A chaque ébullition sociale qui pointe à l'horizon, ou à chaque action de rue qui prend au dépourvu les autorités, souvent incapables de répondre franchement aux revendications sociales, ces dernières se perdent en conjectures. Et pour expliciter leur manque de vision, elles dissertent sur les vertus du dialogue tout en battant le rappel des troupes pour alerter à l'unisson, contre «un complot qui vise l'Algérie». Le rôle a incombé, cette fois-ci, au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique qui évoque en des termes quasi-poétiques, «un dialogue arbitré par la raison», seul à même, selon lui, de prémunir l'institution universitaire, et par extension le pays, des «tentatives de déstabilisation». À Mila, samedi, comme hier à Alger, Abdelkader Hadjar ne s'est pas contenté d'accuser «certaines parties» qui tentent de faire bouger les étudiants, mais estimera que leur mouvement «n'était pas innocent». L'on comprend aisément que le ministre vise en premier lieu les partis politiques en précisant d'ailleurs que ces tentatives surviennent «à l'approche des échéances électorales». Les revendications des étudiants en pharmacie, arrêtés par les services de sécurité, mercredi, devant l'APN, ou celles des résidents de la cité Revoil, en grève depuis le 5 janvier, qui réclament l'amélioration des conditions d'hébergement «ne sont pas saines pour autant», aux yeux de Hadjar pour qui, il y a sûrement manipulation dans l'air qui recommande, donc, la plus extrême vigilance. Une autre réunion est convoquée aussi pour aujourd'hui pour désamorcer une autre «bombe sociale» que prépareraient les syndicats autonomes qui ont prévu des rassemblements régionaux pour le 28 janvier en vue de protester contre les dispositions de la loi sur la retraite aujourd'hui effective puisqu'elle a été publiée au Journal officiel, et par la même occasion, réitérer d'autres revendications comme l'amélioration du pouvoir d'achat des Algériens mais surtout le droit de participer à l'élaboration du nouveau code du travail. C'est d'ailleurs à une «journée d'information sur le monde du travail» qu'ils sont conviés, aujourd'hui, par le ministre du Travail, de l'emploi et de la Sécurité sociale, Mohamed El Ghazi, qui tente de montrer sa bonne foi et sa disponibilité à engager un dialogue serein avec l'intersyndicale. Bien qu'elle ait décidé de surseoir à ses actions de rue, cette entité a accepté de rencontrer le ministre, mais sans trop de conviction. «On nous a méprisés lors de l'élaboration du projet de loi (sur la retraite) et voilà qu'ils nous méprisent une nouvelle fois en nous invitant à débattre pour... rien», estiment les syndicats à la veille de la rencontre. S'ils y vont c'est pour éviter d'être le «bouc émissaire» des autorités qui les auront accusés de refermer eux-mêmes les portes du dialogue qui leur sont grandement ouvertes. Ça repart concrètement du mauvais pied tant les intentions ne sont pas clairement exprimées. Les deux camps «revendiquent» pourtant un dialogue sincère. Il y a autant de raisons pour l'enclencher loin de tout soupçon.