Le concept de la légitime défense, assez flou, rend parfois difficile l'évaluation de la responsabilité du policier. Selon les premiers éléments de l'enquête basée sur des témoignages, l'agent aurait agi « en situation de légitime défense », en attendant l'expertise balistique et le rapport du médecin légiste. La balle est sortie lors d'un corps à corps entre le policier et la victime qui voulait délester ce dernier de son arme. Selon le code pénal, les policiers sont autorisés à se servir de leur arme lorsqu'ils font l'objet ou que quelqu'un qu'ils protègent fait l'objet d'une menace réelle physique imminente et non psychologique. La riposte doit être mesurée, c'est-à-dire proportionnée à la gravité de la situation. Par contre, les policiers n'ont pas le droit de faire usage de leur arme après sommation même, par exemple, lorsqu'une personne force un barrage de police. Ils ne peuvent agir qu'en cas de légitime défense, c'est-à-dire lorsque la vie d'une personne est directement menacée. Pour l'avocat spécialiste dans ce genre d'affaires, Me Salah Abderrahmane, le policier n'a pas à prouver qu'il était en situation de défense. « Il peut utiliser son arme dans des circonstances précises, notamment lorsqu'il s'agit d'une menace d'un individu armé », précise-t-il. Sur le drame de Sétif, l'avocat dira que selon les informations rapportées par la presse, le policier a fait l'objet d'une agression de la part de la victime qui avait tenté de le délester de son arme de service. « Outre les situations de légitime défense, les policiers peuvent faire usage de leur arme dans deux autres cas : la préservation de leur arme de service et des postes dont la garde leur a été confiée, à savoir le poste de police ou le commissariat », indique Me Salah. Dans le code pénal, il est également fait état de la légitime défense. « Les citoyens doivent se défendre en cas d'agression, mais avec les mêmes moyens utilisés par l'agresseur, or, ce n'est pas le cas des policiers qui ne peuvent pas affronter des individus armés avec des sabres ou des gourdins », note-t-il. Me Salah Abderrahmane estime que les libertés individuelles doivent être préservées et respectées. « Toutefois, le policier qui agit dans la légalité doit être protégé dans le cadre de la lutte contre la délinquance et la criminalité. Il faut dire que les délinquants connaissent bien leurs droits et profitent des failles », affirme-t-il. L'avis de Me Miloud Brahimi est plus nuancé. « Le policier est protégé par sa mission. S'il a tiré lors de sa mission, il doit être protégé. Un policier ne peut pas tirer sans raison sur un citoyen, s'il le fait injustement, en dehors de sa mission, cela est considéré comme faute professionnelle et juridiquement comme faute pénale et il sera jugé pour homicide volontaire », explique-t-il. Concernant la légitime défense, Me Miloud Brahimi rappelle qu'elle concerne également le policier qui peut être amené à utiliser son arme pour se défendre. « Le policier doit aussi respecter les termes de la légitime défense à travers l'évaluation du danger avant de faire usage de son arme », soutient-il. Lutte contre l'usage abusif des armes : le grand chantier de la DGSN Qu'en pense l'institution policière ? Pour un cadre de l'inspection générale de la police, un policier ne peut en aucun cas tirer par mesure de prévention ou dans l'intention de tuer. L'usage des armes à feu par les fonctionnaires de la police nationale se fonde sur les règles de la légitime défense prévue par le code pénal. « Dans les cas de dispersion de foule, l'usage d'arme est soumis à une réquisition de l'autorité, à savoir le wali ou le DGSN, après évaluation de la situation par un cadre ou un officier supérieur », relève-t-il. Le responsable signale que le DGSN, le général-major Abdelghani Hamel, est intransigeant sur la question d'usage des armes de service. « Elle constitue la priorité dans le plan d'action de la DGSN », affirme-t-il. Il indique qu'une note a été transmise à toutes les unités de la police portant sur les règles d'utilisation des armes par les fonctionnaires. « Une circulaire portant sur l'usage abusif de l'arme de service a été adressée par le général-major Abdelghani Hamel, dans laquelle il exige la tenue de réunions périodiques de sensibilisation », souligne le cadre. Et en cas de bavure policière, la responsabilité incombe aussi, selon la circulaire, à leurs chefs directs. Des visites inopinées de contrôle sont menées au cours de l'année dans le cadre de la prévention. En outre, la DGSN a entamé des « campagnes de sensibilisation » et des « briefings quotidiens » en direction des policiers nouvellement recrutés. Des contrôles des armes de service se font aussi pour vérifier l'armement et les munitions. Et pour faire face à l'évolution de la délinquance et aux phénomènes de violence urbaine, la DGSN a procédé à la création d'unités d'intervention spécialisées de la police. « Des équipes ont été formées dans les techniques de self défense et l'intervention à mains nues », signale l'officier supérieur de la police. Les policiers chargés du maintien de l'ordre public ont été sommés récemment de ne pas utiliser leurs armes contre les émeutiers pour éviter tout dérapage qui risque de causer mort d'homme. « C'est l'une des mesures prises par le DGSN dans le cadre de la gestion démocratique des foules », tient à préciser notre interlocuteur. Baisse des bavures policières L'instruction du directeur de la Sûreté nationale a porté ses fruits. Selon le constat de l'inspection générale de la DGSN, l'utilisation abusive des armes à feu a enregistré un recul sensible dans les rangs des policiers ces deux dernières années. Les policiers reconnus coupables d'utilisation abusive d'armes à feu sont en majorité des agents de l'ordre public ayant à leur actif moins de deux années d'exercice. Certains ont tiré sur leurs collègues, d'autres sur des citoyens et certains se sont suicidés au moyen de leur arme de service. Des mesures de radiation des effectifs du corps assorties de poursuites judiciaires ont été prises à l'encontre des mis en cause. « Une enquête administrative est aussitôt déclenchée dans une affaire judiciaire par l'inspection générale ou régionale de la police en parallèle d'une enquête judiciaire afin de déterminer les circonstances de l'utilisation de l'arme », précise le cadre de la police. Enfin, des policiers qui souffrent de troubles psychiques sont immédiatement désarmés sur la base d'un rapport de l'expertise psychiatrique.