L'immensité de l'espace confère à l'endroit un on ne sait d'à la fois mystique et mystérieux. Adrar, nous dit-on, contrée éloignée de tout centre urbain, fut avant tout une terre d'asile et de paix pour de nombreuses tribus fuyant les guerres. Son nom signifie « rocaille, mont », du tifinagh (berbère) Adghagh qui fut francisé en Adrar. La cité est située à un carrefour qui constitue la plaque tournante des caravanes qui se rendaient partout dans le continent, au Maroc, au Soudan, en Afrique occidentale. Ses premiers habitants furent les Berbères Zénata. Mais avant eux, des traces indélébiles telles des gravures rupestres, des transcriptions en tifinagh (alphabet berbère) ainsi que des vestiges laissés par des hommes ayant vécu dans des grottes, prouvent clairement que la région fut habitée du temps de la préhistoire. La conquête musulmane fut marquée par l'arrivée de nombreux savants, qui en firent un grand centre de rayonnement, et beaucoup d'historiens s'accordent à décréter formellement qu'Adrar constitua le point de départ de l'islamisation de tout le continent africain, comme en témoignent des manuscrits vieux de 14 siècles (voir encadré). L'armée française s'y installera en 1900 et rencontrera d'emblée une farouche résistance qui se déclinera par de nombreuses batailles qui dureront jusqu'à l'Indépendance. Peu à peu, la ville se construira patiemment, en s'inscrivant dans l'architecture typique de la région saharienne. Adrar décline sa principale couleur ocre et on l'appelle « la ville rouge ». Ses habitants sont réputés pour leur sagesse légendaire, à l'instar de toutes les régions du Sud où l'immensité de l'espace est une invite à la méditation, celle-là qui nous révèle notre infinie petitesse. Ici, on évoque toujours un personnage charismatique empreint d'une grande piété, Cheikh Belkbir, qui a imprégné les habitants de sa sagesse, de sa droiture et sa profonde foi. La mosquée qui porte son nom, menaçant ruine, a été complètement rasée et au lieu et place fut érigée une nouvelle, beaucoup plus grande, plus belle, et qui représente un véritable joyau architectural. Il y a chez les habitants d'Adrar, disent les sociologues, non pas une fatalité à accepter les choses ni une passive résignation, mais une propension philosophique à accepter tout ce qui se présente comme un don de Dieu et de faire face au bonheur ou au malheur d'un même front. C'est sans doute la sagesse qui prévaut dans tout le Sud. La ville vit une effervescence particulière lors des « ziarate » (littéralement visites) qui sont des coutumes ancestrales scrupuleusement respectées, et l'on y mange le couscous local souvent supplanté par le Aïch, grains de gros calibre assaisonnés de sauce rouge aux lentilles locales et au mouton. L'agriculture est paradoxalement très développée pour une région du Sud normalement soumise aux aléas de l'aridité. Parce que les habitants utilisent un système ingénieux d'irrigation, les foggaras qui, alimentées par une abondante eau souterraine, permettent une redistribution par un système de rigoles dont le fonctionnement est contrôlé par un Kial (littéralement mesureur ou doseur) qui détermine la quantité d'eau en fonction de l'écot versé. Alors, on a une abondance de légumes notamment cultivés alentour et au pied des palmeraies et il fut un temps où toute l'Algérie jurait par la tomate d'Adrar ! C'est que des centaines de milliers d'hectares ont été distribués pour relancer un secteur prometteur, d'autant plus qu'il est soutenu par les nouvelles énergies dont le solaire appelé à se multiplier. La ville offre aussi d'autres attraits dont le tourisme qui présente d'énormes potentialités mais qui reste à développer réellement. Parce que l'on se contente pour le moment de croire que le site seul constitue l'argument imparable qui va attirer les visiteurs, omettant ou faisant semblant d'omettre que le tourisme, c'est aussi du marketing, de la communication. Ce qui manque terriblement aux acteurs locaux. Aux acteurs nationaux, sommes-nous tentés d'écrire tant ce secteur accuse de grands retards malgré ses immenses aptitudes à placer le pays parmi les destinations les plus courues de la planète. C'est à peine si Adrar commence à être desservie par les grands aéroports nationaux, tout comme il est prévu que Timimoun soit dotée de vols en direct des grandes villes européennes, notamment durant la haute saison et les fêtes de fin d'année. Timimoun est aussi appelée le diamant du désert. Et il faut la voir pour y croire.