Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, préconise, pour faire face à la baisse des prix du pétrole, de substituer la fiscalité ordinaire à la fiscalité pétrolière. Une mutation, a-t-il affirmé, réalisable en deux années. Pour ce faire, le grand argentier du pays insiste sur l'optimisation des rentrées fiscales via l'élargissement de l'assiette fiscale à travers entre autres, l'intégration de l'informel et l'encouragement des investissements directs étrangers. Les points de vue des économistes et des chefs d'entreprise sont loin d'être unanimes. Mais ils convergent sur la nécessité de renforcer les rentrées de la fiscalité ordinaire pour mettre la machine économique sur les rails mais avec l'impératif de redynamiser le tissu industriel et de veiller à ne pas fragiliser la stabilité sociale. Pour le président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), Naït Abdelaziz, la solution préconisée par le ministre des Finances s'impose d'autant que l'objectif recherché est « de trouver de nouvelles ressources pour combler le manque à gagner de plus de 40 milliards de dollars enregistré en 2015 suite à la chute des cours du pétrole ». « Le moment est opportun pour engager la réflexion sur cette question. Renforcer les rentrées de la fiscalité ordinaire s'avère une nécessité vu le contexte actuel », a-t-il rappelé. De ce fait, le patron de la CNPA estime que le ministère devra mener une campagne de sensibilisation dans la perspective de drainer le maximum d'opérateurs exerçant dans le secteur informel vers le circuit réglementaire. « Il faut en parallèle leur donner des garanties pour les inciter à injecter leur argent afin de financer l'économie nationale », a-t-il précisé. Un chef d'entreprise spécialisée dans le domaine de la mécanique a reconnu que « la vision développée par le ministre concernant l'élargissement de l'assiette fiscale peut rencontrer une large adhésion dans la mesure où des simplifications des procédures peuvent amener les assujettis à l'impôt à régulariser leur situation et sortir de l'informel comme l'a montré l'exemple de l'instauration d'un impôt forfaitaire unique qui est à la portée des contribuables de par son taux moins contraignant ». Quant à l'économiste Abderrahmane Mebtoul, il souligne que le renforcement des rentrées de la fiscalité ordinaire ne peut être réalisable sans la dynamisation du tissu industriel et l'absorption de l'informel « qui continue de ronger l'économie nationale ». « Pour tirer profit de la fiscalité ordinaire et augmenter les rentrées d'argent, il faut avoir un tissu productif performant », a-t-il observé, précisant que le secteur industriel ne représente que 5% du produit intérieur brut. « A cela s'ajoute la sphère informelle qui est en train de s'étendre », a-t-il ajouté. Car, pour Mebtoul, l'élargissement de l'assiette fiscale ne devra pas toucher « le secteur visible ». « C'est là où réside le danger car cela favorise l'amplification de l'informel que rejoindront des opérateurs rétifs à une hausse des impôts. » Pour l'économiste Mourad Goumiri, pour contrecarrer l'informel, il faut une « réelle volonté politique ».