Cette semaine, nous allons escalader les hautes montagnes des Aurès pour découvrir un village pittoresque qui sort tout droit d'un vieux conte de fées. C'est dans cette bourgade d'une centaine d'habitants à peine, que nous avons dégusté cette variante de l'incontournable plat traditionnel de la région, appelé là l'aïch. Avec une certaine appréhension de monter tout en haut de la montagne à travers des sentiers sinueux, on finit tant bien que mal par arriver à la très modeste maison de nos hôtes. C'est une vieille maison en pierre, construite sur un terrain accidenté. Au seuil de la porte nous attendait un vieux bout de femme au visage rayonnant de santé. Elle devait avoir au moins soixante-dix ans, elle dévala le petit chemin rocailleux qui menait à la maison où elle nous conduisit et nous fit entrer dans une grande salle. Tous les membres de la famille, des plus grands aux plus petits, étaient présents, assis en cercle à même le sol sur des tapis en laine multicolores. Notre entrée fut remarquable et tous les enfants accoururent à notre rencontre, nous débarrassant de nos bagages et autres effets qui nous encombraient. On nous installa alors confortablement sur des matelas en laine moelleuse et d'un geste enchanteur, la salle se vidaen nous laissant seuls afin de nous permettre de nous reposer de notre fastidieux périple, chose que nous fîmes sans plus tarder. Pendant notre repos «forcé», les femmes de la maison s'affairaient à préparer le dîner, le fameux berkoukes bel qeddid, cette viande séchée que les habitants de la région préparaient et conservaient pendant toute une année et qu'ils ressortaient pour des occasions particulières. Cette tradition culinaire était pratiquée depuis plusieurs générations par les autochtones et a été perpétuée de mère en fille. Il serait inconcevable et inhabituel que l'on ne trouve pas cette denrée dans les foyers aurésiens, surtout pendant la période hivernale. De nos jours, les plus jeunes femmes se débrouillent toujours pour s'en ravitailler lorsqu'elles se rendent au bled et s'en félicitent lorsqu'elles reçoivent leurs invités et leur présentent leurs plats accompagnés de cette viande. Après que nous nous fûmes reposés, le dîner nous a été servi de la manière la plus traditionnelle, dans une grande jafna en bois massif, piquée en cercle de cuillères en bois. Un grand pichet en terre cuite rempli de lait de chèvre caillé accompagnait le plat fumant qui trônait en maître sur la table basse ronde qui remplissait la pièce où nous nous trouvions. Alors, chacun de nous se saisissait de l'ustensile qui lui était destiné et sans aucune retenue, le plongeait dans cette sauce épaisse et onctueuse aux senteurs fortes et enivrantes. Ingrédients : 350 g de berkoukes roulé main (petits plombs de semoule), 1 ou 2 morceaux de qeddid (viande de mouton séchée), 1 bonne poignée de fèves sèches trempées la veille, 2 oignons moyens, 2 tomates bien mûres, 1 petit navet, 1 petite pomme de terre, 3 gousses d'ail, 1 poignée de fermas (abricots séchés), 2 à 03 piments forts, 4 c. à s. d'huile végétale, 1c. à s. de smen, 1/2 c. à c. de ras el hanout, 1 c. à c. de paprika, 1 bouquet de coriandre, sel/ poivre. Préparation : Commencer par préparer le berkoukes. Mettre les plombs dans une sahfa (grand plat creux) puis mouiller avec un verre d'eau. Laisser les pâtes absorber puis les enduire d'un filet d'huile, bien mélanger puis réserver. Dans le bas du couscoussier, mettre les morceaux de viande séchée, les fèves séchées, les oignons émincés. Faire revenir le tout avec le smen puis ajouter les gousses d'ail écrasées. Mouiller avec deux litres d'eau tiède dans lesquelles on aura dilué le concentré de tomates et laisser cuire à couvert pendant une trentaine de minutes. Mettre les plombs dans le couscoussier et les faire cuire à la vapeur une première fois. Lorsque la viande est cuite, ajouter tous les légumes coupés en petits dés, les piments, la coriandre ciselée et les épices sans trop forcer sur le sel et remettre sur feu. Lorsque la sauce est prête, y plonger le berkoukes et laisser cuire pendant une vingtaine de minutes sans laisser la sauce se réduire. Au moment de servir, parsemer de feuilles de coriandre ciselées et arroser d'un filet d'huile d'olive.