L'exploitation des enfants et le travail des mineurs existent mais les différentes institutions supposées les protéger de l'exploitation, du mépris et de la violence restent impuissantes et souvent passives face à ce phénomène ravageur. L'Unicef considère que le travail des enfants relève de l'exploitation quand ils travaillent trop d'heures, à un âge trop précoce, soumis à un grand stress physique ou psychologique, également lorsqu'ils travaillent dans des conditions dangereuses ou insalubres et gagnent trop peu d'argent (parfois pas du tout) pour vivre. La plupart d'entre eux assument de trop lourdes responsabilités pour leur âge et travaillent dans des conditions qui brisent leur dignité et leur estime de soi, comme la menace ou la violence. Ils sont, par ailleurs, privés d'école, de jeux ou d'activités sociales. La législation algérienne est en parfaite harmonie avec les textes de l'Unicef. Cependant, l'exploitation des enfants et le travail des mineurs existent mais les différentes institutions supposées les protéger de l'exploitation, du mépris et de la violence restent impuissantes et souvent passives face à ce phénomène ravageur. Beaucoup d'entre nous continuent de croire que ces faits sont étrangers à notre société, prétendue conservatrice. À Batna, de petits vendeurs à la sauvette sillonnent l'artère principale de la ville (Porte de Biskra) pour vendre et proposer des objets hétéroclites (pincettes, serpillères, essuie-tout, papier mouchoirs) alors qu'ils devraient être à l'école, car la plupart ne dépassent pas quinze ans. Si dans leur cas, ils sont repérables et visibles, ce n'est pas toujours le cas pour d'autres enfants qui subissent d'autres formes d'exploitation prohibées. Ils sont plongeurs dans les cafés, où ils commencent leur journée de travail très tôt le matin. Certains propriétaires de débits de boissons poussent le ridicule jusqu'à prétendre rendre service à ces enfants. Une nouvelle forme de travail des mineurs a fait son apparition à Batna. Il s'agit des collecteurs de plastique. C'est du moins comme ça que les appellent les habitants des cités, où des groupes de jeunes garçons font la tournée afin de récolter le maximum d'objets en plastique qu'ils revendent, par la suite, à la pesée. À la cité Hamla 2, le petit Jallal, tout chétif et âgé à peine de 11 ans, fait une pause en déposant ses deux sacs, qui dépassent certainement son propre poids. Il accepte de nous parler en toute innocence et nous dit : “Je ne rate pas l'école, je me lève très tôt, je ramasse ce que je peux et ce que je trouve et à 7h30 je rentre à la maison, je prends mon cartable et je vais à l'école qui n'est pas loin de chez moi. Quand je n'ai pas cours, je vends ce que j'ai collecté". Jallal nous confiera, par ailleurs, que parfois il se fait agresser par des garçons plus âgés que lui qui lui volent son modeste butin. Il va sans dire que différentes institutions sont directement ou indirectement concernées par ce phénomène. A la direction de l'action sociale, M. Chena dira : “Nous possédons un service d'éducation en milieu ouvert (Semo) qui se situe à la cité Kechida ; nous collaborons directement avec le juge des mineurs. Cependant, la loi 72/3, qui protège les mineurs, est obsolète, elle a été promulguée durant les années 1970 et devrait être remise à jour, car beaucoup de choses ont changé." À titre d'exemple, notre interlocuteur nous parle des salles de jeux vidéo, qui ont été fermées car on y abusait sexuellement des mineurs. De son côté, le directeur du Centre spécialisé de rééducation de Kechida, M. Djouami, emboîte le pas à M. Chena concernant la remise à jour de la loi pour la protection des mineurs, car pour le reste, l'Etat n'a ménagé aucun effort pour la prise en charge des enfants qui se retrouvent dans le centre souvent à cause de l'éclatement de la cellule familiale, le divorce des parents, etc. Le regard méprisant et réducteur du milieu proche du centre ou même de toute la société porte un réel préjudice aux mineurs, qui sont considérés comme coupables. Maître Omar Chérif, avocat et bâtonnier à Batna, nous donne, pour sa part, une conclusion plutôt sévère à ce sujet : “Nos lois sont en harmonie avec les conventions universelles, dont celle de l'Unicef, considérées au-dessus des lois à l'exception de la Constitution. Nous devons renforcer les contrôles. Nous sommes citoyens et nous observons tous ce qui se passe. Il ne faut pas oublier que dans certains cas, la Ligue des droits de l'homme possède un comité spécialement désigné pour les enfants. En aucun cas, je ne souhaite que les institutions internationales nous rappellent à l'ordre alors que nous avons les moyens pour la prise en charge de cette frange de la société", dira notre interlocuteur. R H