«Tout suffocant Et blême, quand Sonne l'heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure». Paul Verlaine Chaque rentrée scolaire amène inéluctablement un débat qui occupera momentanément les esprits des décideurs, des pédagogues, des parents d'élèves... En un mot, une bonne partie de la société, celle qui est consciente, bien sûr, des enjeux de ce secteur important qu'est celui de l'enseignement, va participer le temps des chutes des feuilles d'automne, à ces échanges d'idées émises sur tous les supports canaux médiatiques et par les canaux des institutions et associations concernées. L'école fondamentale ayant lamentablement échoué dans son projet de former des patriotes idéaux dans un environnement peu favorable à cela, puisque l'orientation politique a tourné le dos aux promesses d'un certain 1er Novembre. C'est la raison pour laquelle, chaque rentrée est l'occasion pour ses dirigeants de faire étalage des réformes en études ou en cours et de promesses encourageantes. Attendons pour voir si la nouvelle école que l'on nous promet saura former des citoyens dont le pays a urgemment besoin. Car la question essentielle est de savoir si l'on arrivera à atteindre la qualité de l'enseignement que nos pères et nos aînés ont connue quand le diplôme local ouvrait les portes de l'emploi à tout heureux titulaire, sans intervention ni complaisance. Car, à présent, tout adolescent ne rêve que d'une chose: avoir des ailes et partir. Et c'est là que l'on s'aperçoit que l'on a été dupé: les responsables dont les enfants ont le privilège d'étudier à l'étranger ont tout fait pour que les diplômes algériens, à l'instar du dinar, ne soient point convertibles ailleurs. Et à chaque rentrée, je me demande si les enfants innocents qui sont tendrement accompagnés de leurs parents émus, garderont un quelconque souvenir de ces années passées à apprendre des choses qui peut-être ne leur serviront pas... Je me demande même s'ils garderont le même souvenir que celui que nous gardons nous-mêmes au creux de notre nostalgie. Il est vrai que nous avons vécu à une drôle d'époque, celle où nous ne nous posions pas de questions sur notre identité puisque la nôtre était indiscutable. Seul le désir d'arracher des connaissances dans un environnement où la mort était tout le temps présente nous guidait. Le fils du pauvre était, pendant ces années où l'école laïque et publique, ne voulait former que ceux qu'elle voulait former et à des niveaux qui étaient souhaités par l'économie coloniale, le modèle-type de l.'indigène qui voulait échapper au statut de «journalier», qui correspond parfaitement à celui qui travaille aujourd'hui dans l'informel, sans couverture sociale et dans la clandestinité. Nous nous sentons, aujourd'hui privilégiés d'avoir eu des enseignants de qualité, algériens ou métropolitains, ils arrivaient grâce à des acrobaties de pédagogie à ne pas nous parler de la guerre et que nous étions, eux plus que nous, en plein dedans. L'enseignant de cette époque possédait des outils pédagogiques assez subtils: il cherchait à connaître la personnalité de chaque élève de sa classe et Dieu sait que chaque tête brune ou blonde avait un caractère particulier qui, s'il n'était pas encore bien affirmé, possédait déjà l'ébauche de l'adulte à venir. Un instituteur accompli est avant tout un psychologue. Le nôtre (celui du cours moyen 2e année) formé à l'école pratique de la IIIe République (française bien sûr), était attaché à la méthode Freinet. Il nous initia à «l'école buissonnière» et introduisit des rudiments de démocratie dans la gestion des cours. Et le trait essentiel, était qu'il savait faire naître l'intérêt pour les cours, dans les esprits les plus imperméables à l'apprentissage.