Affirmant que tous les pays d'Afrique ont besoin de coopérer avec les géants séconomiques mondiaux, Belkacem Boukhrouf estime néanmoins que ceux-ci privilégient les pays crédibles en matière de coopération internationale. L'Expression: La BAD (Banque africaine de développement) a conclu un accord avec le Japon de 3 milliards de dollars pour financer le secteur privé africain. Parallèlement, le Japon compte investir 10 milliards de dollars par an en Afrique pour financer différentes infrastructures des secteurs de la santé, de l'éducation et de l'industrie. Dans quelle optique situeriez-vous cette offensive japonaise en Afrique? Belkacem Boukhrouf: Il y a un triple niveau d'intérêt qu'on peut déceler dans une telle initiative: une première raison est géopolitique puisque le Japon, absent du Conseil de sécurité de l'ONU, compte mobiliser le plus de soutiens possibles pour y accéder dans le cadre de la réforme attendue de cette institution. Et quoi de mieux que les 52 Etats africains pour peser sur l'échiquier. Puis vient l'intérêt économique: l'Afrique est le continent le plus dynamique actuellement et il suscite les convoitises de toutes les puissances qu'elles soient occidentales ou orientales. Dans le même ordre, le Japon, sentant l'impact de l'action des principaux leaders de l'économie mondiale qui le distancent, à l'image de la Chine et les USA, a décidé de s'impliquer fortement dans le développement de la coopération avec le continent. Vient par la suite l'intérêt stratégique: les entreprises japonaises ont intérêt à gagner un meilleur positionnement sur le marché africain et cette coopération financière et industrielle est le meilleur moyen pour s'assurer des positions confortables. L'Algérie, qui traverse une crise financière éprouvante et qui n'exclut pas un recours à l'endettement extérieur, peut-elle tirer bénéfice de cet accord? Oui, tout comme les pays africains et étant incluse dans les initiatives de la Banque africaine de développement, l'Algérie peut tout à fait bénéficier de cette aubaine d'autant plus qu'elle est à la recherche de nouvelles sources de financement. Il faut rappeler que cette coopération avec le Japon a commencé en 2005 et jamais l'Algérie n'a profité de ce dispositif. Maintenant que la troisième phase de l'initiative renforcée d'assistance au secteur privé en Afrique est entamée, l'Algérie doit accompagner les entreprises privées algériennes pour capter une partie de ces financements. Encore qu'il faille, en plus, réactiver un partenariat avec ce géant de l'économie mondiale. Traore Boubacar Sidiki, représentant de la BAD en Algérie, a déclaré en décembre 2015 que «l'Afrique a besoin de 90 milliards de dollars par an». Depuis, la situation s'est aggravée avec la chute des prix du pétrole et les conflits qui s'exacerbent dans le continent. Pensez-vous que l'entrée du Japon en Afrique va apporter un plus appréciable à ce continent? Oui. Tous les partenariats sont les bienvenus pour un continent qui a tant besoin de financements pour faire face à sa croissance dynamique et aux attentes en développement des populations qu'il faille libérer de la pauvreté et de l'exclusion. L'Afrique exprime des besoins dans tous les domaines, tant au plan économique qu'au plan social et écologique. En cela, l'identification de partenaires fiables qui seraient disposés à développer des coopérations gagnantes et profitables aux deux parties est à accueillir sans hésitation. Le Japon, dont la tradition industrielle et technologique n'est pas à démontrer, peut, à ce titre, être un partenaire de choix. Ceci est d'autant important qu'il devient un concurrent à d'autres puissances qui réviseraient leurs copies à l'avenir. Chacun des partenaires fera en sorte d'offrir plus et mieux à l'Afrique. La concurrence, parfois violente, entre les puissances mondiales qui se disputent l'Afrique va-t-elle se répercuter positivement ou négativement sur le continent? Cela dépend du degré de stabilité des institutions et des Etats africains. Si les Etats africains établissent une stratégie unifiée avec une même vision des choses, ils pourraient aisément s'imposer face aux partenaires, aussi puissants soient-ils. Mais chacun y va de son propre chemin, les divisions laisseraient ces partenaires prendre le dessus et effriter les possibles synergies. Quels sont, selon vous, les pays africains les plus à même d'engager des coopérations gagnant-gagnant avec des géants économiques comme le Japon? Tous les pays peuvent, théoriquement, postuler à un tel pari, mais les pays à forte croissance sont les plus à même d'y parvenir: l'Afrique du Sud, le Maroc, l'Egypte, la Côte d'ivoire sont ceux qui ont cette qualité. Le Japon accordera la priorité aux pays crédibles en matière de coopération et d'initiative économique. Le Maroc et l'Afrique du Sud par exemple sont plus crédibles que nous.