«Je préfère le vin d'ici à l'eau de là!» Francis Blanche «Et si l'on commençait par vider les piscines pour remplir les baignoires?» C'est en effet, vital pour une population astreinte aux cinq ablutions, et c'est le slogan que semblent promouvoir ceux qui ont dénoncé dans la presse, le comportement d'un satrape local qui a eu l'impudence de détourner des mètres cubes de ce précieux liquide sans lequel la terre ne serait qu'un désert aride. Pour le citadin dont la mémoire est infidèle, c'est un produit d'une grande banalité: incolore, inodore et sans saveur! Le quotidien tue le merveilleux et déprécie toute chose: ainsi, il peut paraître banal à une ménagère d'ouvrir le robinet et de voir le précieux liquide s'écouler sans réaliser la magie du geste. Peu de gens, qui contemplent la majesté d'un jet d'eau qui meuble un espace, peuvent se rendre compte du chemin parcouru, et par l'esprit humain qui est arrivé à dompter cette force de la nature, et par cette eau qui vient du fin fond des montagnes et vient mourir en ville après un cheminement mystérieux. Quand on songe que la première préoccupation de n'importe quel groupe humain, est de s'établir à proximité d'un cours d'eau, d'un lac ou d'une source pour camper ou édifier un village! Quand on pense au calvaire de certaines populations dont les femmes et les enfants passent le plus clair de leur temps à chercher de l'eau, à faire des va-et-vient entre le puits et la tente, la fontaine et la maison! Quand on réfléchit aux travaux titanesques qu'ont entrepris certaines civilisations pour amener cette source de vie des montagnes vers les palais, les maisons, les champs ou les jardins! Que de canaux, que de foggaras ont été creusés pour acheminer cette précieuse richesse! Que de barrages ont été édifiés, pour la retenir, pour l'épargner, l'économiser! Que de conflits pour s'assurer son contrôle! Les prochaines guerres, nous dit-on, seront dans les pays de la soif et de l'eau rare! L'eau est une richesse naturelle dispensée par la divine providence aux êtres vivants et pourtant, la grande majorité des populations du Sud ou de la montagne n'ont pas accès à l'eau potable! A quelques kilomètres du barrage de Taksebt, des villages vivent le martyre de la canicule. L'organisation d'une journée de l'eau dans les pays de la soif est là pour attirer l'attention de tout un chacun sur le précieux liquide: le citoyen pour son utilisation, le gouvernant pour les mesures à adopter et les politiques à suivre. L'Algérie s'efforce, depuis des années, d'améliorer le réseau de distribution de l'eau potable; dans les années 1980, il n'était pas rare pour certaines cités de connaître des coupures d'eau de deux mois et plus. Ce phénomène répété à l'infini a contribué à développer l'industrie de la citerne et gâcher le paysage urbain. Les diverses institutions impliquées dans la gestion de l'environnement n'ont pas cessé de sensibiliser le citoyen quant à l'utilisation de l'eau, dont la facture ne cesse de grimper de concert avec celles de l'électricité et du téléphone. La nature montagneuse du nord de notre pays favorise la planification et l'édification de barrages: toutes les gorges profondes sont autant de réceptacles et peuvent abriter des barrages dans leurs vallées encaissées. Chaque oued doit bénéficier d'une station d'épuration pour recycler les eaux usées. Les industries polluantes elles-mêmes doivent être équipées de stations de traitement des eaux. Le dessalement de l'eau de mer qui constitue au demeurant une solution moins onéreuse semble prendre une place prépondérante dans les plans des gouvernants. L'intérêt des groupes étrangers et leur concurrence acharnée pour la gestion de l'eau donnent un avant-goût des futurs défis qu'aura à relever l'Algérie pour retrouver la pleine maîtrise de ses richesses sans avoir à hypothéquer ni son indépendance ni les intérêts d'une population aux revenus modestes.
