Jeune militant du mouvement national puis membre de l'ALN, Youcef Ould-Lahoucine nous livre une expérience d'une vingtaine d'années au service du combat libérateur. L'antique Mascula et les meilleurs de ses enfants sont mis à l'honneur dans cet ouvrage. Ce récit mémoriel au titre évocateur, Parcours d'un militant de la Wilaya I, Khenchela dans le mouvement national, est publié aux éditions Chihab. Un ouvrage que son auteur qualifie de «modeste témoignage-souvenirs» et qu'il dédie «à l'ensemble des Khenchelis d'ici et d'ailleurs, fidèle reflet d'une époque et d'une région». Autrement dit, Youcef Ould-Lahoucine ne cherche pas à se mettre en avant. L'homme simple et discret ne manque pas de cette qualité qu'est l'effacement de soi, pour privilégier le collectif, les autres. Son parcours, c'est surtout le combat de tous ceux et celles qu'il a connus ou côtoyés. Il les met à l'honneur, sans exclusive, dans son témoignage sur «une époque charnière riche en événements à caractère culture, religieux, associatif, sportif et politique», ensuite sur les années de guerre et la Libération. à cet égard, ce livre est à inscrire comme une contribution à mieux faire connaître l'histoire contemporaine de la région, notamment le passé glorieux de la Wilaya I historique des Aurès-Nemenchas. Le lecteur pourra alors aisément comprendre pourquoi et comment «l'antique Mascula mérite amplement de se parer de l'appellation fort enviable de Khenchela, ville du 1er Novembre 1954. Pour mériter un tel honneur, Khenchela y avait mis le prix» (chapitre V). Youcef Ould-Lahoucine est né en 1925 à Khenchela. Il grandit en même temps que croît et se développe le mouvement national sous ses divers aspects. Il a donc vécu profondément une telle période charnière, puis l'aboutissement logique du processus. Dans le chapitre I intitulé «Le mouvement national à Khenchela», l'auteur nous décrit cette maturation. Il livre beaucoup d'informations sur la ville, les événements et les hommes depuis les années 1930 jusqu'à l'après-8 mai 1945. Parmi les faits marquants, la création, en 1936, «d'une section des Oulémas musulmans d'Algérie». Le courant maraboutique n'était pas en reste. Retour également sur l'implantation, la structuration et les activités des SMA (Scouts musulmans algériens), avec le fameux groupe Erradja de Khenchela. Tout naturellement, Youcef Ould-Lahoucine avait intégré les SMA, une bonne école et qui lui servivra de saine transition vers l'étape politique. Il résume le rôle joué par les SMA par cette belle formule : «Quelques années plus tard, bon nombre de ces jeunes scouts échangeront leurs bâtons fétiches contre les fusils de la liberté». Premiers pas au sein du PPA (Parti du peuple algérien). Il avait été contacté par Brahim Hachani, militant de la première heure et qui «avait choisi les SMA pour terrain de prospection, à la recherche de nouveaux militants, au profit du PPA, alors en pleine structuration à Khenchela». Et de rappeler que le regretté Brahim Hachani «a été incontestablement et sans réserve, celui qui a introduit le courant révolutionnaire du PPA à Khenchela et sa région». L'auteur revient, ensuite, sur l'action des AML (Les amis du manifeste de la liberté) et sur l'organisation de la manifestation du 8 Mai 1945 à Khenchela. Comme ailleurs, l'après-8 Mai 1945 signe la fin de ce «front» politique : «Avec la création de l'UDMA par Ferhat Abbas, et le MTLD par le PPA, chacun s'est remis à prêcher pour sa ‘‘zaouïa'', à la grande satisfaction de l'administration coloniale.» C'est notamment le cas lors des élections législatives. «Ce chacun pour soi durera jusqu'à l'avènement de l'historique Congrès de la Soummam, lequel verra le chahid et grand fédérateur Abane Ramdane et ses valeureux compagnons refaire l'unité d'action de nos masses populaires, dans les rangs de l'ALN-FLN», écrit-il. Durant cette période, le jeune Youcef milite au sein du MTLD. à la fin de sa scolarité, lui aussi n'avait d'autre issue que «l'émigration ou l'armée». Il choisit de partir en France. Début 1957 et après quatre ans d'exil, Youcef Ould-Lahoucine est enfin de retour à Khenchela. Il avait «manqué le grand rendez-vous historique du 1er Novembre 1954», ce qu'il regrette beaucoup. Ce n'est que partie remise car, sitôt débarqué, il rejoint l'ALN quelques jours après. La vie dans les maquis est racontée dans le chapitre intitulé «Dans le bastion des Aurès». Il avait été affecté au PC de la région V de Tamza, territoire qui «correspondait à celui de l'actuelle wilaya, moins Kaïs et ses environs». L'action armée, elle, commence avec l'embuscade de Hammam Essalhine, se poursuit avec «le harcèlement de la ville de Khenchela» (avril 1958)... Elle s'achève avec l'accrochage d'El-Izar. Il fut criblé par des éclats d'obus au cours de cette opération ennemie de grande envergure. L'œil droit était touché et son bras gauche saignait abondamment. Encore un rendez-vous raté avec la mort. Après moult péripéties, il est chargé de conduire une mission à risques, en empruntant la filière du grand Sud. Arrivée à Thala (Tunisie) via Tozeur. Vu son état («œil droit énucléé»), il est évacué vers Tunis pour une meilleure prise en charge médicale. Youcef Ould-Lahoucine relate avec enthousiasme son séjour en Tunisie, avec force détails : les médecins et responsables de santé, le centre de transit de Bab Souika, l'hôtel El-Ayachi, etc. C'est à Tunis qu'il a vécu la proclamation officielle du cessez-le-feu, le 19 mars 1962. Il évoque avec émotion la fièvre du départ qui s'était emparée de ses compatriotes. Après son retour, il contribue à la création de l'ONM (Organisation nationale des moudjahidine). Youcef Ould-Lahoucine fera carrière dans l'administration hospitalière. Hocine Tamou Youcef Ould-Lahoucine, Parcours d'un militant de la Wilaya I, Khenchela dans le mouvement national, éditions Chihab, Alger 2015, 144 pages, 650 DA.
