La rencontre très attendue de Saïd Sadi au TRB pour la présentation de son dernier livre consacré à Cherif Kheddam Abrid iggunin ou le chemin du devoir jeudi dernier à l'initiative du Café littéraire de Béjaïa s'est finalement tenue malgré l'interdiction de l'administration qui a exigé des organisateurs l'introduction d'une demande d'autorisation préalable. La détermination du Café littéraire qui a formellement refusé d'introduire une demande d'autorisation pour permettre la tenue de ce rendez-vous a fini par payer grâce à la forte mobilisation citoyenne observée à l'appel des organisateurs pour «le respect des libertés». C'est dans une salle pleine comme un œuf avec la présence de militants politiques, des animateurs du mouvement associatif et de nombreux artistes que ce rendez-vous avec l'ancien président du Rassemblement, programmé depuis avril dernier déjà par le Café littéraire de Béjaïa, a eu lieu. A l'ouverture de la conférence, ses initiateurs sont revenus sur les multiples pressions et le problème des autorisations auxquelles se heurtent les associations pour l'organisation et l'animation des conférences en citant notamment le dernier exemple du Café littéraire d'Aokas lors de la rencontre violemment réprimée de Ramdane Achab. Kader Sadji, l'un des animateurs du Café littéraire de Béjaïa, a plaidé dans son intervention pour «le retour au régime déclaratif». Intervenant au nom du Café littéraire de Béjaïa, ce dernier juge «déraisonnable» de demander une autorisation pour organiser une rencontre avec un auteur autour de son livre tout en proposant une simple demande d'autorisation auprès du responsable de l'institution devant accueillir l'activité. Dans la foulée, l'animateur du Café littéraire de Béjaïa s'est interrogé sur les réelles motivations de la fermeture de la nouvelle bibliothèque de wilaya aux activités non officielles et la maison de la culture, fermée aussi, selon lui, à toute créativité et à tout débat d'idées. Le Café littéraire de Béjaïa a appelé aussi à la création d'un comité contre la censure. Prenant la parole pour la présentation de son livre dédié à Cherif Kheddam, Saïd Sadi a, d'emblée, tenu à réaffirmer son soutien au combat du Café littéraire de Béjaïa. «Je veux apporter à l'occasion ma part de solidarité et d'engagement dans la lutte que mènent toutes les associations dont le Café littéraire de Béjaïa est l'une des plus emblématiques», a déclaré l'ancien président du RCD. Evoquant l'exigence pour la deuxième fois de l'administration aux organisateurs d'une autorisation pour la tenue d'une telle rencontre avec Saïd Sadi, le conférencier qualifie l'attitude des autorités d'«allergie à toute forme d'expression autonome». Dans les débats, Saïd Sadi a déclaré que son retrait de la vie partisane ne doit pas être assimilé à un renoncement à la vie citoyenne ni à la vie publique. Citant le cas de son projet de création d'une fondation dénommée Afud (Analyse, formation, unification, développement) qui, signale-t-il, «reste bloqué par l'administration», Saïd Sadi a fait savoir qu'il compte porter l'affaire devant la justice. «Je n'ai pas demandé un centime à l'Etat mais on m'a bloqué. On m'a obligé à porter l'affaire devant la justice. Je vais profiter ainsi de l'occasion pour lancer le débat sur la loi sur les associations, qui bloque l'initiative citoyenne», a-t-il expliqué. Pour Saïd Sadi, tous ces blocages font que les Algériens vivent «une semi-liberté». «On a réussi à vaincre l'une des plus puissantes armées du monde mais on est toujours des semi-libres dans notre pays. La preuve est que cette rencontre a failli ne pas avoir lieu ; on est supposé vivre libre depuis 1962 mais on est encore incapable de construire un Etat où l'arbitre est le citoyen qui contrôle le pouvoir, et éventuellement l'alternance au pouvoir», a indiqué sur sa lancée Saïd Sadi. Questionné sur les mouvements autonomistes, indépendantistes ou fédéralistes (les Etats unis d'Algérie), Saïd Sadi dit ne pas avoir de préjugés même si indirectement, l'ancien président du RCD n'a pas manqué de critiquer «sa démarche actuelle» sans citer le MAK : «Pour moi, toute idée est digne de considération. Ce qui pose problème, c'est lorsqu'elle devient un dogme en interdisant le débat contradictoire. Quand le débat est interdit, ça devient problématique. C'est la pire des choses. Maintenant je pense que l'autonomie, le fédéralisme, des Etats unis, l'indépendance, ça se débat ! Mais on débat d'abord sur les fondements, etc. les référents symboliques viendront bien après», a soutenu dans ses réponses Saïd Sadi. Interrogé sur le dernier remaniement avec le retour d'Ouyahia, tout en faisant observer au passage que cela fait longtemps qu'il ne regarde plus ce qui se passe dans le régime, Saïd Sadi a estimé qu 'il faut apprendre «à réfléchir sur la longueur sans oublier le conjoncturel». «Je sais très bien que vous aimeriez qu'on parle des polémiques. Pourquoi ils ont ramené untel et enlevé un autre, c'est l'écume des jours mais pas la houle de fond», a soutenu Saïd Sadi avant de clore sa conférence sous un tonnerre d'applaudissements. Par ailleurs, la LADDH a également apporté son soutien au rassemblement du Café littéraire de Béjaïa. Dans une déclaration, la LADDH exige «le respect des libertés démocratiques et le retour au régime déclaratif ; pour tout ce qui est de l'exercice des droits d'association, d'organisation et de manifestation publique». Tout en exprimant sa solidarité avec le CLB, la LADDH appelle la société civile à faire «sienne ces revendications et à se mobiliser pour sauvegarder les acquis démocratiques arrachés de hautes luttes et s'organiser dans le strict cadre pacifique pour exiger l'avènement d'une démocratie effective respectueuse des droits et des libertés».