La complexité de la situation qui prévaut au Sahel a contraint certains pays limitrophes à prendre des mesures d'urgence pour faire face aux dangers qui menacent leurs frontières. Comme la Mauritanie, l'Algérie vient ainsi de décréter certains passages vers son territoire zones militaires. Abla Cherif – Alger (Le Soir) - Le puzzle se met progressivement en place. Tout commence le 15 juillet dernier lorsque le ministère de la Défense mauritanien publie un communiqué annonçant la fermeture de ses frontières avec l'Algérie aux civils. Le ton est ferme et les contrevenants à cette mesure informés que les soldats mauritaniens ont reçu ordre d'ouvrir le feu sur quiconque entravera les directives. Les bandes frontalières avec l'Algérie sont officiellement décrétées zones militaires. L'information ne passe pas inaperçue. Elle surprend d'abord puis donne lieu à diverses interprétations. La plus répandue attribue cette décision à une conséquence des résolutions prises lors du récent G5 abrité par Bamako. Cinq pays du Sahel (la Mauritanie, le Tchad, le Mali, le Niger et le Burkina Faso) se sont réunis début juillet dans la capitale malienne pour concrétiser le projet de mise en place d'une force africaine destinée à lutter contre les groupes terroristes qui gangrènent la région. Les pays concernés se sont engagés à déployer 5 000 hommes appelés à œuvrer conjointement avec les contingents français mobilisés dans le cadre de l'opération Barkhane. A Bamako, le G5 s'est déroulé en présence du Président français qui a entamé son mandat en activant particulièrement pour peser de tout son poids sur toutes les démarches entreprises dans la région. Le Sahel est la proie de groupes terroristes qui inquiètent les Etats limitrophes mais aussi la rive occidentale. L'activisme français se fait particulièrement remarquer. Conscient de l'échec de l'opération entreprise dans le Nord-Mali, Macron est, dit-on, en quête d'une nouvelle stratégie passible de repositionner son pays dans la région et œuvre de ce fait sans relâche pour «aider ses amis africains». Dans ce contexte, Alger apprend donc la décision mauritanienne sans la commenter. Elle ne semble pas non plus prêter attention aux interprétations qui en découlent. A l'inverse, les autorités mauritaniennes tiennent à expliquer leur geste. Sur son site, le ministère de la Défense mauritanien, dans un communiqué informe que la mesure fait suite à la densité du trafic des contrebandiers et qu'elle concerne y compris les frontières maliennes. Le puzzle prend ainsi forme. La Mauritanie a réagi pour contrer un phénomène dénoncé quelques jours plus tôt par de hauts responsables algériens. Ces derniers ont tenu à alerter l'opinion sur l'existence de réseaux chargés de «trafic humains» à l'origine du flux migratoire qu'enregistre le pays. Une activité qui leur permet de faire passer armes, drogues et autres marchandises de ce genre sur les territoires où ils opèrent. «Ne soyons pas naïfs, aucun être humain n'est en mesure de traverser le désert du Tanezrouft (Mali) ou Arg Echach (Mauritanie) sans être encadré, pris en charge par des professionnels. Or, il se trouve que ces réseaux sont ceux-là mêmes contre lesquels l'Algérie est en lutte. Les laisser faire sous couvert d'aide humanitaire à des réfugiés en détresse c'est ouvrir la porte à un désastre. L'Algérie détient des noms de passeurs, elle est informée de la manière dont ils agissent et des conséquences du trafic humain opéré. Fermer les yeux sur de tels procédés est impensable car ils mettent en danger la Nation. Tous les initiés, ceux qui suivent de près ce qu'il se passe dans la région savent également que les migrants traversent des frontières contrôlées par les soldats français. Tous les mouvements se déroulent sous leurs yeux s'ils le voulaient, ils pourraient l'en empêcher», soutiennent des sources bien au fait de la situation. Face à l'ampleur du phénomène de migration que le pays enregistre, les responsables algériens décident de passer à leur tour à l'acte. Des mesures concrètes sont prises pour contrôler la situation. Une information rapportée mercredi par le quotidien arabophone El-Khabar annonce le déploiement de 3 000 militaires algériens supplémentaires aux frontières algériennes avec le Mali et le Niger. Elles visent à stopper l'immigration clandestine en provenance du Subsahara. Toutes les régions y afférentes sont décrétées zones militaires. Les nomades qui peuplent ces territoires ont été informés de la nécessité de se doter d'un laissez-passer en cas de déplacement nécessaire, indique la même source. «Il y a une différence entre les réfugiés qui seront traités au cas par cas et l'immigration clandestine porteuse de tous les dangers que nous avons évoqués avec de surcroît l'infiltration terroriste», poursuit notre source en confirmant la nouvelle situation prévalant dans le Sud. Ces mesures d'exception ont été décrétées au moment où un communiqué du ministère de la Défense fait savoir que des exercices à balles réelles ont eu lieu du côté de Djanet, non loin des frontières algéro-libyennes. Là où des informations persistantes font état de présence de camps terroristes...