L'orage était subit et imprévu. Il a vidé en quelques minutes la ville, où peu de gens circulaient en cette soirée de mardi. Certains couraient alors pour s'engouffrer dans les cafés qui restent ouverts. Sur la rue principale qui traverse la ville et dans les ruelles secondaires, ces établissements sont nombreux. On s'y retrouve entre amis pour siroter un café ou un thé, ou tout simplement papoter. Ils sont si nombreux qu'il n'est plus difficile de dénicher une place pour s'attabler. Les femmes, qui ont cru de nouveau pouvoir sortir, pressaient aussi le pas pour rentrer. Il faut à tout prix se protéger de l'averse. Le silence est brisé par quelques klaxons et la voix de l'imam qui appelle les fidèles nombreux à l'accomplissement des Tarawih. Près de la placette centrale, les chaises débordent sur le trottoir et le marchand de journaux est entouré de quelques clients croyant pouvoir retirer leur argent de la poste, toute proche. Mais ses grilles sont restées hermétiquement fermées. La ville, réputée pour être la destination des vacanciers, offre un visage quelque peu sinistre. L'éclairage public est blafard et, dans certains rues et quartiers, inexistant. « En Angleterre, même les panneaux de signalisation dégagent de la lumière », ironise un jeune homme venu passer quelques jours au « bled ». Vers les lotissements Sidi Saïd, sur les hauteurs où, faute d'une alimentation en eau potable, chacun a déposé devant le seuil de sa maison une citerne, les rues sont très mal éclairées. « Question eau, c'est mieux qu'avant, on ne reçoit pas l'eau une fois par mois mais chaque trois ou quatre jours et pour de longues heures », se réjouit, toutefois, une mère de famille. Pour une ville qui a des prétentions touristiques, il faut s'occuper d'abord de ces petites choses », souligne Rabah, un retraité de l'éducation. Il sort comme tout le monde, mais « c'est juste pour digérer et ensuite rentrer ». C'est le cas également de cet enseignant qui, en voiture, sort avec ses amis, quitte la ville pour aller du côté du mausolée de Sidi Khaled que surplombe la route qui file vers Azzefoun. Baigné par le ressac et loin de l'agitation, l'endroit attire par son calme. Cela ne semble suffire à Ali qui a vécu longtemps à l'étranger et se dit casanier. Il passe son temps à surfer et à regarder les chaînes de télévision. Où sont passées les associations ? Le seul endroit qui attire chaque soir est le port de plaisance. En voiture ou à pied, il est difficile de s'y déplacer. Ce n'est pas seulement le lieu de ralliement des habitants, mais aussi de tous les jeunes et familles qui, après le « ftour », viennent des villages alentours. Ils ne changent pas pourtant de décor, hormis quelques filles à mater pour les jeunes et un relatif anonymat. « Sinon on tourne en rond », se désole Samy. Il suffit d'ailleurs de consulter le site Tigzirt infos qui est un déversoir de ces colères et déceptions. Ce sont les activités culturelles et de distraction qui manquent le plus. « Dans le temps, on avait la salle de cinéma, le « Mizrana », qui, en pareil mois, abritait des galas presque chaque soir », se souvient un chanteur de la région. Mais à l'heure des technologies qui ouvrent grandes les portes du monde, nul ne se suffit de cette forme d'animation qui paraît ringarde pour beaucoup de jeunes. Mais les associations qui devraient être des partenaires pour l'élaboration de programme, de formules attrayantes ou originales pour les jeunes, ne bougent pas. « Nous sommes loin des années 70 quand les jeunes s'impliquaient. Aujourd'hui, la plupart se réfugient dans les cybers pour espérer faire la connaissance d'une étrangère et croire se retrouver ensuite au paradis », commente un père de famille. Avec le retour annoncé du beau temps et le début de la seconde semaine du Ramadhan, les habitants de cette charmante ville espèrent rompre avec la morosité. La direction de la culture de la wilaya, en partenariat avec quatre associations de la daïra, prévoit, comme de tradition, des soirées. « Le programme est en voie de finalisation et devrait démarrer dans les prochains jours en ville et dans les villages », assure-t-on.