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Ghardaïa : des revendications politiques tournées en conflit ethnico – religieux.
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 05 - 08 - 2015


https://liliamarsali.wordpress.com
Lilia Marsali
Les événements récents à Ghardaïa ont été volontairement absorbés par la tentation d'"essentialiser" le conflit dans la presse algérienne et internationale, laissant de côté une analyse structurelle raisonnée. Afin d'apporter la lumière sur les affrontements entre algériens pour déjouer la manipulation d'une presse éradicatrice si prompt à empêcher toute information crédible susceptible d'apaiser les esprits épris d'un désir de vengeance, nous avons fait appel à deux figures militantes algériennes pour les Droits de l'Homme, membres fondateurs du Congrès pour le Changement Démocratique en Algérie,CCD. Le Docteur Salah -Eddine SIDHOUM exerce la fonction de chirurgien orthopédiste en Algérie. Maître Noureddine AHMINE est membre du réseau des avocats pour les Droits de l'Homme et l'un des membres du collectif d' avocats des détenus mozabites.
Les informations sur le conflit à Ghardaïa ont assez mis en relief une guerre ethnico-religieuse. Quelle est votre grille de lecture des événements?
Salah- Eddine SIDHOUM : Il ne s'agit nullement d'un conflit ethnique ou religieux. Les chaanbas et les mozabites ont toujours coexisté depuis des siècles, dans la paix et la sérénité. Cela ne signifie nullement qu'il n'y avait pas de temps à autre des frictions, frictions que nous observons fréquemment dans d'autres régions d'Algérie, entre tribus.
Nos compatriotes mozabites ont leurs particularités sociales, culturelles et religieuses. Ils constituent une communauté connue pour son organisation sociale faite de solidarité, de discipline et de rigueur. Et comme tout le monde le sait c'est une communauté tournée majoritairement vers le commerce. La politique diabolique du pouvoir a tout fait pour détruire ce mode de vie et d'organisation des mozabites. Et l'une des armes de cette politique est la manipulation de la haine entre habitants du M'zab.
Les problèmes socio-économiques et politiques que vivent les citoyens de la région sont les mêmes que ceux que vivent tous les Algériens sur le territoire national. Le pouvoir défaillant pour ne pas dire en faillite et pour contrer le mécontentement populaire, dans cette wilaya joue sur ces fibres ethniques et religieuses, en entretenant cette politique de la haine de l'autre. Cette situation de marasme socio-économique et politique et de non-droit a constitué un terreau fertile à tous les extrémistes et trabendistes de la région (contrebande d'armes et de drogue au vu et au su des « autorités » pour ne pas dire leur complicité). C'est ainsi que sont nés les vastes réseaux de contrebande puissamment structurés avec leurs barons chez une partie des chaanbas et c'est ainsi aussi qu'est né également chez une infime minorité de mozabites l'idée d'autonomie du M'zab, calquée sur celles des extrémistes kabyles et chaouias (et qui ne représentent absolument pas les populations du M'zab, de Kabylie et des Aurès).
Le pouvoir illégitime au lieu de régler les problèmes socio-économiques de la région, sources de conflits, a préféré gérer cette situation explosive, n'obéissant qu'à ses calculs bassement politiciens et claniques malsains. Et le résultat nous le connaissons : des dizaines de morts algériens (mozabites et chaanbis) et des dégâts matériels considérables.
Noureddine AHMINE : Avant de répondre à cette question, il est indispensable de soulever quelques remarques. Premièrement : le terme guerre, selon la définition consacrée, ne correspond, à mon sens, d'aucune manière à la situation de Ghardaia. Deuxièmement : considérer ou qualifier les événements de Ghardaia comme étant un conflit ethnico-religieuxn risque de nous éloigner de la vraie nature de ces événement.
Pour répondre à cette question, il faut se pencher davantage donc sur les causes directes qui ont engendré ces événements. Dans ma réaction aux affrontements qui se sont déroulés dans la localité de Guerrara (à 120 km de Ghardaia, nord-est), au cour du mois de juillet 2015, j'ai souligné entre autre ceci :
‘' Pour rappel, tout a commencé à la mi-décembre, après un rassemblement de jeunes qui contestaient une liste d'attribution de logements devant le siège de la wilaya. Une contestation qui a été transformée en une attaque en règle contre les commerces mozabites adjacents, comme par hasard. Un autre événement et non des moindres qu'a connu cette vallée, celui de l'adjonction des actions du mouvement des chômeurs de la région et celui du mouvement citoyen de Ghardaia, à l'occasion de la fête du tapis. Une adjonction qui a débouché sur une répression aveugle et une vague d'arrestations dans les milieux citoyens de Ghardaia.''
Quant aux autres raisons, prétendre la possibilité de les cerner dans leur globalité, relève d'un manque de sérieux. Mais il est très aisé d'en relever un certain nombre : absence totale de la prise en considération par les pouvoirs publics, de la spécificité de la région, dans tous ses aspects, l'écartement et le manque de considération des citoyens mozabites quant à la gestion des collectivités, le mépris des spécificités des mêmes citoyens, dans tous les domaines, la gestion anarchique du foncier, une grande défaillance de l'Etat dans tous les domaines aussi. L'ensemble de ces causes et certainement d'autres, ont généré un certain nombre de réactions. Parmi elles, la prise de conscience d'une partie des habitants de Ghardaia, mozabites dans leur totalité. Une prise de conscience mal vue par les représentants des pouvoirs publics. Cet aspect, à mon sens, est d'une importance capitale.
Quels reproches à l'égard du gouvernement algérien au lendemain de l'éclatement du conflit entre algériens dans le M'Zab pourrait-on faire?
S-ES : Sincèrement, je ne sais si on peut parler de « gouvernement », s'agissant de ce ramassis de fonctionnaires opportunistes, médiocres et incompétents et dont les seules « qualités » sont l'allégeance et l'aplat-ventrisme.
Comme je l'ai dit précédemment, le pouvoir n'avait et n'a nullement l'intention de régler un problème qui est le fruit de sa propre politique suicidaire. Il ne fait que gérer cette situation qui aujourd'hui semble le dépasser. Rappelons-nous, lorsque le bouffon boulitique est allé à Ghardaïa, le printemps dernier lors de mascarade électorale de la 4e wakhda et avait promis de régler « définitivement » le problème après la reconduction du locataire d'El Mouradia. De fausses promesses enrobées de populisme. Et nous connaissons la suite. Non seulement rien n'a été réglé mais la situation s'est aggravée, jusqu'à l'utilisation d'armes à feu.
NA : Le premier reproche est le manque d'anticipation des pouvoirs publics, l'arrivée de ces événements (il va sans dire que dans un Etat démocratique, un reproche de cette nature, provoque des chutes de gouvernements ou des crises politiques difficilement surmontables). Considérant que ces pouvoirs publics ne sont pas complices !
Le deuxième est tout simplement le manque de prise en charge du conflit. La mise en place des éléments de maintien de l'ordre, comme seule solution, ne peut être qualifiée dans les meilleurs des cas, que d'une incompétence difficilement imaginable.
Cette solution ne peut être envisagée que sous l'angle de l'urgence du maintien de l'ordre. Le reste relève du domaine politique. Donc les pouvoirs publics sont tenus de trouver une solution dans la transparence, pour permettre à l'opinion publique de contrôler le bon choix des solutions préconisées et l'existence d'une bonne volonté pour y parvenir.
Devant l'opacité qui entoure les actions du Gouvernement et le seul choix sécuritaire, dans le mesure où c'est le seul qui est mis en avant, il facile de deviner que les tenants du pouvoir cherchent davantage à gérer le conflit que de le régler. Cette hypothèse je la retins amplement.
L'Armée algérienne a mis du temps avant de rétablir le calme dans la région. Pourquoi ?
S-E S : L'intervention de l'armée dans ce conflit est un signe de faillite de ce système et de ses institutions factices. L'armée n'est pas faite pour rétablir l'ordre. Elle est là pour protéger nos frontières. Il est quand même scandaleux que des escarmouches entre citoyens, quelque soient les moyens violents utilisés, ne puissent être maîtrisées par les milliers de policiers et de gendarmes, dans une aussi modeste wilaya ? Et nous sommes en droit de nous poser la question sur leurs comportements lors de ces heurts entre citoyens. N'avons-nous pas vu sur les vidéos circulant sur le Net, de jeunes cagoulés s'abriter derrière des policiers et des gendarmes et jeter des cocktails Molotov et des blocs de pierre contre leurs adversaires ? Ces services de sécurité étaient-ils là pour séparer les belligérants ou pour protéger une partie de ces derniers contre d'autres ? Autant de questions qui nous intriguent et autant de faits qui signent la faillite d'un pouvoir incapable de protéger ses concitoyens.
NA : D'abord, il faut savoir que l'implication de l'armée de cette manière, constitue, une violation de la Constitution. Ensuite, elle n'a absolument rien réglé et elle ne pourra jamais le faire, dans la configuration actuelle. Dans tous les cas, le maintien de l'ordre ne peut en aucun être du ressort de l'armée, sauf dans des situations où l'existence de l'Etat est mise en danger, une situation qui doit être affrontée par des instruments et des mécanismes prévus par la Constitution.
De nombreuses arrestations notamment de notables et de militants sont en cours pour juger les présumés responsables des crimes commis. Quel est votre jugement concernant le traitement de ces affaires ?
S-E S : A l'heure actuelle, nous n'avons pas d'informations précises et crédibles sur le nombre de citoyens arrêtés, des deux parties. Nous ne verseront jamais dans l'indignation sélective et dans le colportage de fausses informations pour creuser un peu plus le fossé entre Algériens du M'zab, comme le font certains extrémistes sur leurs sites racistes.
Nous veillerons, en tant que politiques et défenseurs des droits humains, comme nous l'avons toujours fait depuis des décennies, à ce que la dignité des détenus et leur intégrité physique soient respectées. Tout comme nous exigerons des procès justes et équitables en présence d'observateurs internationaux. Connaissant la « justice » du système, la présence d'observateurs internationaux limitera un tant soit peu les « appels téléphoniques » abusifs d'en haut.
NA : En incluant le volet médiatique, les arrestations les plus spectaculaires et les plus horribles qui sont opérées, de sécurité, ont était faites en violation de tous les textes protégeant l'intégrité physique et morale de la personne humaine et surtout sa dignité. La grève de la faim utilisée par certains, n'est autre que l'ultime recours pour alerter l'opinion publique. De ce côté de là, parler du crime , c'est aller vite en besogne.
Concernant l'affaire Ould Dadda, très peu médiatisée par la presse algérienne à l'époque, oubliée après les évènements dans le M'ZAB, pouvez – vous nous rappeler ce qui s'est passé ?
S-E S : Youcef Ould Dadda est un jeune informaticien du M'zab. Il a eu le malheur de diffuser sur la toile (je dis bien diffuser et non filmer) des individus en tenue de policiers, en train de chaparder un local commercial lors des troubles qu'a connu la région. Crime de lése-majesté ! Atteinte à corps constitués ! Vidéo préfabriquée ! se sont écriés les Gardiens du Système et du Désordre Etabli ! Haramat !
Au lieu d'être félicité pour avoir dénoncé ces faits graves commis par des brebis galeuses salissant une institution de l'Etat, voilà que Ould Dadda est arrêté et condamné à 2 ans de prison ferme. On arrête quelqu'un qui accomplit son devoir de citoyen en dénonçant des malfrats qui ont abusé de leur profession pour commettre des larcins et on laisse filer un brigand en col blanc, le tristement célèbre Chakib Khelil qui a bradé l'Algérie aux multinationales pour quelques milliards de commission. Ainsi fonctionne l'injustice d'un régime illégitime. Et notre jeune compatriote Youcef croupit en prison depuis le 27 mars 2014.
NA : Vous avez malheureusement raison. Un cas très grave qui dépasse l'entendement. Soustraire des vrais présumés coupables de poursuites judiciaires, en condamnant un innocent, avec la complicité de la justice, c'est hallucinant.
Accusé d'avoir diffusé une vidéo montrant des hommes en uniforme de policier en train de dévaliser un magasin dans la localité de Gerrara, Oulad Dada Youcef, un citoyen de cette localité, un père de famille de 48 aujourd'hui, a été condamné à 2 ans de prison ferme et 100.000 DA d'amende.
A qui profiterait le projet d'une division entre algériens et pourquoi ?
S-E S : C'est une évidence de dire qu'elle profite aux nouveaux colons indigènes qui n'ont fait que perpétuer la politique de la France coloniale avec sa devise très chère : diviser pour régner. Je répète sans hésitation aucune, ce que je dis et écrit régulièrement depuis des décennies : notre « indépendance » chèrement acquise et tant attendue par un peuple assoiffé de justice et de liberté s'est transformée malheureusement en une simple algérianisation de la politique coloniale de la part du pouvoir illégitime imposé par la force des armes. Il n'y a pas eu de libération autre que territoriale car il n'y a jamais eu de rupture réelle avec le modèle imposé par la colonisation.
NA : Brandir l'étendard de la division par une poignée de personnes, sous différents concepts, et utiliser cela comme interprétation des événements de Ghardaia, risque d'arranger d'une manière significative les tenants du pouvoir. Pourquoi ? Pour la même recette que celle du terrorisme.
En tant que membre du CCD, (Congrès pour un Changement Démocratique en Algérie), un mouvement citoyen pacifique, comment percevez-vous l'avenir du militantisme pour les droits de l'homme en Algérie suite aux événements à Ghardaïa ?
S-E S : L'avenir de ce que vous appelez « le militantisme pour les Droits de l'Homme » est sombre au vu de ce que nous voyons quotidiennement sur le terrain, non pas par ce que pratique le pouvoir comme répression, exactions et instrumentalisation de la justice mais surtout par le comportement de ceux qui se réclament défenseurs des droits humains. L'exemple le plus choquant de la déliquescence de la notion des droits de l'homme est la situation de l'ex-LADDH (ligue algérienne de défense des droits de l'homme) de notre frère aîné Si Abdenour Ali Yahia qui a éclaté en trois entités, chacune se réclamant de la « légitimité originelle ». Le régime et ses officines doivent rire sous cape. Nous sommes loin du véritable militantisme des années 80 et 90, synonyme de sacrifices, d'hommes comme Mahmoud Khelili et Ali Yahia Abdenour. Aujourd'hui, nous versons hélas dans le droit-de-l'hommisme le plus abjecte. Droits de l'homme signifient aujourd'hui voyages, salons de Paris et Genève, stages bidons dits de « formation » à l'étranger initiés par des ONG suspectes à des pseudo-militants autoproclamés......
Les droits de l'homme sont devenus aussi un tremplin pour accéder à la mangeoire du régime. C'est le règne de la vocifération, de la gesticulation, des intrigues, des insultes, qui font acte de « militantisme de terrain ».
Hélas, aujourd'hui, les droits humains sont devenus aussi un juteux fonds de commerce pour certains opportunistes. Nous n'avons qu'à voir avec la question des disparu(e)s. Des individus ont fait fortune financièrement avec cette dramatique question avec la complicité d'officines étrangères.
L'autre mal qui gangrène la défense des droits humains est l'odieuse sélectivité dans l'indignation. Au nom d'une conception dévoyée de la démocratie et des droits de l'homme, on choisit les bonnes et les mauvaises victimes à soutenir. Et pour nos droits-de-l'hommistes (à ne pas confondre avec les défenseurs des droits humains), c'est en fonction de l'impact médiatique de l'affaire qu'on choisit la victime à défendre. Deux exemples criards illustrent ce que je dis : l'affaire du jeune informaticien du M'zab, Youcef Ould Dadda condamné à 2 ans de prison pour avoir diffusé une vidéo de policiers-chapardeurs et l'affaire du correspondant de presse de Tébessa, Abdelhaï Abdessami, en détention préventive depuis 2 ans ( !!!!), accusé d'avoir aidé un directeur de journal (Aboud Hichem) à fuir en Tunisie. Qui en parle ?
Tout comme pour l'opposition politique, les droits de l'homme n'échappent pas à cette déliquescence. Tout est à reconstruire sur des bases saines et avec des visages nouveaux, sincères et engagés pour servir les causes nobles et non pas s'en servir.
NA : Paradoxalement, les événements de Ghardaia et la situation de cette région d'une manière générale, ont généré une certaine dynamique en matière des droits de l'homme, dans la mesure où les violations en la matière, généralement, sont dénoncées et portées à la connaissance de l'opinion publique nationale et internationale, à travers la mobilisation des militants des droits de l'homme et toutes les personnes éprises de justice et de liberté.
Quelles leçons les algériens devront-ils tirer de ces affrontements ?
S-E S : Les leçons, nous les avons tirées bien avant ces affrontements, car ces derniers ne sont que les énièmes épisodes du drame national qui se joue depuis 62. Nous ne nous lasserons pas de répéter, tel un leitmotiv que tant que la crise politique due à la question de la LEGITIMITE du POUVOIR qui perdure depuis 62 n'est pas résolue démocratiquement par le peuple libre et souverain, l'Algérie connaitra d'autres drames, beaucoup plus graves que ceux vécus auparavant.
La situation est grave. L'effondrement des valeurs morales, la décomposition sociale, la structuration mafieuse rampante, la déliquescence du système politique faisant fonction d'Etat, la corruption généralisée, le délabrement économique, la violence politique qui perdure, le discrédit de la classe dite politique et la couardise de la classe dite intellectuelle ne poussent certainement pas à l'optimisme.
Certains de nos compatriotes, fatalistes, nous diront certainement et de bonne foi, que ce tableau peu réconfortant de la situation et cette gangrène avancée rendent fort aléatoire tout effort prospectif, tout espoir d'éveil des consciences et d'alternative démocratique. Mais est-ce une raison suffisante pour ne pas entreprendre ? « Les seuls combats qu'on risque de perdre sont ceux qu'on n'ose pas engager » disait un intellectuel et homme d'Etat tchèque.
Nous sommes de ceux qui pensent que même si l'Algérie a atteint les bas-fonds de la déchéance, rien n'est totalement perdu tant qu'il existe encore des femmes et des hommes dignes. Et Dieu merci, il y en a encore. Il n'est de richesses que d'Hommes !
Une maturation lente mais certaine s'opère au sein de la population. Les algériennes et algériens ne sont pas dupes. Ils ne croient plus aux supercheries des «gouvernants » ni aux discours creux et stériles d'une certaine «classe » politique compromise et démonétisée et qu'utilisent les officines dans leurs luttes interclaniques. Nous restons persuadés qu'ils sauront, demain, se mobiliser lorsqu'ils auront à leur tête ou à leurs côtés une véritable élite digne et sincère, tant intellectuelle pour les guider que politique pour les gouverner. Ils l'ont déjà démontré à chaque fois que les conditions s'offraient à eux.
Nous restons persuadés que la longue et douloureuse marche depuis 1962, des algériennes et algériens dignes vers l'autodétermination, sur un chemin jonché des cadavres de leurs meilleurs fils, ne sera pas vaine, et que tôt ou tard, les chaînes de l'oppression se briseront et qu'après la longue nuit d'injustice et de hogra, le jour se lèvera.
Nous appartenons à cette catégorie d'Algériens qui refuse les fausses solutions et encore moins, les honteuses compromissions. Devant la gravité de la situation, nous devons faire preuve de pédagogie et d'honnêteté envers notre peuple, longtemps trompé et considéré par les troubadours de la «boulitique» comme un bendir qu'il fallait chauffer pour la cause. Sans concessions ni complaisance, nous devons poser les véritables problèmes de fond et proposer des solutions réalistes d'une authentique sortie de crise.
Nous demeurons convaincus que la solution à la crise nationale se trouve en Algérie, entre les mains des algériennes et algériens dignes qui se battent pour une Algérie de toutes et de tous, une Algérie de Droit, de dignité et des libertés démocratiques. Nous ne devons compter que sur nos capacités et nos propres forces. Et elles sont grandes si nous en prenons conscience.
Nous ne cessons depuis une décennie d'appeler de manière pressante à la mobilisation et au rassemblement de toutes les potentialités intellectuelles et politiques dignes et sincères afin d'aller vers un COMPROMIS HISTORIQUE qui puisse mener vers un véritable changement radical et pacifique, passant par une transition démocratique et qui aboutira à la mise en place des premiers jalons de l'Etat de Droit dans une Algérie profondément ancrée dans son authenticité et grandement ouverte sur l'Universel. C'est à quoi nous œuvrons humblement au sein du CCD, loin des feux de la rampe, des gesticulations et des vociférations populistes stériles.
« Les volontés précaires se traduisent par des discours, les volontés fortes par des actes »
NA : Après la douleur, je tire deux enseignements. Le premier : Nous sommes tous vulnérables et aucune région n'est à l'abri. Il se trouve que la nature du pouvoir, de la dictature, favorise ce genre de situations et cela constitue une substance considérable quant à sa survie. Le second, est la nécessité absolue de se prendre en charge, y compris l'implication dans la recherche de la solution, en prenant en considération les éléments développés précédemment.
Propos recueillis par Lilia Marsali.
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