«Pas de commentaires à cette étape.» Voilà qu'elle a été la déclaration faite par les pontes de la Fédération internationale de football pour expliquer les raisons pour lesquelles six de ses membres sont détenus à Zurich par la police suisse, depuis hier, pour corruption présumée. Cependant, ce coup de filet n'a certainement été possible dans une institution réputée hermétique et fonctionnant presqu'à l'image d'une loge maçonnique, pour ne pas dire d'une ligue mafieuse, que parce que les autorités américaines l'avaient exigé. «La police cantonale a arrêté six fonctionnaires du football [...] à la demande des autorités américaines. Des représentants des médias sportifs et de sociétés de marketing sportif seraient impliqués dans des versements à de hauts fonctionnaires d'organisations footballistiques (des délégués de la Fifa et d'autres personnes appartenant à des organisations qui lui sont affiliées) en échange de droits médiatiques et des droits de marketing de compétitions organisées aux Etats-Unis et en Amérique du Sud», a indiqué le ministère suisse de la Justice. Ils sont suspectés d'avoir accepté des dessous de table d'un montant de plusieurs millions des années 1990 à nos jours, précisent les autorités judiciaires suisses. Sepp Blatter ne ferait pas partie, selon l'Office fédéral de la justice cité par la presse suisse, des six officiels interpellés. Néanmoins, et de manière générale, les médias sportifs ne sortiraient pas grandis de cette affaire dans la mesure où nombreux seraient parmi ses représentants et d'autres comptant parmi les sociétés de marketing impliquées», est-il souligné dans le journal le Monde dans son édition matinale d'hier. Il y a tout de même lieu de souligner que la soudaine médiatisation de cette affaire est faite à un moment crucial, autrement dit à seulement quarante-huit heures des élections du nouveau président de la Fifa dont le mandat est encore brigué par Sepp Blatter, mais un Blatter contrarié depuis quelques années, même si, en parfait loup de l'institution, il est à chaque fois parvenu à retomber sur ses jambes grâce à un formidable lobbying fait d'implacables, impitoyables, menaces de toutes natures contre ses opposants (généralement suivies d'effet a posteriori) et surtout d'actes d'intéressement à ceux qui le soutiennent. D'où son inamovibilité depuis près d'une trentaine d'années au poste. La réaction américaine est d'autant plus équivoque, même si elle doit être réellement bâtie sur un argumentaire des plus solides, qu'elle intervient pour des faits qui remontent à 1990 et qui auraient alors consisté en «le versement de pots-de-vin et commissions de plusieurs millions de dollars». Ceci étant, parmi les personnalités impliquées figurerait le dauphin du président de la Fifa, en l'occurrence Jeffrey Webb, en plus de deux autres responsables encore moins négligeables à savoir Jack Warner, président de la Fédération des iles Caïman et subséquemment grand paradis fiscal, et Eugenio Figueredo. Le montant des malversations est estimé à 100 millions de dollars. Comme par hasard ou justice immanente oblige depuis que la Coupe du monde 2022 a été attribuée au Qatar dans les conditions décriées que nul n'ignore, le voile est levé dans la mesure où les faits de corruption dans cette affaire auraient été constatés notamment dans les attributions douteuses d'édition de Coupe du monde et de contrats de marketing ainsi que de droits de télévision. Enfin les six personnes arrêtées devront incessamment être extradées vers les Etats-Unis où auraient transité dans les banques américaines l'essentiel des sommes brassées dans le système de corruption objet du dossier. Cette affaire ne peut désormais que relancer la polémique autour de l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, même s'il n'en découlera rien en réalité, d'autant plus que le président de la Fifa lui-même semble avoir regretté cette attribution en déclarant, il y a quelques temps, «qu'il s'agissait d'une erreur». Sauf qu'il ne dit pas qu'elle est la hauteur sonnante et trébuchante de cette erreur dont il aurait personnellement profité au même titre que tous ceux dont l'identité sera tôt ou tard dévoilée et que l'histoire du football mondial confondra. C'est pour cela que d'aucuns ne veulent en aucun cas exclure précipitamment la possibilité que celle-ci puisse être retirée aux Qataris non seulement pour toutes les présomptions de corruption, mais pour les conditions de préparation de l'édition de 2022 et plus particulièrement celles inhumaines, qualifiées même d'esclavagistes par beaucoup de pays, des travailleurs étrangers notamment asiatiques recrutés pour les chantiers concernés. A. L.