L'Algérie réalise des milliers de projets d'infrastructures. Toutes les wilayas connaissent la poussière, les dérangements et la joie de posséder enfin un logement décent. Il existe également un nombre impressionnant de chantiers de stades, de maisons de la culture et autres... Ils sont réalisés là où les terrains sont disponibles. Les chantiers poussent comme des champignons à la périphérie des villes. A des kilomètres des anciens centres-villes, de très belles infrastructures culturelles sont réalisées. Le nouvel opéra d'Alger se trouve au milieu d'un champ, pas très loin de l'ancienne décharge d'Ouled Fayet, à une bonne trentaine de kilomètres de l'ancien centre d'Alger et à plus de 60 km de la commune la plus peuplée de la capitale. Il en va de même des nouvelles universités dans des villes comme Aïn Defla ou Constantine. Elles sont situées au milieu de nulle part, faisant des villes qui sont censées les abriter des villes sans étudiants. Alger, capitale d'un vaste pays, comme les autres villes cherche son centre. Il était jadis situé à la Grande Poste avec deux belles artères qui y mènent. Aujourd'hui, il n'y a plus de centre. Aucun quartier n'a pu supplanter la Grande Poste, alors qu'elle a perdu son statut. Ni Sidi Yahia, boulevard des trabendistes et des nouveaux riches, ni Bab Ezzouar n'ont pu équilibrer une ville devenue gargantuesque. Le Gouvernement et à sa tête le Premier ministre, n'ont cessé, des années durant, de donner des orientations pour que les villes aient des centres. Au niveau de la capitale comme des grandes villes, rien n'est fait pour récupérer des dizaines d'hectares. Des immeubles menacent ruines mais personne n'ose prendre la décision de les détruire. Le lobby pro-haussmannien semble tellement puissant que personne n'ose «raser» un côté des boulevards Didouche Mourad ou Larbi Ben M'hidi pour aérer la ville et la rendre plus vivable et aux normes d'une ville de 4 millions d'habitants. À Oran, à Constantine ou à Annaba, c'est le même topo. On évacue le trop plein de population vers la périphérie dans des cités dortoirs. L'urgence pour la résorption de la crise de logement pousse les pouvoirs publics à penser immeubles, écoles, mosquées et parfois cimetières. La vision est étriquée. Il lui manque la culture citadine et l'affirmation de l'identité. Il n'y a plus de «tajmaat», plus de centre nulle part. Aucun endroit pour que les gens se rencontrent, se parlent, se connaissent et s'aiment. Les cités font peur. Certaines sont devenues des lieux de non-droit en raison d'absence d'endroit où les liens sociaux puissent se tisser.Un séminaire dont l'intitulé était «Penser la ville» a été tenu à Alger. Ses recommandations pas très ambitieuses n'ont pas vu le jour. Il est temps que l'on pense à repenser la ville. L'héritage colonial n'en est pas un. Détruire pour mieux construire se fait dans tous les pays du monde. Il est temps que l'Algérie fasse de même. A. E.