Davutoglu a déjà fait savoir qu'il ne briguera pas de nouveau mandat. « Je ne pense pas que je serai candidat dans les circonstances actuelles », a-t-il déclaré lors d'un discours à Ankara au siège de cette formation au pouvoir depuis 2002. Ce retrait, qui signifie la fin de son mandat, confortera la position du président Recep Tayyip Erdogan. Cette mise à l'écart est la conséquence des relations tendues et parfaitement dissimulées entre le Premier ministre et son président. La décision a été prise, mercredi dernier, lors d'une réunion d'urgence de la direction de l'AKP, suite à des informations confirmant la rupture entre le président et son Premier ministre. Davutoglu, dont l'AKP a remporté haut la main les dernières élections législatives le 1er novembre 2015, lui conférant un mandat de quatre ans, a tenu à souligner que sa décision n'était « pas le fruit d'un choix (personnel), mais d'une nécessité ». Pendant son discours, le chef du gouvernement a défendu son bilan politique et économique et nié tout conflit avec Erdogan. « Je n'ai pas de reproches, je n'éprouve ni colère ni rancœur », a-t-il dit, assurant qu'il était déterminé à défendre « l'honneur de son frère » Erdogan, qui l'a nommé à la tête du gouvernement en août 2014 après avoir été élu à la présidence du pays. Les relations tendues entre les deux responsables et les divergences de vues sont à l'origine de cette rupture. La conduite de la délégation turque par le Premier ministre à Bruxelles dans les négociations sur la crise migratoire qui se sont soldées par un accord et sa volonté affichée de reprendre les négociations avec la rébellion kurde, seraient, selon certaines sources, les raisons qui ont poussé le président turc à accélérer le départ de son Premier ministre. Le chef de l'opposition, Kemal Kiliçdaroglu, a dénoncé une « révolution de palais ». Il s'est élevé contre l'intervention « inacceptable » de Erdogan dans les affaires de l'Exécutif. Depuis son élection à la tête de l'Etat, le président turc n'a jamais cessé d'exprimer son ambition de modifier la Constitution pour instaurer un régime présidentiel, un projet publiquement soutenu par Davutoglu. Pour les cadres de l'AKP, fondé par Erdogan, ce départ ne suscitera aucune instabilité. Ils assurent que la transition se fera en douceur. « L'AKP ne connaîtra aucun problème en interne » , a assuré jeudi dernier le vice-Premier ministre Yalcin Akdogan, également successeur potentiel de Davutoglu. Ce dernier a indiqué qu'il continuerait d'occuper son poste de député après le congrès. Ces changements au sein de l'Exécutif interviennent à un moment où la Turquie vit une situation des plus complexes. En plus des pressions qu'elle subit en rapport avec la crise migratoire, elle fait face aux répercussions de la guerre en Syrie, à la menace terroriste et aux projets séparatistes kurdes.