Artiste de renommée internationale, le luthiste irakien Naseer Shamma était, mardi dernier, à Constantine, au palais Ahmed-Bey où il a animé une soirée. Après son spectacle, qui a duré plus d'une heure et qui a envoûté le public présent, Shamma nous a livré ses premières impressions, au sujet de son retour à Constantine et sur la manifestation « Constantine, capitale de la culture arabe » « L'impact d'un tel événement est d'abord de changer radicalement le visage de la ville. Aujourd'hui, la ville est un immense chantier et ça me fais vraiment plaisir de constater que les choses avancent ici à Constantine. Une ville qui mérite toute l'intention qu'on lui porte. J'ai des projets que je veux concrétiser ici à Constantine et je sais que la manifestation de l'année prochaine est une aubaine pour tous les artistes arabes. Me concernant, il y a eu des discussions dans ce sens avec les autorités, et tout ce que je peux vous dire c'est que je suis très intéressé. Notre projet de réaliser Beïth el oud (une maison du luth) en Algérie est en bonne voie, nous comptons d'ailleurs énormément sur la manifestation », déclare l'artiste irakien. Sur scène, le luthiste talentueux Shamma n'a pas pris une ride, sa musique fascine toujours. Accompagné de son orchestre composé uniquement de percussionnistes (ils sont trois), il enchaîna des compositions mélancoliques, parfois rythmées, les titres des chansons sont sombres. Il a dédié une chanson à la Syrie, qui ne porte pas d'ailleurs de nom : « Je n'ai pas trouvé de nom à donner à cette chanson, parce que je suis très inquiet de ce qui se passe en Syrie. J'ai déjà écrit cinq ou six titres dédiés à la Syrie et la révolution. Mais depuis quelque temps, la situation est devenue ingérable, des terroristes ont confisqué la révolution et personnellement je suis incapable d'expliquer ce qui s'y passe. » Et qu'on lui pose la question sur la situation dans le monde arabe, tout en étant sincère, il se lâche : « Je n'écris pas de textes, mais je dédie toujours ma musique à ce que je vois dans nos sociétés. Je suis au cœur de l'actualité, et je ne peux pas rester à l'écart. En tant qu'artiste arabe je n'ai pas cessé de me battre pour exprimer mes sentiments, mes idées, ou mon chagrin vis-à-vis de ce qui se passe dans le monde arabe. Lors de la révolution en Egypte, j'allais tous les jours à la maison du luth pour enseigner et faire plaisir aux gens, je me disais que la vie continue malgré tout. La situation en Irak est un exemple de cette peine. Des multinationales, des pays voisins et des pays occidentaux sont derrière le chaos et cette guerre sans fin. Ils ont infecté le pays de terrorisme pour pouvoir profiter aussi longtemps que possible de ses ressources. Une nouvelle organisation terroriste pille des mausolées de saints, des musées et des lieux qui ont des siècles d'existence, ils ont expulsé les chrétiens de Mossoul qui sont les premiers habitants de l'Irak. Le même scénario touche la Syrie. Ils débarquent au nom d'un islam fondamentaliste sans connaître l'histoire ou la valeur de cette région. Comme ce fut le cas en Algérie, ces terroristes utilisent la religion pour faire du mal, pour tuer, lapider, violer et couper les têtes et les mains des habitants. Je suis vraiment désespéré, je ne crois pas que j'aurais le courage de célébrer l'Aïd, cette année, ce qui se passe dans le monde arabe est triste et inquiétant à la fois, nous devons tous agir pour sauver ce qui peut l'être. » Concernant sa réaction vis-à-vis des massacres perpétrés contre la population de Ghaza, Shamma nous affirme : « Il n'y a plus de mots ou d'actes qui peuvent exprimer ce que je ressens. Israël est derrière l'invention du nazisme du 21e siècle avec ces crimes de guerre contre la population palestinienne. Maintenant, il nous faut réagir, et quelles que soient les conséquences, il faut mettre un terme à l'existence de l'Etat sioniste. Je n'ai jamais arrêté de jouer et j'ai commencé à dédier des chansons au peuple palestinien depuis la première Intifada. »