Les absents ont toujours tort, et ceux qui n'étaient pas, jeudi soir, au siège du quotidien La tribune, encore plus. Les présents seront sûrement d'accord avec cette “sentence”. Il faut dire que la conférence du professeur Ahmed Djebbar, organisée en marge de la kheïma de solidarité du quotidien La Tribune, a été retentissante à plus d'un égard. Pourtant au bout des trois heures vingt minutes qu'aura duré cette rencontre (elle s'est terminée vers 2 heures du matin), la leçon était loin d'être réconfortante. Comment l'être quand l'une des premières conclusions de la conférence est que la société musulmane du IXe et Xe siècles était plus développée que l'actuelle. Les arguments de l'historien des sciences qu'est l'enfant de Ténès étaient des plus “costauds”, à faire sentir à la majorité de l'assistance qu'ils sont plus proches de l'ignorance que du savoir. Pour cela, le professeur d'histoire des mathématiques à l'université des sciences et technologies de Lille (France) a utilisé des arguments des plus rudimentaires aux plus pointus. Le titre de la conférence donnait déjà le ton : “Science et société en pays d'Islam : des interactions peu connues”. Avec passion, Ahmed Djebbar s'est attelé à décortiquer plusieurs facettes méconnues d'une civilisation musulmane que beaucoup voient plus proche du mythe que de la réalité. Pour cela, point besoin de la biographie de tel “grand scientifique musulman” que les jeunes et moins jeunes ont l'habitude d'entendre depuis des années et des années. C'est avec des faits concrets et en abordant des sujets précis que le professeur a pu capter l'attention de tout le monde. Il martela ainsi, et à plusieurs reprises, que “l'Islam premier, des IIIe et IVe siècles, était un Islam libre, ouvert, dynamique”. Pour parler de la modernité d'il y a plus de onze siècles, il s'est appuyé sur une information de la… journée même, et qui concernait la démission du patron d'Apple, Steve Jobs. Il rappela une anecdote du co-fondateur de la marque à la pomme : “En 1967, il avait déclaré : Vous les Européens, vous êtes des rétrogrades, vous refusez l'échec”, avant que le professeur ne lâche : “C'est comme ça qu'ils ont essayé de construire une civilisation.” Il donna plusieurs exemples pour démontrer que la société musulmane de l'“Islam premier” était bel et bien “vivante”. Il est revenu ainsi sur des “tabous” et qui concernent des sujets aussi différents que l'esclavagisme, la dissection, l'art figuratif et l'art géométrique ou encore la musique. Il compara les réactions des savants de l'époque et aussi des théologiens. À chaque fois, il revenait sur la liberté et la grande tolérance de l'époque. Le cas algérien n'est évidemment pas omis par celui qui a été ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (de juillet 1992 à avril 1994). Il est revenu, entre autres, et avec un dépit mal caché, sur “la seule décision que j'ai prise et qui n'a pas été supprimée”, celle d'avoir introduit l'histoire et les langues étrangères à l'examen du baccalauréat. Aussi, il a parlé du journalisme scientifique en rappelant qu'il était “un des initiateurs de cette idée à l'échelle africaine”. Il ne faut pas oublier également l'une de ses phrases qui n'est pas passée inaperçue : “L'enseignement moderne est salafiste au sens technique du terme.” De quoi alimenter des livres et des livres.