Le ton est donc donné par le plus jeune chef du gouvernement affichant tout son optimisme, lors de la cérémonie de passation avec son prédécesseur Habib Essid inquiet du « changement de gouvernement chaque année ». Le 7e chef du gouvernement, investi depuis le déclenchement de la révolution en 2010, affirme vouloir « assumer ses responsabilités », en dépit d'une « situation compliquée ». En quête de stabilité, le gouvernement de « l'efficacité », solidement adossé au soutien parlementaire (168 voix sur les 217 députés), va devoir affronter les immenses défis qui se posent à la nouvelle Tunisie. Au moment même de l'entrée en fonction du gouvernement d'union nationale, l'attaque terroriste lancée contre une patrouille militaire, au mont Soummam (centre-ouest), considéré comme l'un des principaux maquis infestés par les hordes de la phalange Okba Ibn Nafaâ lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), traduit la priorité number one du combat terroriste. Trois soldats ont été tués, selon le porte-parole du ministère de la Défense, Belhassen Oueslati. Confrontée à la montée du radicalisme (près de 3.000 combattants tunisiens dans les rangs de Daech et plus de 18.000 jeunes empêchés de rejoindre la Syrie) et à la multiplication des attentats ciblant les étrangers (Musée de Bardo, le 18 mars 2015, et la station balnéaire de Sousse, le 26 juin 2015), la Tunisie a vécu l'enfer venu de la Libye voisine convoitée par le groupe terroriste Daech. L'assaut heureusement avorté de Bengardane, une petite ville frontalière, témoigne de la violence subie par les forces de l'ordre (17 morts) et des populations civiles (7 victimes) et renseigne sans nul doute sur les velléités déstabilisatrices du terrorisme international. L'épreuve est décisive pour le devenir de la Tunisie interpellée par les espoirs de changement démocratique et les promesses du bien-être collectif tant de fois déçues. Le chantier économique est érigé en priorité dans un pays au bord de l'asphyxie. Le gouvernement de jeunes et des élites va devoir faire mieux que son prédécesseur sanctionné pour absence de performances. Le tableau de bord aligne des chiffres peu rassurants : une croissance à 1% et un chômage estimé à 15%. Faute d'embellie, le passage obligé par l'austérité, nécessitant le recours au licenciement de milliers de fonctionnaires, ne sera pas de tout repos. Et, si le gouvernement d'union de Youssef Chahed se prévaut de l'esprit consensuel et de la concorde pour passer le cap de la rigueur, la grogne de l'opposition se fait entendre. « Vous obtiendrez la confiance de l'ARP, pas celle des chômeurs et des pauvres », a asséné le député du Front populaire (FP), Ammar Amroussia. Dans la coalition, des voix discordantes d'Ennahda rejoignent le camp des déçus. Mais le défi de la relance impose le soutien plus affirmé de la communauté internationale séduite par la réussite du modèle tunisien de transition et incapable de traduire son engagement par des actes concrets. Les projets se comptent au compte-gouttes, les promesses d'investissement se font toujours attendre. Résultat des courses : le recours à un nouveau prêt du Fonds monétaire international (2,8 milliards de dollars sur 4 autres). C'est pourquoi, le Premier minsitre compte relancer la conférence des bailleurs de fonds, prévue en Tunisie et regroupant 70 pays. L'Occident épris de démocratie sera-t-il au rendez-vous des attentes tunisiennes ?