Le spectre de l'abstention hante plus que jamais les esprits des responsables politiques du pays qui, eux, planent au-dessus de toutes les institutions de l'Etat auxquelles ils enjoignent de prêcher la bonne parole. Face à la «démission collective» constatée par tous, partis en lice compris, sauf peut-être Ould Abbès qui jure que le taux de participation sera de 50% ou plus, les hautes autorités mobilisent à grande échelle les mosquées, l'administration locale et même «les élus» qui doivent tous expliquer à l'unisson que le scrutin du 4 mai prochain est vital pour l'avenir de l'Algérie. «Ce scrutin est le ‘'djihad moderne'' grâce auquel cessera l'ingérence étrangère», claironnait «religieusement» un imam lors du prêche de vendredi en présence du ministre Mohamed Aissa. «La meilleure voie à même de préserver les acquis de sécurité et de stabilité (…) est l'accomplissement par le citoyen de son devoir électoral», rappelle pour sa part le ministre de l'Intérieur, car, comme l'affirmait le premier ministre Abdelmalek Sellal depuis Oran, cet acte est «l'expression du haut sens d'éveil politique». Ces quelques «perles» illustrent, sinon l'affolement généralisé, du moins la dégénérescence du discours politique de nos gouvernants, empreints de démagogie et de calculs. S'il est vrai que les autorités sont dans leur rôle qui leur dicte l'impératif de réussir «par tous les moyens possibles» ce rendez-vous, le cas échéant, des «têtes vont tomber», les partis politiques en course n'ont pas, eux aussi, lésiné sur les «arguments» pour amener les électeurs à s'acquitter de leur devoir. Il y a même ceux qui, comme Benyounès, sont allés jusqu'à proposer le vote obligatoire. Pour d'autres, l'essentiel est de mettre l'enveloppe dans l'urne, «même sans bulletin». L'isoloir de la réalité implacable du terrain abandonné, miné par le pourrissement et la propagande en tout genre, a fait qu'aujourd'hui, le citoyen se désintéresse totalement de l'action politique. Désorienté, sans repères, dépolitisé par des années de terrorisme et de vide culturel et politique abyssal, il ne croit qu'aux choses palpables. Même pas aux promesses conjoncturelles qu'il a entendues, à force, se répéter comme les mécaniques d'une montre, à déjouer les desseins de leurs auteurs de tous bords et de tout poil, et ô combien nombreux ! Pour espérer le remobiliser, c'est carrément un changement radical qu'il faut opérer dans les mœurs et la pratique politique en Algérie. Des pistes ? Ce n'est pas ce qui manque : laisser s'exprimer en toute liberté une jeunesse débordante d'idées, permettre la création d'associations ou de syndicats dans tous les domaines ou faire confiance au citoyen en l'accompagnant tout simplement dans sa démarche de «recouvrement» de sa souveraineté.