À la veille de la présidentielle du 17 avril, alors que la campagne électorale battait son plein, on avait assisté à un «étrange» défilé des diplomates occidentaux et même arabes à Alger. De John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, au ministre des Affaires étrangères espagnol, José Manuel Garcia-Margallo y Marfil, en passant par l'Emir de l'Etat du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al Thani, ces visites ont été perçues comme un soutien implicite à Abdelaziz Bouteflika qui vient d'être réélu à un quatrième mandat successif avec 81,53% des suffrages exprimés, selon les chiffres provisoires, dans l'attente d'être validé officiellement par le Conseil constitutionnel d'ici dix jours. Au-delà des considérations politiques d'ordre conjoncturel, ces visites avaient d'autres objectifs d'ordre plutôt géopolitiques, économiques et stratégiques. L'on ne peut ignorer en effet la position de l'Algérie dans le bassin méditerranéen, la difficile conjoncture financière et économique dans les pays occidentaux et les conflits en cours dans l'ensemble de la région sahélo-saharienne et en Afrique centrale. L'Algérie a, non seulement son mot à dire, mais doit aussi agir efficacement dans la gestion des crises politiques et sécuritaires qui sont à ses frontières. Contrairement à ce que chacun de nous pourrait penser sur la crise malienne, la situation demeure tendue et elle pourrait dégénérer à n'importe quel moment. Et ce n'est pas parce qu'Alger a pensé à renforcer la sécurité à ses frontières que l'on devrait se dire que les choses iront bien pour notre pays. Alger a pour défi de réactiver sa diplomatie qui, en passant, ne doit pas oublier ses diplomates pris en otage à Gao (Mali) depuis avril 2012. Devant une monarchie marocaine qui veut voler la vedette en tentant de se poser en médiateur dans la crise malienne, Abdelaziz Bouteflika serait obligé de remettre les pendules à l'heure. Il ne s'agit pas seulement d'une question de leadership, mais plutôt d'une question de sécurité interne. Car, pendant qu'Alger s'échine à encourager le dialogue politique entre Bamako et les différents groupes rebelles dans le nord du Mali, Rabat fait vulgairement irruption dans ce dossier en invitant quelques chefs du Mnla (Mouvement national de libération de l'Azawad) chez elle. S'il n'est pas interdit pour le Maroc d'apporter sa contribution au règlement rapide du problème malien, il serait toutefois inadmissible pour l'Algérie de se laisser prendre le rôle de médiateur qui était autrefois joué par le Burkina Faso, un voisin du Mali. Autrement dit, Alger n'a pas d'autres choix que de régler ses cordes pour éviter un débordement du conflit entre Bamako et ses Touaregs dont les revendications d'indépendance pourraient aussi être formulées par leurs homologues algériens dans le sud du pays. Autre défi pour ce quatrième quinquennat de M. Bouteflika, la crise libyenne qui s'aggrave de semaine en semaine et dont les menaces d'instabilité durable pèsent plus que jamais sur l'Algérie. Tripoli a perdu en fait la maîtrise de la situation sécuritaire et même politique à travers cet immense pays qui a sombré dans le chaos depuis la chute de l'ancien et défunt guide libyen Mouammar Kadhafi en octobre 2011. Le risque sécuritaire libyen, avec les armes légères et lourdes en circulation, entre les mains des groupes rebelles et djihadistes, impose à l'Algérie d'aider les autorités libyennes de transition aussi bien localement que sur le plan international. D'ailleurs, des sources diplomatiques affirment que la visite de Kerry avait, entre autres, pour objectif de convaincre l'Algérie d'aider militairement Tripoli pour sortir de l'impasse sécuritaire qui menace l'unité de son territoire et la sécurité des pays de la région. L'instabilité que connait la Libye a des répercussions négatives sur le Tchad et le Soudan, sans oublier le risque encouru par ses deux voisins, l'Egypte et la Tunisie qui vivent eux aussi une période de transition des plus difficiles à gérer. L'expérience algérienne, bien qu'elle soit douloureuse, en matière de lutte antiterroriste, est sollicitée. Autrement dit, après l'intervention militaire occidentale, via l'Otan, en Libye et les politiques de soutien aux «révolutions populaires» dans les pays de la région, l'Algérie s'est retrouvée dans une position assez inconfortable d'un point de vue sécuritaire et qui la contraint aujourd'hui à trouver des solutions aussi bien militaires que politiques et diplomatiques pour éviter la contagion. L. M.