Des militants du FFS empêchés de déposer une gerbe sur la voie publique. Ce fut à Alger, à l'occasion de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse. Plus récemment encore, la wilaya d'Alger a refusé de laisser les opposants réunis au sein de la CNLTD tenir une conférence de presse sur le gaz de schiste. Au motif fallacieux que la salle demandée, celle d'un centre culturel, n'a pas vocation à accueillir des manifestations autres que celles en rapport direct avec sa vocation. Quelque temps avant, ce sont des femmes en robes kabyles qui sont interdites de défiler dans cet accoutrement jugé subversif. La liste des empêchements de s'opposer en rond ou de s'exprimer tout court, de manière collective et en public, serait fastidieuse à énumérer tant elle a les accents d'une litanie ! Quand un pouvoir arrive à trouver du potentiel de subversion ou de sédition dans des bouquets de fleurs et des robes fleuries, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche. Ce qui incite à se demander de quoi le pouvoir a-t-il vraiment peur pour tant redouter le moindre regroupement à l'air libre ou même dans des espaces clos ? Pourtant, en face, il n'y a pas de redoutables divisions blindées d'opposants, mais juste une opposition divisée qui peine à se réunir au sujet d'un minimum politique vital. Et on peine vraiment à comprendre cette attitude de repli dans un bunker et d'enfermement dans une paranoïa politique dont on n'arrive pas à en saisir les ressorts. Si Coluche, roi du rire philosophe, vivait en Algérie aujourd'hui, il aurait redit que «s'il y avait un impôt sur la connerie, l'Etat s'autofinancerait». Apparemment, tout est redouté de nos jours. Chômeurs, gardes municipaux, syndicats alternatifs, policiers protestataires, mères de disparus de la décennie 1990, blouses blanches, enseignants, anti-gaz de schistes d'In Salah, et la liste n'est pas exhaustive. Voici donc venu le temps où le pouvoir se découvre des adversaires implacables dès qu'il décèle chez eux une cohésion de groupe et une volonté de regroupement. Expression physique de cette appréhension permanente, l'envoi de compagnies de CNS pour faire goûter aux moindres protestataires les caresses veloutées de gourdins maniés avec dextérité par des Robocops de bleu marine vêtus. C'est encore plus visible dans la capitale toujours soumise à une décision gouvernementale qui devait être limitée dans le temps et qui avait été conçue pour répondre à la menace conjoncturelle que représentait alors le mouvement des arouch de Kabylie. Douze ans après, elle reste toujours invoquée comme une justification indiscutable et en dépit de la suppression de l'état d'urgence. La loi ignore presque le droit, disait Victor Hugo. Faut-il s'étonner alors de la dure tonalité de la récente position de l'UE au sujet des droits de l'Homme en Algérie ? Il est évident que toutes les atteintes aux droits de l'Homme, à des degrés divers, sont les signes cliniques d'une pathologie politique. Affection qui consiste à réprimer, grâce à l'usage d'une brutalité policière savamment dosée, toutes les manifestations de mécontentement social et d'insatisfaction politique. Alors même qu'il n'y a pas forcément de relation de cause à effet, le régime semble estimer que tout mouvement de contestation sur la voie publique est à la fois une atteinte à l'ordre public et une déstabilisation du pays avec lequel le pouvoir se confond. Frilosité, crispation et raidissement de plus en plus palpables. D'autant plus perceptibles que l'espace médiatique, la sphère Internet et la scène politique sont saturés par les révélations au sujet de la corruption de membres du pouvoir et d'agents de l'Etat. Et que ce déballage intervient à un moment où l'horizon politique du pays apparait plus que jamais brumeux. N. K.