Le long-métrage italien Comme le vent de Marco Simon Puccioni a été projeté à la salle El-Mouggar dans le cadre de la compétition officielle du 5e Festival international du cinéma d'Alger dédié au film engagé. Un psychodrame haletant et sanguin inspiré d'une histoire réelle. Armida Miserere est la première femme directrice de prison en Italie. Son mari, éducateur dans une autre prison, sera assassiné par la mafia. Définitivement brisée par la perte de l'amour de sa vie, elle acceptera de diriger les pires prisons du pays avec fermeté mais aussi un sens aigu de la justice. Construit sur des flashbacks allant de 1990 à 2003, Comme le vent a un atout majeur : l'actrice Valeria Golino qui porte le film avec une passion et une densité radicales. Ce portrait de femme meurtrie mais toujours droite dans son impeccable tailleur est à la fois fragile et puissant : fragile parce que la mise en scène s'encombre parfois d'effets de manche et d'images maniérées ; puissant, parce que l'interprétation rigoureuse de Golino, notamment sublimée par les lumières glacées de Gherardo Gossi. Entre le quotidien idyllique d'un couple follement amoureux et filmé d'une manière aussi brillante que sensible, au dénouement tragique de son parcours cahoteux, en passant par la quête de vérité sur l'assassinat de son mari, Armida Miserere remplit entièrement l'écran tant par sa présence physique magnétique que par le relief psychologique que lui confère l'actrice italienne. Tour à tour fragile, froide, effondrée, statutaire, lubrique et desséchée, cette femme va nous entraîner, tout au long de deux heures, dans ses déboires professionnels mais surtout dans son désarroi quasi christique que Valeria Golino incarne tantôt avec une magistrale retenue, tantôt avec une exubérance hurlante à l'image de ses blessures. Comme le vent réussit le pari de créer une cohérence dramaturgique solide entre le romanesque et le politique, entre l'univers intime de cette femme et le contexte fiévreux de l'Italie des années 1990. Pour autant, Marco Simon Puccioni n'entend pas réaliser un film sur la mafia, encore moins un biopic classique sur un martyr de celle-ci ; son ambition est au contraire de partir d'une Grande Histoire, moult fois traitée dans le cinéma italien, vers la toute petite : cette individualité vulnérable et pourtant si puissante qui, sans discours ni arsenal important, combat à sa manière le fascisme et la terreur. Malgré une mise en scène basique, l'actrice principale donne tout son sens à cet enchevêtrement douloureux entre la pression politique et l'infinie souffrance intérieure. Armida Miserere ne cesse de se transformer tant physiquement que moralement : elle passe de la femme douce et aimante à la directrice de prison sans concession, parfois cruelle ; de la veuve éplorée détruite par l'assassinat de son compagnon à la séductrice exhalant l'érotisme qui tente de soulager brièvement à travers le sexe éphémère ; de la forteresse impénétrable que personne n'arrive à cerner à la créature démunie qui sanglote et sombre dans la déprime... De ce fait, il s'agit d'un être lyrique, comme surgi d'une tragédie gréco-romaine, mais plongé dans une temporalité indigne, par trop matérielle pour son caractère foncièrement transcendant «comme le vent» !