La fusion est devenue ces dernières années la recette gagnante dans les productions culturelles qui s'inspirent du terroir, en prennent quelques notes, traits, expressions et les mélangent à d'autres venues en force d'ailleurs. Ces «mixtures» se retrouvent dans toutes les initiatives artistico-culturelles et ont été dénoncées de nombreuses fois par les puristes et autres émérites hommes de culture lors de divers colloques sur la préservation du patrimoine culturel immatériel, notamment la musique andalouse. La nouvelle donne du siècle, à savoir l'ouverture aux autres cultures pour y agrémenter des œuvres et les rendre plus consommables et commercialisables, au risque de noyer les traits originels. Aujourd'hui, la frénésie du mélange bat son plein à tout les niveaux. Parfois, le manque de créativité et d'imagination chez quelques acteurs ou artistes les incite à se rabattre sur cette option de mixe et remixe, offrant ainsi des productions sans âme, de moindre qualité qui ne résonnent que le temps d'une présentation. Du coup, les véritables compétences locales, quand bien même elles offriraient de propositions, sont marginalisées, voire victimes de cette «mondialisation» démesurée et débridée. Preuve en est certaines associations puisent leur énergie dans le pur traditionnel et assurent des prouesses en intra ou extra muros sans user d'emprunts et greffes. Contrairement à d'autres qui optent pour les fusions sous le sceau de la diversité, alors qu'ils ne maîtrisent même pas une petite parcelle du substrat culturel. Mais en réalité ce ne sont que des boîtes privées «agencées» outre-mer avec des ramifications locales. L'Algérie de cette décennie n'a pas privé en moyens ses peintres, musiciens, cinéastes, metteurs en scène, organisateurs... bref, tous ses artistes concourant à l'innovation et à la multiplication des productions avec, en prime, la spécificité et touche culturelle du pays. Les échanges pédagogiques Inter-wilaya ou internationaux ont battu tous les records. Des voix alertent sur l'absence d'originalité issue des importations massives. «Agrémenter des œuvres conformément aux outils contemporains est une bonne conception pour pérenniser ce qui est classé séculaire et qui doit subir des variations modérées pour s'illustrer clairement à l'audience», estiment quelques membres d'associations patrimoniales à Constantine, insistant justement sur l'aspect original et originel auquel doivent se plier les essais dits «combinés». Les centaines de troupes étrangères qui ont sillonné le territoire durant les manifestations universelles brillaient par leur authenticité et donnaient aux nationaux des fragments de métissages de haute facture sans se laisser trop emporter par les syncopes mondiales. Aujourd'hui pour citer les musiques du terroir, il est indispensable de mettre en relief les écoles andalouses algériennes qui se tiennent encore debout sans fioriture grâce aux maîtres et aux associations (Est, Ouest et Centre). Rejetant la fonte excessive, «malouf» ou «çanâa», à titre d'exemples, gardent leurs portées musicales à l'abri des tendances «in» dans l'aspect instrumental. Et les festivals annuels organisés permettent à chaque fois de dresser bon nombres d'orientations à cet effet, préconisant aux élèves musiciens de respecter les parties des œuvres interprétées. Le théâtre vit quelque peu une situation peu reluisante : les planches ne s'inspirent plus du vécu de la société.... Pour le reste des arts tantôt le métissage est plaisant, mais renvoyant au second plan la spécificité de l'Algérie profonde, tantôt il est raté, noyant de ce fait davantage les repères artistico-culturels du terroir. Ne vaudrait-il pas mieux inventorier, évaluer et préserver le trésor algérien avant de le mêler indélicatement à des expériences extérieures à son environnement naturel ? Se mettre au diapason mondial est devenu une condition sine qua non pour faire valoir son patrimoine matériel ou immatériel, diront certains observateurs, alertant en retour la nécessaire préservation de l'identité des œuvres. En clair, une fusion judicieuse. N. H.