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« Notre développement industriel a été raté »
Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprise
Publié dans El Watan le 21 - 04 - 2008

Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprise, estime que l'accord d'association signé avec l'Union européenne doit être révisé dans certains aspects. « On demande un rapport d'étape », dit-il. L'accession de l'Algérie à l'OMC est, pour lui, nécessaire mais il note qu'il faut prendre le temps de négocier. Il critique l'apport des banques étrangères en Algérie et regrette l'absence de banques privées algériennes. La stratégie industrielle doit, d'après lui, être confirmée sur le terrain. S'il appelle à plus de transparence dans les privatisations, il estime que cette opération ne doit pas être diabolisée.
Quatorze mois sont passés depuis le lancement de la stratégie industrielle. Quel bilan en faites-vous ?
Le ministère de l'Industrie (MIPI) a organisé des ateliers sur cette stratégie. On peut avoir une meilleure vision sur les secteurs d'activité à privilégier. On a une mise à niveau qui s'affirme de plus en plus. Et on a un horizon économique qui fait intervenir plusieurs concepts : l'économie fondée sur la connaissance. Il est important de voir clair dans ces approches nouvelles. La stratégie industrielle est à confirmer sur le terrain. Il faudrait plus de concertation. Le ciblage des secteurs prioritaires doit être plus précis, là où l'Algérie a un avantage comparatif. On attend les « cluster », ces groupes d'entreprises. Les liens entre le monde universitaire et la recherche doivent être plus forts avec l'entreprise. On attend un accompagnement plus déterminé des entreprises pouvant être leaders dans leurs branches pour les pousser un peu plus dans l'exportation. Concernant les PME-PMI, il y a convergence de points de vue. Les PME sont encore petites, gérées de façon trop familiale, le but sera d'en faire des champions industriels. Comment faire en sorte que dans la compétition de plus en plus dure, les PME puissent se battre avec des atouts que lui donneraient les autorités pour organiser leur système de gestion, leur compétitivité pour se battre avec les multinationales, ces entreprises plus capitalistiques. Il s'agit donc d'une mise à niveau qui comporte plusieurs volets : définir un cadre juridique et fiscal incitatif pour aller vers des fusions-acquisition, vers des grands groupements d'entreprises. Là aussi, il y a un travail de persuasion de longue haleine à faire, il n'y a pas de tradition affirmée pour ouvrir son capital, les entreprises restent trop petites. Le MIPI nous a demandé de participer, nous l'avons fait. Les autorités doivent perfectionner l'aspect réglementaire : constitution d'un holding, notion du groupe, public ou privé, concept de société mère, succursales. Juridiquement, il faut prendre en charge cette nouvelle configuration pour qu'elle soit simplifiée. Idem pour le côté fiscal. L'autre évolution notable sur laquelle nous travaillons, c'est de dissocier la propriété des entreprises de la gestion. Dans le monde moderne, les patrons font appel à plus d'expertise.
La plupart des entreprises algériennes privées sont de type familial. Des familles qui ont tendance à tout gérer...
Dans les postes importants, les patrons doivent solliciter les concours des cadres formés dans les écoles d'affaires, de business schools. Pas de salut sans apport de l'expertise. Le directeur de l'export et le directeur financier doivent être bien formés. On ne peut plus se permettre d'avoir peu d'entreprises qui réalisent des chiffres d'affaires significatifs. Il y a Cevital et quelques autres entreprises, et après, ça descend vite vers des niveaux d'organisation qui donnent de faibles résultats. Cela est dû à un héritage d'un système. Les patrons étaient bridés par un système socialisant qui n'a pas permis un développement important comme on l'observe en Tunisie ou au Maroc. A l'époque de l'ancêtre de l'ANDI, l'OCIP, il était interdit à l'investisseur d'avoir plus d'une affaire. Il était interdit d'avoir une affaire dépassant les 30 millions de dinars. De cette façon, on a atomisé le secteur de la PME. L'élite algérienne n'a pas été vers l'entreprise privée qui, pour des raisons idéologiques, n'était pas bien vue. Dans les familles, ceux qui montaient leurs affaires, c'étaient ceux qui n'étaient pas brillants, qui n'ont pas eu un cursus universitaire. Avec l'ouverture sur l'économie de marché, on a pensé que le mouvement des PMI allait être enrichi par des personnes venues du secteur public, ce n'était pas suffisant. On a espéré du sang neuf avec les migrants, ce n'était pas suffisant également. Les banques n'accordaient pas les crédits nécessaires aux PME pour un bon développement. Les capacités managériales n'étaient pas au rendez-vous non plus. Le système dans son ensemble ne permettait pas à l'entreprise d'avoir une grande dimension identique à celle de Cevital qui fait exception.
Il est dit que si la Bourse d'Alger n'a pas fonctionné c'est à cause du manque de transparence lié au fait que les entreprises soient familiales. Est-ce vrai ?
C'est plus compliqué que cela. La culture générale des chefs d'entreprise, du monde de la PME, n'est pas encore acquise à ce mode de financement. Ils ne maîtrisent pas suffisamment la logique et les mécanismes pour trouver un appui précieux pour obtenir de l'argent avec la bourse. La taille de ces mêmes entreprises ne justifie pas un recours à un tel financement. Pour qu'une bourse fonctionne, les entreprises doivent apprendre à publier leurs résultats. Ces résultats vont inciter les uns et les autres à prendre le même chemin. Pour l'instant, on n'est pas dans ce contexte. Il est vrai qu'il y a une question de transparence, avec un commissariat aux comptes qui certifie les chiffres... on espère que les gens aillent vers ce marché financier. On se rend compte qu'il n'existe que quelques entreprises qui seraient éligibles à ce marché. Il y a un texte qui oblige les entreprises à déposer leurs comptes de résultats auprès du CNRC (registre du commerce) avant la fin juin de chaque année. Le CNRC publie ces résultats, mais il y a encore une forte résistance. On n'a pas encore pris cette habitude. Le CNRC a rendu publiques des statistiques qui font état qu'un tiers seulement des entreprises prend ce chemin-là. Les nouvelles normes comptables vont introduire plus de transparence.
On se rend compte qu'il existe trop de programmes de mise à niveau des PME...
Peu importe la forme, pour peu que cette mise à niveau avance. Cela dure depuis sept ans. Si l'on fait le constat, ce n'est pas une victoire. On est à 450 PME concernées. Ce chiffre traduit le manque de pilotage efficace, les critères présélectifs limitatifs, le refus de l'Etat d'accompagner cette opération, l'Etat ne veut pas mettre la main dans la poche pour aider... On aurait voulu un effort plus important. On a réclamé des mises à niveau de façon pressante dès la signature de l'accord d'association (AA) avec l'Union européenne (UE). On aurait souhaité que cette mise à niveau intervienne avant le choc de l'ouverture. Donc là, on s'achemine progressivement vers le démantèlement tarifaire qui va introduire beaucoup de compétition au sein de l'économie. On a ouvert les frontières le 1er septembre 2005, on est en 2008, et on a une mise à niveau molle, elle existe, réclamée par le MIPI et le MPME et par Bruxelles. On aurait aimé qu'il ait plus d'enthousiasme à la conduire et plus de concertation (...) La mise à niveau est indispensable, si on ne veut pas que la majorité des entreprises adopte des stratégies de survie dans les mois ou les années à venir.
On entend des critiques sur la mise en application de l'accord d'association. Des opérateurs économiques disent qu'ils n'ont pas réellement profité de cet accord. Qu'en est-il réellement ?
Nous n'avons pas été consultés dans les formes que nous aurions voulues. On nous a réunis pour nous donner des explications après la signature de cet accord. C'était trop tard. Nous aurions voulu y émettre des avis différents. Ce n'est pas de la résistance. Pour nous, l'économie n'est pas uniforme. Il y a des particularités qui nécessitent une prise en compte de certaines réalités. Par exemple, appliquer un taux de droit de douanes de démantèlement de 30% à tous les secteurs n'est pas opportun. Il fallait faire des distinctions. Certaines filières supportent ce taux, d'autres moins. Cette attitude globalisante n'était pas une bonne chose. Nous avions à l'esprit les cas du Portugal et de l'Espagne qui, avant de rejoindre la communauté européenne, ont bénéficié d'un vigoureux programme de mise à niveau avec des milliards de dollars à l'appui. Chez nous, on a ouvert le marché avec l'accord d'association, avec une promesse ferme et forte que les investissements allaient suivre. A ce jour, quand on met en balance les échanges commerciaux par rapport aux investissements réalisés, il y a un grand décalage. On attendait la mise à niveau pour un transfert technologique, pour une formation du personnel, bref, tout ce qui a fait le succès des pays de l'Europe de l'Est. Pour l'instant, nous n'avons bénéficié que de très peu de choses. Aujourd'hui, on demande un rapport d'étape, après deux ans et demi de l'application de l'accord d'association. On doit faire une évaluation. Il existe des clauses de sauvegarde qu'on peut invoquer pour certains secteurs.
Par exemple ?
Le secteur des textiles a pratiquement disparu, personne n'a levé le petit doigt (...) En jouant le jeu du démantèlement tarifaire, on a tué ce secteur avec celui des chaussures. Aucune clause de sauvegarde n'a été évoquée par les autorités. On a l'impression qu'on n'est pas concerné par ces mesures. Il faut renégocier certaines parties. L'accord d'association doit être profitable à notre pays. Nous n'avons pas encore vu les apports positifs de cet accord à part la libéralisation des échanges. On n'arrive pas à exporter davantage. On n'est pas dans une logique de production massive avec des coûts faibles, comme en Chine, on n'est pas, non plus, dans un segment de produits de qualité réclamés par les consommateurs européens. On n'arrive pas à exporter parce que nos produits sont chers et ne sont pas de bonne qualité. La compétitivité algérienne est nulle en termes de coût et de temps de fabrication. Les productions asiatiques nous dépassent de loin. Idem pour les productions turques, égyptiennes et marocaines. La raison ? On n'a pas une ressource humaine qualifiée, on a du matériel obsolète et des process dépassés. Même si les salaires sont faibles (à peu près 150 euros en moyenne), la productivité est encore plus faible. Tant qu'on ne tire pas vers le haut notre appareil industriel, on n'est pas compétitif. On ne fait qu'importer des imputs et les transformer. Une transformation coûteuse (...) L'Algérie a été ambitieuse et a voulu tout faire. On n'a rien fait de bien. On aurait pu choisir certaines filières et se battre pour avoir une compétitivité : produire de meilleure façon les dattes, bien choisir les oranges, monter des voitures... Les usines ont été saupoudrées dans le pays. Nous n'avons pas créé des pôles industriels. Pour fixer les populations et par souci d'équilibre régional, on a planté des usines qui n'ont aucun lien entre elles, qui ont des surcoûts à cause des problèmes de transport. Nous avons raté notre développement industriel. Ce développement est à construire complètement...
C'est simple : existe-il une stratégie économique en Algérie ?
La stratégie industrielle est une stratégie économique. Cette stratégie préconise de préciser les choses et de ne pas avancer à l'aveuglette. Elle prévoit les secteurs où l'Algérie a le plus davantage. L'économie algérienne a besoin d'être pilotée avec un instrument fort comme ce document sur la stratégie industrielle et qu'on avance (...). L'Etat est empêtré dans une politique difficile à entrevoir et à mettre en œuvre dans le secteur qui lui appartient. On pensait que ce secteur allait être redéfini et que son périmètre allait diminuer, et que par la privatisation, on allait pouvoir garder certains secteurs stratégiques. On se rend compte qu'il y a eu évolution. Le MIPI considère que ce qui existe ne va pas être jeté compte tenu des investissements consentis. Ce n'est pas de la quincaillerie ! On veut bien croire à la possibilité de récupérer les complexes industriels construits à l'époque. Le mode de fonctionnement de ces structures ne colle pas aux nouvelles réalités. Elles ne sont pas adaptées au marché. Le système de tutelle n'est pas satisfaisant. Elles doivent selon le droit commercial (pas de subvention, pas d'assainissement) évoluer et coller au mieux à la demande dans les créneaux qu'elles occupent. Aujourd'hui, elles fonctionnent différemment avec une tutelle qui réapparaît sous des formes voilées. La privatisation, oui, mais... Il y a comme une volonté de ne pas aller vite dans ce domaine. On veut récupérer certaines entreprises qui donnent le signe d'un renforcement de capacité. On veut garder les entreprises dans le secteur public, celles qui ont un bilan positif. Comme les hôtels El Djazaïr et El Aurassi... On ne parle pas de privatisation, mais d'ouverture de capital. Faut-il privatiser celles qui marchent ou celles qui ne marchent pas ? Cela n'a pas été tranché. Au FCE, on n'était pas tellement concernés par les privatisations. Historiquement, le secteur de la PME n'était pas dans une position telle qu'il pouvait se mettre en tête d'aller à l'assaut des grandes entreprises. Il n'avait ni les capacités financières ni les capacités managériales... Ce secteur s'est cantonné à développer ses propres logiques. Les choses ont évolué. Des entreprises privées ont pris de l'importance, certaines ont acquis des entités. La logique de privatisation n'est pas évidente : à part les pays de l'Est qui ont tranché dans le vif, d'autres, à l'image de l'Egypte et de la Tunisie, ont connu une privatisation lente. On est attentif à l'évolution de la privatisation. On est ni pour ni contre. Reste que la privatisation est diabolisée par les salariés, suivis souvent par l'UGTA. Cette diabolisation n'a pas lieu d'être. Toutes les opérations de privatisation réalisées jusque-là ont permis un redémarrage de l'activité.
Parfois, on dit que les acquéreurs veulent mettre tous les salariés à la porte, d'autres ne sont intéressés que par le foncier, etc.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui a un lourd passif et qui a un personnel pléthorique. Dans un souci de bonne gestion, quel que soit le repreneur, il y a une cure d'austérité à engager pour que l'entreprise redémarre. Toutes les entreprises publiques, sans exagérer, souffrent d'une pléthore de personnel. Pour relancer l'activité, il faut faire des coupes sombres dans les dépenses. Les entreprises qui ont été privatisées, que ce soit Henkel (Enad), Mittal Steel (Sider), Mouzaïa, ont réussi.
Mais pourquoi les opérations de privatisation sont entourées d'opacité : on ne communique ni le montant de la vente ni l'identité des acquéreurs. Est-ce normal ?
Dans le traitement des dossiers et dans les procédures, il y a une certaine opacité. On aurait voulu que ce soit plus transparent, qu'on sache à l'avance quels sont les repreneurs. Mais peut-être que si on communique l'information, elle peut ne pas être bien comprise. Pour apprécier la qualité d'une reprise, il n'y a pas uniquement le coût financier, il y a aussi le réinvestissement, le maintien du personnel, le transfert de technologie... Donc, ce n'est pas forcément celui qui met le plus grand prix qui a le plus de chance.
Cela fait trois ans qu'on évoque la privatisation du CPA. Ces hésitations ne sont-elles pas un mauvais signe envers les investisseurs étrangers ?
La crise des subprimes peut paraître comme une raison masquée. Mais, en réalité, elle est fondée. Puisque cette crise a déclenché le retrait de la City Bank. Ce n'est pas directement. Le CPA n'a pas l'envergure internationale telle qu'une crise de subprimes puisse remettre en cause fondamentalement le cours des choses. Les autorités veillent pour que le nombre des participants à la vente ou à l'ouverture du capital soit suffisant. La crise des subprimes a fait que le jeu était resté franco-français. Les autorités ont estimé qu'il fallait attendre un peu pour que les repreneurs possibles du futur CPA soit plus nombreux. Au départ, il y avait aussi les espagnols de Satander. Ils sont partis. La crise s'est aggravée. La reprise de l'opération ne peut se faire dans les meilleures conditions. Cela dit, l'image de l'Algérie libérale qui applique d'une façon déterminée les réformes en a pris un coup vis-à-vis du milieu financier international. On ne sait pas ce qu'on veut, on ne sait pas où on va...
Les autorités ont décidé de suspendre l'agrément de nouvelles banques étrangères en Algérie...
Elles ont raison. On avait fondé beaucoup d'espoir sur la venue des banques étrangères en estimant qu'elles allaient apporter de nouvelles visions, de nouveaux modes de financement. Franchement, on est à dix ans de cette ouverture, cela ne correspond pas aux attentes. L'emprise du secteur public avec les cinq banques est majoritaire à 90%. Dans les faits, on a vendu plus de voitures et importé plus de médicaments avec les crédits bancaires. On voulait avoir des banques d'investissements. Visiblement, elles ne sont pas intéressées. On voulait avoir un accompagnement des PME. La position de la banque centrale de mieux examiner les dossiers pour s'enquérir de la vraie valeur ajoutée qui sera ramenée dans le pays est juste. Il ne s'agit pas d'avoir 36 banques pour développer le commerce international. Ces banques établies en Algérie sont des boîtes de confirmation de crédits. Il faudrait qu'elles s'intéressent davantage au développement pour conforter leurs positions. On ne leur fait pas un procès, mais peut-être que dans la phase de leur installation, il y a eu un rush des commerçants et des importateurs. Elles y ont répondu avec brio et rapidité. Maintenant, on les attend. Il faut qu'elles nous aident dans les fusions-acquisitions, qu'elles mettent de nouveaux produits financiers, de nouvelles procédures...
Il n'existe aucune banque privée algérienne. A quoi est due cette situation ?
On le regrette. Et on regrette cette conception ambiante qui pénalise l'ensemble d'une population d'hommes d'affaires au prétexte que certains d'entre eux, réduits, ont conduit leurs dossiers dans de mauvaises conditions. Comme l'affaire Khalifa, l'affaire BCIA. On a été dans des positions radicales. Au lieu de fermer les banques, on aurait pu éviter d'aller à ces extrémités et recomposer le capital, récupérer la clientèle, restructurer. On aurait fait une reprise avec des propriétaires plus aguerris et mieux encadrés. Cette façon de décider brutalement et d'une manière unilatérale n'était pas la bonne.
Des investisseurs étrangers se plaignent des retards enregistrés par la réforme bancaire. Cela fait dix ans qu'on parle de cette réforme...
Des efforts ont été accomplis. Un chèque est encaissé plus rapidement, des dossiers de crédits se donnent plus facilement, il y a une proximité par rapport aux chefs d'entreprises, un fonds de garanties. Il y a des insuffisances. Ces efforts sont lents, la machine est grosse, la tradition est lourde. On pensait que les banques étrangères allaient accélérer le processus. Quand on voit de plus près les conditions d'exercice des banquiers, il y a des peines pénales qui sont risquées, un système juridique non encore adapté. Il est excessif de mettre systématiquement les staffs bancaires en prison à chaque dysfonctionnement. Cela n'incite pas à l'existence d'une gestion sereine et pérenne des dossiers des crédits et des problèmes de financement. L'affaire Khalifa a mis à nu le manque de contrôle des organismes en charge de cette fonction. Cette conjoncture malheureuse peut constituer un apprentissage de l'Algérie à l'économie de marché. Le principe est d'en sortir. On a payé le prix, on a eu des faillites retentissantes (...). Avec des banquiers mal payés dans le secteur public, une épée de Damoclès de la justice, un mauvais traitement, des textes difficiles à faire passer, un hésitation certaine à savoir où il faut aller, tout cela fait que le système bancaire évolue lentement.
L'Algérie peut-elle accéder rapidement à l'OMC et que gagne-t-elle de cette accession ?
L'adhésion à l'OMC est une nécessité. L'Algérie ne peut rester seule, isolée de cette institution internationale qui regroupe plus de 150 pays. Le tout est d'y aller et de se battre à l'intérieur. Là, aussi qu'on lit la presse internationale, le groupe des pays sous-développés qui se bat pour telle question ou telle autre. L'OMC a le rôle d'arbitre des différends internationaux. Elle regroupe des pays à sensibilités différentes. A l'intérieur, on peut défendre ses propres intérêts. L'Algérie a-t-elle intérêt à y aller ? Commercialement parlant, le fait qu'on exporte peu, l'attrait peut paraître mince. Qu'est-ce qu'on attend comme facilités des autres pays ? On les a par les accords bilatéraux. C'est l'économie algérienne qui ne fonctionne pas. On n'est pas assez diversifié. On n'a pas les capitaines d'industrie qu'il faudrait avoir, on n'a pas la maîtrise des process de production. Si on exportait davantage, la logique de l'adhésion serait mieux comprise. Même dans les conditions actuelles de la réforme, dans la transition vers l'économie de marché, si on veut donner un message fort aux pays étrangers, il faut aller à l'OMC. Mais ce qu'on ne comprend pas, c'est le souci de se déshabiller avant de rentrer ! Essayons de rentrer, ensuite, si on va nous demander le revirement sur le médicament, c'est bien partie, vous importez pendant deux ans, et après vous investissez. Et puis tout à coup, on change d'optique. On satisfait aux conditions de l'OMC alors qu'on n'est pas encore membre.
Les négociations d'accession à l'OMC sont-elles bien menées ?
On est dans une phase interminable. Je ne vais pas jeter la pierre à l'équipe des négociateurs. Il y a une série de pays qui posent des questions importantes : on est à 1500 questions. Le gouvernement répond à chaque fois. L'Algérie a raison de faire la résistance sur le prix du gaz, c'est l'un de nos atouts compétitifs évidents. On a des soutiens affirmés de la part des Etats-Unis et de la France pour nous aider à y entrer. Je partage l'idée qu'il faille bien négocier et prendre le temps de le faire. Il n'y a pas péril en la demeure pour accéder à l'OMC à n'importe quel prix. On est dans une situation financière aisée. On n'a pas des excédents commerciaux à placer qui justifieraient qu'on fasse une approche plus motivée. Notre adhésion à l'OMC sera un signal fort d'accomplissement des réformes. C'est plus qu'un moyen technique pour vendre davantage. Le pétrole et le gaz ont des marchés à part, le reste ? Des dattes, des câpres, de l'huile d'olive, c'est facile à placer (...). Chaque année, on annonce l'accession à l'OMC, en 2008, peut-être !
L'Algérie a mis beaucoup d'argent dans ce qu'on appelle les plans de soutien et de consolidation de la croissance, presque 150 milliards de dollars. Le privé national a-t-il profité de ces projets ?
Nous sommes en train de rater une occasion unique où les niveaux et les capacités de production et d'organisation du secteur de la PME auraient pu changer fondamentalement. Je m'explique : si dans les contrats liés à cette dépense publique orientée vers les infrastructures on avait pu trouver des formules — elles existent — pour associer comme partenaires les PME privées de ce pays, on aurait appris, on aurait bénéficié de transfert de savoir-faire, on serait devenu plus importants. Ce compagnonnage avec les grands groupes aurait permis d'assurer au moins la maintenance après leur départ. Le fait qu'on ne soit pas impliqué avec très peu de retombées sur le monde des PME-PMI, on a l'impression qu'on achète des autoroutes, qu'on achète des trains. On aurait voulu un développement plus harmonieux, plus endogène, plus équilibré. Ce qui déçoit, c'est que tout cet argent qu'on a mis sur la table ne se traduit pas par un taux de croissance plus important, on ne fait pas mieux que les voisins ou les pays africains. Normalement, avec une dépense publique aussi forte, on aurait pu atteindre 8 à 9% de croissance économique. On voit bien les limites de cette façon de conduire l'économie (...). Un texte du ministère du Travail exige que les sociétés étrangères bénéficiaires de contrats emploient la main-d'œuvre locale. C'est la direction qu'on veut. On voudrait que cette dépense publique, que ces gros contrats profitent davantage à la PME-PMI. C'est une chance historique que nous avons pour devenir des champions.
Pourquoi le privé algérien a-t-il été écarté ? Une exclusion ?
Je ne sais si c'était intentionnel ou pas, il est mentionné dans les appels d'offres que ne peuvent concourir à ce type de marchés que les entreprises ayant déjà réalisé des ouvrages comparables. En Algérie, aucune entreprise n'a réalisé d'autoroutes, ni de barrages. Les autorités visent l'efficience et veulent que les contrats s'exécutent dans les délais prévus. Ils ont la crainte que si on confie la réalisation de ces projets à des partenaires privés on mettra trop de temps. Le privé n'a pas assez de moyens, pas assez de professionnels. Nous aurions voulu un mixage, l'apport étranger est essentiel. Ils ont l'habitude, ils sont mieux formés et mettent plus de moyens. On aurait pu établir des contrats pour la sous-traitance, cela ne s'est pas fait. A de rares exceptions près, le privé national n'est pas présent dans cette politique de production et d'installation d'infrastructures (...). On ressort d'une période où l'entreprise privée était diabolisée. Les discours ambiants ces dernières années reconnaissent les vertus de la flexibilité, les PME-PMI sont reconnues comme moteur de la croissance. On a retrouvé les vertus des entreprises de ce type, mais il y a un fort courant d'opinions qui continue de présenter l'entreprise comme une structure mercantile. On va se battre et conduire une campagne pour donner plus d'honneur, plus de morale. On travaille au FCE sur un code de bonne conduite et d'éthique pour essayer de faire des propositions contre cette tendance de considérer l'entrepreneur comme un prédateur : il a pris, n'a pas payé les impôts, n'a pas payé les factures... Ces comportements existent, mais on refuse la généralisation. Reste qu'actuellement, les autorités confirment la place et le rôle du privé.
Des patrons ont critiqué le pacte économique et social établi avec le gouvernement. Quelle est la position du FCE par rapport à l'application de ce pacte ?
Nous n'avons pas été impliqué au premier rang. Demandez à plusieurs partenaires, ce pacte a été ambitieux en voulant reprendre l'ensemble des questions économiques. Pour nous, la tripartite n'évoque que les questions salariales, les autres aspects sont renvoyés en commissions qui n'aboutissent pas. Il faut peut-être repositionner ce pacte pour lui donner le contenu correspondant aux attentes. Le FCE n'est pas impliqué dans les tripartites parce que nous sommes contre cette forme de concertation. Nous, on veut une concertation à longueur d'année dans un cadre serein et établi. La tripartite est organisée inopinément, sa durée ne dépasse pas les 48 heures, on aborde tout, on sort avec des recommandations et il n'y a pas de suite. Cette forme a montré ses limites.
En tant que patron, êtes-vous pour une augmentation des salaires ?
Jusqu'à une certaine limite, oui. Le FCE a été à l'origine, en 2001, quand l'économie était conduite d'une façon trop orthodoxe en privilégiant l'équilibre financier comme si on allait adhérer au système de Maastricht. Pour nous, le problème de l'économie en Algérie est l'emploi, ensuite la diversification. Le meilleur moyen d'obtenir un remodelage de l'économie, c'est qu'il faut un taux de croissance plus important. On avait un taux de 1 et 2% au motif que le risque était l'inflation. On a défendu l'idée qu'un taux de croissance plus important, même avec une certaine inflation, était préférable à avoir 0 inflation et un taux de croissance bas. On a préconisé, et les syndicats étaient pour, une révision des salaires à la hausse. On a prôné la hausse de la croissance du côté de la demande. L'Etat nous a suivis avec l'engagement d'importantes sommes pour les plans de soutien de la relance. Ce type de relance montre ses limites de plus en plus parce que la croissance économique est en deçà des 5%, entre 4,3 et 4,5%. Des études vont paraître... On aurait pu faire nettement mieux. Cela prouve que la croissance mériterait d'être revue. Au lieu de passer du côté de la demande, on passe du côté de l'offre. Les théories modernes de la croissance mettent l'accent sur l'offre. Cela veut dire que c'est l'entreprise qui doit produire davantage et créer de l'emploi. Cela nous incite à être plus prudents du côté des salaires et de la consommation. A l'intérieur de cette croissance par l'offre, on considère qu'il y a une perte du pouvoir d'achat qui va être chiffré par des organismes. Si on augmente les salaires, cela ne sera pas de nature inflationniste parce que ça entre dans une perspective de rattrapage du pouvoir d'achat. On reste classique dans ce domaine, indépendamment de cette conjoncture, la hausse des salaires devrait correspondre à des gains de productivité.
Etes-vous pour un SNMG à 15 000 DA ?
Oui. Mais il ne fait pas qu'il y ait un phénomène automatique d'accordéon. Il faut qu'il y ait des conventions collectives de branches qui précisent, il y a certains secteurs qui peuvent supporter et d'autres qui ne le peuvent pas. Le SNMG le plus bas correspondant à une solidarité exprimée, à un rattrapage du pouvoir d'achat, mais il ne faut que tout se répercute mécaniquement. Il faut que ce soit différencié par rapport aux branches, aux secteurs.


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