«J'ai lu dans le journal Echourrouk que Abdelmalek Sellal a tenu un Conseil interministériel pour discuter de la crise du pétrole et des moyens de faire des économies pour mieux y faire face. Mais aucune décision ferme n'a été prise, selon le journal. On n'a fait que dégager des pistes en vue de réduire les dépenses budgétaires prévues pour le lancement de certains projets», dit un sexagénaire discutant avec deux amis devant un CEM où ils accompagnaient leurs petits-enfants. «Et quelles sont ces pistes qu'ils ont ouverts ?», lui demande un de ses deux interlocuteurs. «C'est ce qui m'a outré. Il aura fallu que le pétrole chute fortement pour qu'un Conseil interministériel d'urgence se tienne et, au final, sorte avec ce qui a été dit depuis longtemps déjà par des analystes, des économistes, des journalistes... et j'en passe, qu'il y a de gros projets dont on peut se passer pour le moment comme des trams dans des villes du sud ou cette autoroute des Hauts-Plateaux et qu'il faudrait apprendre à calculer au plus près la dotation des autres projets», répond-il. En effet, la rationalisation des dépenses semble être la principale voie sur laquelle devront s'engager toutes les institutions étatiques. Toutefois, les pouvoirs publics ont vite fait de préciser que, à la demande express du président de la République, la politique sociale ne sera pas touchée par les restrictions budgétaires. Mettant à profit sa sortie sur le terrain, à Constantine, le ministre de l'Habitat, Abdelmadjid Tebboune, avait d'ailleurs affirmé, avant le tenue du Conseil ministériel qu'«aucun mètre carré du programme d'habitat prévu dans le cadre du programme quinquennal 2015-2019 ne sera touché à cause des fluctuations actuelles des marchés pétroliers». Pourtant, l'inquiétude persiste chez les citoyens, surtout ceux qui ont vécu la précédente crise, 1980-1990, les Plans d'ajustements structurels du FMI et la politique de restriction qu'il nous avait imposé pour nous concéder un crédit. Ceux-là soutiennent que, si la baisse des cours du baril se poursuit, et considérant la position de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole qui a affirmé qu'elle ne bougerait pas le petit doigt même si le prix descend en dessous de 40 dollars, il y a de fortes chances de voir s'assombrir les perspectives. Les réserves algériennes ne peuvent assumer toutes les dépenses alors que les recettes pétrolières, première ressource du pays, s'amenuisent. De plus, responsables et citoyens se sont habitués au moelleux matelas financier qui leur permettait de dépenser sans compter. Subventions, aides, crédits à taux zéro ou minorés, investissements sans obligations de résultats ni contrôles, détournements, lignes de crédits pour l'importation de produits «accessoires», augmentations de salaires sans contrepartie de production, dépenses inutiles... Tout le monde se servait et se sucrait. Il sera difficile de réduire tous ces «avantages» et de procéder à des coupes budgétaires, indispensables, qui seront autant de «bonnes affaires» dont seront privés tous les aigrefins vivant dans les rouages de ce système de gestion dont la révision s'impose de la manière la plus impérieuse. Le temps n'est plus à l'ouverture de pistes et à la formulation de promesses, mais à l'action, même si elle doit trancher dans le vif. Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, l'a clairement dit, en fin de semaine dernière : «Les réserves de changes actuelles permettent à l'Algérie de faire face aux chocs sur la balance des paiements extérieurs à court terme, mais cette capacité à résister aux chocs se dissipera vite si les cours du pétrole restaient longtemps à des niveaux bas.» Autrement dit, l'Algérie n'est pas un pays riche, et elle risque de le découvrir de la manière la plus brutale si elle continue à dépenser comme si elle l'était au lieu de travailler pour le devenir. D'autant plus qu'elle en a les moyens, il lui faut les exploiter. H. G.