Dans une chronique diffusée, dernièrement, sur TSA, Rachid Boudjedra a livré son appréciation sur l'œuvre de Badr'Eddine Mili, en reconnaissant qu'elle a opéré une «rupture profonde avec le roman algérien contemporain» en ce qu'elle apporte à la nouvelle littérature comme vision et comme sensibilité du monde et de l'Algérie. Il écrit notamment : «Badr'Eddine Mili nous avait donné en 2009 un magnifique roman «La Brèche et le Rempart» que la presse avait salué à l'époque, mais dont on n'a pas assez signifié l'importance de la rupture profonde qui le caractérisait par rapport au roman algérien contemporain et passionné de modernité. Ce roman suintait Constantine et sentait Constantine et il apportait à la nouvelle littérature une certaine vision et une certaine sensibilité du monde et de l'Algérie. Un souffle à la fois épique et frôlant l'abstraction. Dans ce roman, le particulier s'adossait constamment au général. C'est-à-dire l'intime fonctionnait grâce au moteur puissant de l'Histoire. Dans le deuxième roman, «Les miroirs aux alouettes», Badr'Eddine Mili ressasse encore Constantine et ressasse cette nostalgie d'un pays rêvé à travers le triomphe de la guerre de Libération. Et là encore et toujours, il y a cette intuitivité du monde et de l'humain que Cirta absorbe et résume d'une façon magique et talentueuse. Dans le dernier roman (de cette trilogie ?) paru cette année «Les abysses de la passion maudite», Badr'Eddine Mili nous propose une lecture de la décennie noire/rouge, c'est-à-dire ces dix ans de calvaire subi par l'Algérie de 1988 à 1998. Une lecture qui se fait à travers le diagramme de la vie ordinaire des gens sidérés par la cruauté islamiste due – certainement – aux ratages de l'indépendance et à la mainmise sur le legs national par une poignée de «salauds». Ainsi à travers la saga d'une famille constantinoise affleure une réalité à la fois abyssale et aérienne. Ce roman ? Un vrai roman comme on n'en a pas lu depuis quelque temps. Jubilatoire !» Venant de Rachid Boudjedra connu pour peser les mots, lorsqu'il s'agit d'évaluer les œuvres des écrivains algériens contemporains, ce commentaire sur les trois romans de Badr'Eddine Mili sonne comme la consécration d'un talent, désormais reconnu par des pairs illustres.