Par Malika Boussouf [email protected] Il est des jours comme ça où lorsque faire un tour en ville devient désespérant d'ennui, je conseille de tourner les talons et, plutôt que de courir les magasins, d'aller se perdre au cœur de quelques-unes des librairies qui restent dignes de ce nom. A l'avenue Pasteur, au numéro 1, l'Anep a inauguré il y a quelques mois un bel espace consacré aux amoureux de la littérature. A ceux qui n'ont pas renoncé à côtoyer les livres pour de vrai. Des lieux de rencontre où les auteurs dans leur quête de contact direct viennent se raconter et conter le temps consacré à l'écriture. La librairie dont je vous parle porte le nom de la première femme tombée au champ d'honneur en 1954. Elle est morte à l'âge de 26 ans, les armes à la main, aux côtés de Badji Mokhtar, à Mdjez Sfa, du côté de Souk Ahras. La librairie, moderne, aux murs et aux boiseries blanches qui renvoient une lumière généreuse, a été baptisée au nom de Chaïb Dzaïr. Le sourire accueillant du personnel explique pourquoi auteurs, conférenciers et autres membres d'associations sollicitent l'espace et y officient trois fois par semaine en même temps que des ventes-dédicaces y sont organisées. La librairie Chaïb-Dzaïr existait depuis 8 ans déjà en tant qu'espace destiné aux livres mais sous un autre nom : El Rachidia ! Fermée pour des travaux pendant 15 mois, le décor a été revu avec goût et les rayonnages, riches en ouvrages de qualité, invitent à parcourir les titres et à questionner sur ceux qui n'y sont pas encore. Donner au nouveau visage de la librairie un nom de femme, et pas n'importe laquelle, en confier la direction à une femme dont la responsable est, elle aussi, une femme, directrice de l'édition au niveau de l'Anep, voilà ce qui arrive quand on a le talent requis pour bien penser les choses. C'est comme ça qu'à des petits coins de rue, on a la surprise de croiser des univers qui réconcilient avec la quasi-indigence culturelle régnante. Cette culture qui prend de plus en plus couramment ses jambes à son cou. Heureusement, il y en a qui maintiennent sous perfusion une histoire en pathétique régression.