En fait, depuis près d'une décennie, la région subit plusieurs jours le diktat des groupes terroristes et du banditisme organisé. Le terrorisme vient de frapper encore en Kabylie. Cette fois-ci, il frappe fort en ciblant un touriste étranger. Le phénomène a commencé il y a une décade en 2005. A ses débuts, il ne visait que les nationaux, généralement les investisseurs, des entrepreneurs, des commerçants et leurs enfants. Aujourd'hui, après une dizaine d'années, sans que l'Etat ne puisse juguler le fléau, des étrangers sont victimes de ces hordes qui ont pu tisser des liens avec le terrorisme international et le banditisme transfrontalier. Bien que les ramifications internationales de ce phénomène sont maintenant établies, il n'en demeure pas moins que les populations de la région où le touriste français, Hervé Gourdel, a été enlevé avant-hier ont exprimé leur profonde tristesse que leur localité soit citée dans cette affaire. En fait, sur tout l'axe englobant le Parc national du Djurdjura qui s'étend sur toute la frontière des wilayas de Tizi Ouzou et Bouira, les citoyens contactés étaient surpris de la tournure des événements. «Je n'ai pas entendu parler de la venue de ce touriste. Personne d'ailleurs ne l'a vu ou aperçu» témoigne un villageois des Ouacifs. C'est également le même son de cloche du côté Est, à Aït Ouabane où les citoyens se disaient surpris et n'ayant pas eu connaissance de la présence d'un touriste dans la région. La désolation était apparente d'ailleurs sur tous les visages, car la population était déjà lasse des actes terroristes qui étaient perpétrés à maintes reprises dans les environs. «De toute façon, les terroristes ont toujours agi quand ils veulent. Ils kidnappent, ils dressent des faux barrages et commetent des attentats depuis plusieurs années» affirme un autre villageois de Béni Yenni. Les mouvements de terroristes sont depuis plusieurs années signalés dans les parages. Des citoyens attestent de leur présence. En effet, dans cette région trop proche d'Aït Ouabane, les citoyens ont encore en mémoire l'attentat sanglant qui a visé un convoi de l'armée au lieudit La carrière. En effet, dans cette attaque perpétrée par un groupe composé de plusieurs dizaines de terroristes, 11 militaires ont péri lorsqu'une bombe a explosé au passage du bus qui les transportait. Cet attentat meurtrier a été perpétré juste avant l'été, le 19 du mois d'avril dernier. En fait, depuis près d'une décennie, la région subit plusieurs jours le diktat des groupes terroristes et du banditisme organisé. Ce sont en tout 82 citoyens parmi eux des entrepreneurs et des commerçants qui sont passés en captivité. Le record absolu en matière de kidnapping jamais égalé par d'autres contrées. Certains ont dû verser des rançons avant d'être libérés alors que d'autres ont été relâchés après une mobilisation des citoyens qui ont décidé de s'autodéfendre. Après une emprise totale qui a vu des citoyens payer la rançon dans le silence absolu, les populations se sont élevées pour dire basta. Cette résistance a commencé à Iflissen lorsque les villageois ont catégoriquement refusé de payer la rançon réclamée par le groupe qui a kidnappé un vieux commerçant du village. Les villageois des communes limitrophes, à l'exemple de Mizrana et Tigzirt, se sont joints à la vague de refus d'Iflissen durant plusieurs semaines. Le commerçant sera enfin libéré par les ravisseurs qui ont vu le refus catégorique des populations comme une menace sérieuse pour leur commerce macabre. Le refus des citoyens de céder au chantage des groupes armés qui écument la région n'a pas toujours eu le résultat escompté. D'autres victimes enlevées ont été tuées par les ravisseurs. C'est le cas de l'entrepreneur Slimana Hand qui a reçu plusieurs balles de ses ravisseurs qui l'ont abandonné gisant dans son sang. Il succombera à ses blessures quelques jours plus tard à l'hôpital. Après une large mobilisation des populations, son cousin enlevé sera, lui, relâché. En fait, cela fait longtemps que la connexion entre les groupes terroristes et le crime organisé est établie. Les bandits organisés en groupes ont fait régner la terreur à travers les villages et les routes. Des faux barrages, des rackets et des descentes nocturnes dans les commerces ont été quotidiennes. Des citoyens se sont fait délester de leurs biens par ces bandes de malfrats. Enfin, il y a environ une année, les groupes terroristes ont subi des coups de boutoir incommensurables. La plupart des groupes activant dans les massifs forestiers de la région ont été décapités. Plusieurs émirs sont tombés dans la trappe et ont péri. Ainsi, après que l'étau se soit resserré sur le reste des groupes, une accalmie s'est installée laissant régner la quiétude parmi les populations. La forte présence des services de sécurité a fait reculer le terrorisme et le crime organisé. Mais hélas, cela n'a pas duré longtemps. Cet été a été marqué par des attentats qui ont ciblé les convois de l'armée. Les agressions se sont multipliées signant le retour en force du crime organisé. Plusieurs citoyens ont été assassinés par des bandes écumant les villages les plus reculés. Les forces de sécurité étaient présentes en force hier dans la région où se déroulait une vaste opération de ratissage pour retrouver la victime, Hervé Gourdel. Des citoyens de la région faisaient état de la forte présence militaire et l'utilisation de moyens aériens. Des citoyens de la région espéraient que l'Etat mette une bonne fois pour toutes fin à ce phénomène qui n'en finit pas de se développer. Longtemps après que ces groupes terroristes aient affirmé leur allégeance à Al Qaîda au Maghreb islamique sous le sigle du Gspc, ces derniers se sont mutés en une autre dénomination, Jund El Khalifa et expriment également une autre allégeance à l'EI. Des enjeux qui dépassent de loin la toute petite localité d'Aït Ouabane.