Le fief de la révolution Parler de Batna sans évoquer la guerre de Libération serait commettre un grave déni à l'histoire. Parce que c'est de là que partirent les premiers coups de feu, les premières actions d'éclat de la révolution. Quand, à la tête d'un commando, Mostepha Ben Boulaïd mena l'attaque de la caserne. Dans son groupe, il y avait un certain Mohamed Tahar Abidi dit El Hadj Lakhdar, dont l'université porte le nom. Cette même nuit du 1er novembre, les poteaux télégraphiques furent sciés et la détermination des moudjahidine d'en finir avec le colonialisme n'avait d'égale que celle que mit le ministre français de l'Intérieur à mater ce qu'il appelait « la rébellion des Chaouias », en instruisant le préfet de l'époque de « pacifier » la région. Comprendre réprimer sauvagement tout mouvement portant atteinte « à l'ordre public ». Ce ministre de l'Intérieur, ordonnateur de ces mesures répressives, s'appelle...François Mitterrand ! La cité et sa mue Jusqu'aux années 80, il y avait une grande douceur de vivre à Batna et beaucoup d'Algériens qui la découvraient pour la première fois s'attachaient vite à son climat sec et revigorant, ses avenues spacieuses, ses larges trottoirs plantés d'arbres, ses jardins publics, ses habitants simples et accueillants...En ces temps-là, on allait au cinéma, au théâtre, on assistait aux matches de football des deux clubs phares de la ville, le CAB et le MSPB, ceux-là qui se livrent une rivalité éternelle, à l'instar de toutes autres villes du pays. Et puis vinrent les années libéralisme où Batna s'est littéralement transformée en un gigantesque marché. Les vieilles maisons à tuiles rouges furent achetées au prix fort par les affairistes qui en firent des centres commerciaux à plusieurs étages. Les rues de la ville jadis quiètes, sont devenues des alignements de fast-foodd et autres chawarma, dans le vacarme des camions livreurs. Même l'air pur des Aurès a fini par céder aux fumées opaques du diesel. Urbanisation ratée Comme toutes les grandes villes du pays, Batna est entrée trop vite dans une sorte de fausse modernité qui se décline par de hideuses bâtisses à plusieurs étages, affreusement cernées de « barreaudages », ce néologisme qui nous est propre, mélangeant des styles complètement opposés, le rustique et la menuiserie aluminium, le bois précieux et les baies vitrées. En fait, dans le souci d'urbanisation, les autorités ont cru bien faire en octroyant des terrains à bâtir aux citoyens, sans aucun plan d'ensemble confié préalablement à un bureau d'architecture. Résultat, deux grands ensembles urbains ont vu le jour dans une physionomie repoussante. Le quartier de Bouzorane, un ancien bidonville devenu cité résidentielle et la route de Biskra, où s'alignent des maisons prétendument appelées villas, qui ont dû coûter les yeux de la tête, collées les unes aux autres sans le moindre espace vert, avec des matériaux précieux. A croire que chaque résident a voulu en mettre plein la vue à son voisin, en construisant plus haut, plus cher... Et bien sûr, l'immobilier a flambé malgré les efforts soutenus de l'Etat à construire des logements sous toutes les formules. Pourtant, la ville par sa physionomie et son relief plat, se prête idéalement à une extension sereine qui respecterait l'environnement. Mais comme on a construit n'importe comment et dans l'urgence, on ne voit plus les montagnes quand on déambule au centre-ville. Et Batna sans ses montagnes, ressemble à une ville ordinaire.