Ce «continent le plus jeune et qui possède, actuellement, le plus fort taux de croissance» dans sa fonction économique, tel que l'a décrit dernièrement le locataire de la Maison-Blanche, il peut largement, sur ce point, être représenté en la consistance de l'Algérie. Dont une délégation de hauts responsables va devoir rejoindre des homologues africains à Washington, très bientôt, pour le sommet inédit proposé par Barak Obama, qui estime, au demeurant, désormais, regarder et approcher les relations de son pays avec l'Afrique sous un jour nouveau, voire révolutionnaire, dans le sens où les populations, dans chaque Etat, doivent se résoudre à forcer leurs gouvernements à consacrer la démocratie, la liberté d'expression et d'entreprise, mais surtout la réalisation de la justice et le respect de la loi, dans l'évolution des individus et des groupes. Forte de sa géographie et de son histoire D'aucun s'interrogent, alors, sur ce que va être l'importance du rôle de l'Algérie dans les grandes considérations américaines sur le volet africain, par rapport aux enjeux essentiels sur la planète. Aux yeux du monde entier, plus qu'à ceux des Etats-Unis, la grandeur de l'Algérie est certifiée tangible de but en blanc par la référence à la géographie et à l'histoire. C'est le plus vaste territoire du continent africain, qui s'étale, au nord, sur plus de 1 200 kilomètres sur les rives de la Méditerranée, à une heure de l'Europe, et, au sud, avec ses immenses frontières sahariennes, qui ouvrent sur l'Afrique profonde. Capable de trouver en l'Algérie un relais de choix afin de traiter avec les pays du Maghreb, en émergence, et de l'Europe, maîtrisant la technologie et le management. C'est le pays qui a tracé la voie au combat pour la décolonisation du continent, consentant tous les sacrifices. Mais juste à l'Indépendance, de faire serment de porter aide et fidélité permanentes aux peuples luttant pour la souveraineté de leurs territoires et de leur dignité. Il n'y a pas de leader africain de bonne volonté n'ayant pas foulé le sol algérien, depuis Nelson Mandela, œuvrant pour sortir son pays de l'apartheid, jusqu'aux combattants du Polisario qui luttent pour la libération du Sahara occidental. Dans sa lettre d'invitation destinée au chef d'Etat algérien, le président américain, a écrit : «Les Etats-Unis se sont engagés auprès de la prochaine génération de leaders africains pour répondre aux défis de la sécurité et ils favorisent aussi les pratiques de la gouvernance transparente et effective, permettant de créer des opportunités, d'accéder à la prospérité et de développer l'égalité des chances.» En somme, Barak Obama exhorte au triptyque consacrant la modernité dans la pratique de l'Etat dans le monde actuel : la concrétisation de la démocratie, au sein des personnes et des communautés, le souci permanent d'installer la sécurité dans les esprits et dans les territoires et, enfin, l'engagement tous azimuts vers les investissements porteurs, créateurs derichesses et d'emplois. Et, légitimement, dans le cadre des préalables pour gagner le pari du leadership dans cette grandiose confrontation, l'on se demande si l'Algérie s'est inscrite sur ces créneaux. Précurseur dans divers domaines Qu'on l'estime à sa juste proportion ou non, l'Algérie, dans le monde arabo-islamique et africain, a été précurseur dans la refonte des institutions essentielles en s'engageant, il y a déjà un quart de siècle, dans les processus de liberté. Les textes fondamentaux consacrent, alors, le multipartisme, l'indépendance de la presse et des syndicats et la liberté de l'exercice entrepreneurial -dans divers domaines vers cette démarche, des actions individuelles ou collectives sont sorties du cadre des bonnes intentions, souvent carrément de la légitimité, pour des intérêts tiers, les règles du jeu ont été bafouées, donnant libre cours à la corruption et à la forfaiture, faisant parfois du rôle de la justice un instrument pour les luttes d'influence et d'enrichissement, d'un exercice de gouvernance vers un autre, depuis février 1989, date de la promulgation de la Constitution prônant la démocratie, un discours d'assainissement est sur les lèvres de tous les responsables, avec, pour ce faire, des structures institutionnelles, à l'appui, pour la plupart, hélas, dépassées par les desseins manifestes d'approcher les rouages de la rente et de s'en servir. Avec zéro expérience en matière de pratique de la vie politique, par la cause d'une gestion dirigiste, contrôlée psychiquement par le biais d'un pari unique, les populations, au lendemain de la première révision de la loi fondamentale, ont choisi résolument de décider contre ce parti en optant pour une formation islamiste, qui lui parle le seul langage reconnu alors viable dans la culture populaire : le recours à l'espérance divine. Pour dire que celle qui a été depuis l'Indépendance proposée par le système en place produit l'effet inverse. Cette situation a provoqué une véritable crise morale dans les centres névralgiques du pouvoir, qui s'est soldée par une démission présidentielle, suivie par une révolte armée de la part des fractions islamistes se considérant flouées dans le choix populaire. Du jour au lendemain, l'Algérie se retrouve, non seulement sans crédit constitutionnel mais livrée aussi à un phénomène de tueries et de toutes sortes de crimes sur les personnes, les biens et les matériels, qui vont durer six longues funestes années, sans aucune main tendue de quelque pays qui soit. L'Algérie était seule dans la tragédie. Pire, des puissances ont tenté d'envenimer encore plus le mal, mais l'Algérie s'en est sortie seule, sans l'aide de quiconque. L'Algérie est une plaque tournante On dira, évidemment, que la subite embellie financière, due à l'explosion des cours du brut, vers la fin du siècle, aura été d'un secours prépondérant dans le pansement des plaies et le recollage des tissus institutionnels, toutefois nul ne peut mentir sur la réalité que l'Algérie ait retrouvé une place fort enviable dans les terrains du dialogue international, engageant les nations du Sud comme les Etats du Nord. Dans les jours qui ont suivi le drame des tours jumelle de New York, la question sécuritaire à l'échelle de la planète est enfin posée en termes de participation internationale concertée contre les menaces civiles armées et l'Algérie est enfin reconnue en tant que partie prenante de première importance : les Etats-Unis décident d'ouvrir un dossier de grande «intimité» avec l'Algérie, sur laquelle ils reconnaissent du crédit et de l'expérience dans le traitement de la question sécuritaire -l'attaque de la raffinerie de In Amenas déjouée par les éléments de l'ANP, n'a fait que confirmer cette appréciation- sur le problème de la gestion de la prise d'otages, l'Algérie n'a pas attendu les directives yankees pour décider de son propre chef de ne jamais payer les ravisseurs de personnes. Sur le plan économique, avec ou sans les mesures imposées par les grands consortiums financiers mondiaux, l'Algérie se pose et compte régler le problème de la diversification de ses investissements, de faire sortir son économie de l'empire des hydrocarbures et de placer son industrie dans les multiples volets de la manufacture et dans l'amélioration de la qualité de ses services, créateurs de richesses et d'emplois. L'Etat encourage le privé à l'investissement et celui-ci exige de l'Etat des garanties sans équivoques pour réussir son pari ; autrement dit, le problème n'étant pas dans le principal, sa résolution dépend des procédés textuels capables de rassurer toutes les souverainetés. L'Algérie possède donc la synthèse de ce notable patrimoine à mettre en exergue au profit d'une feuille de route à propos d'un partenariat sérieux qui confortera les intérêts des Américains et des Algériens. En tout cas, dans la vision que veut avoir Washington sur le cas de l'Algérie, il n'y a aucun doute que son intérêt n'est pas d'éviter de considérer l'Algérie comme la véritable plaque tournante de l'Afrique. Et c'est ce que notre délégation doit, le 5 et le 6 août, bien expliciter. N. B.