La crise de logement est indiscutablement la question la plus épineuse et le dossier le plus explosif que les pouvoirs publics ont à gérer, si tant est qu'on puisse assimiler l'anarchie ayant caractérisé l'administration de ce dossier des années durant à de la gestion. L'Etat n'a cessé de bâtir, occupant la moindre parcelle de terrain, allant jusqu'à urbaniser des terres agricoles. Les immeubles ont surgi partout, aux alentours des villes, au milieu des vergers, dans des lits d'oueds ou marécages. Sous la pression de la demande en augmentation constante, exponentielle, dirait-on, on construisait à tour de bras, sans même plus se soucier d'esthétique ou de commodités. Ça ne suffisait pourtant pas. Plus on en réalisait, plus on en demandait, et redemandait. Car, ce n'était plus uniquement le besoin de se loger qu'il fallait satisfaire, mais aussi des appétits voraces. Et comme tous les responsables, de la cellule de base, la commune, aux plus hautes sphères de l'Etat, pouvaient dégoter un logement, (en plus de ceux qu'ils prennent), il suffisait alors d'en connaitre un ou de graisser des pattes pour avoir autant de logements qu'on a de responsables ou de gros billets dans sa poche. Pour ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre, il leur restait la triche. L'Etat gavait les aigrefins vivant en son sein, mais, dans sa grande mansuétude, donnait aussi aux pauvres hères qui vivaient dans des ruines ou des bicoques misérables. Le logement social leur est destiné. Le filon est là. Il suffit de paraître dans le besoin pour avoir droit à un logement social. On construit, on achète ou on loue une baraque dans un bidonville et on attend le passage des représentants de l'administration chargés d'élaborer la liste des futurs bénéficiaires de logements sociaux. On connait la suite, et toutes ces émeutes qui se déclenchent à chaque affichage de listes ou distribution de logements. L'Etat s'est finalement décidé à élaborer un fichier national du logement pour mettre un terme à cette gestion anarchique, mais le ver était déjà dans le fruit. Ayant pris l'habitude d'être toujours satisfaits après être descendus dans la rue, certains citoyens ne se connaissent plus de limites. Habitant dans des constructions illicites, bâtisses menaçant ruines ou bidonvilles, ils exigent d'être relogés là où ils veulent et refusent les logements que l'Etat leur offre, avec camion et déménageurs gratis, parce que ça les obligera à quitter le quartier où ils ont toujours vécus, dans la misère. Certains, ne sont pas satisfaits de n'avoir eu qu'un ou deux logements (selon le nombre de familles vivant sous le même toit) et reviennent alors au bidonville ou à la bâtisse pour être réinscrits sur la liste. Bien que connaissant toutes les manœuvres et les entourloupes, les autorités locales essayent de gérer ces dérives sans recourir à la force, si ce n'est à titre dissuasif. Mais ça ne marche pas toujours. Et, même si l'Etat a beaucoup à se reprocher dans l'apparition de ces dérives, il faudra bien qu'un jour il solde son passif et fasse preuve de ferme autorité pour soumettre, par la trique si nécessaire, tout le monde à la loi et l'ordre. H. G.