localités du Sud. Débarqués à Tam, ils peuvent obtenir de l'argent de Maliens ou de Nigériens résidant à Tam et dont c'est l'une des sombres activités.
La famille du demandeur doit effectuer un transfert d'argent sur le compte du ‘'commissionnaire''sur son compte en son pays, Mali ou Niger. Lui remet l'équivalent en dinars, moins une commission. Ceux qui n'ont rien doivent reprendre la marche ou trouver un travail au noir. Les entrepreneurs qui sous-traitent les contrats de travaux avec les entreprises nationales ne trouvent que les immigrants pour effectuer les travaux les plus pénibles. Voilà loin des caméras le drame des migrants dans nos zones reculées avant d'atteindre le nord du pays pour aller affronter les flots de la Méditerranée».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.