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Belaïd Abane, historien, à "LIBERTE"
"Le Congrès de la Soummam, une étape essentielle vers l'universalité"
Publié dans Liberté le 20 - 08 - 2014

Médecin de formation, Belaïd Abane est aussi historien émérite. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire de la Révolution algérienne. À travers ses différents ouvrages, il tente de restituer la vérité historique sur des faits et des personnages qui ont façonné l'histoire de l'Algérie. Dans cet entretien, il revient sur le Congrès de la Soummam qu'Abane Ramdane a eu l'intelligence d'organiser afin de donner à la Révolution et au futur Etat algérien des fondamentaux qui ont pu, certes, libérer le pays du joug colonial, mais l'esprit du Congrès étant renié, le pays est, plus d'un demi-siècle après l'Indépendance, à la croisée des chemins.
Liberté : Nous commémorons le 58e anniversaire du Congrès de la Soummam du 20 Août. Qu'est-ce qui a rendu nécessaire la tenue de ce Congrès ?
Pr Belaïd Abane : C'était nécessaire pour évaluer, clarifier et institutionnaliser la Révolution. C'était du reste prévu pour début janvier 1955. On ne pouvait pas laisser la Révolution se poursuivre sur la base de la Proclamation du 1er Novembre qui n'énonçait rien de plus que le principe de mettre fin au colonialisme par la lutte armée. De plus les dirigeants de l'intérieur, notamment Abane, voulaient mettre en conformité la violence révolutionnaire avec les idées et les hommes et surtout qu'ils ambitionnaient de jeter les premières fondations de l'Etat et de la nation algérienne déjà en Révolution. Pour les Soummamiens, il fallait également, coûte que coûte, sortir du tête-à-tête avec la puissance coloniale en mettant sur pied un contre-modèle algérien de la nation et de l'Etat colonial français. La Soummam, c'était aussi une volonté de combler le vide politique propice à toutes les dérives qui allaient immanquablement émailler le combat de tous les jeunes révolutionnaires certes prêts au sacrifice mais aussi, comme on le verra parfois, aux pires excès. Pour être complet, il faut ajouter le besoin pour le FLN de se définir, d'avoir une ligne claire pour être le véritable interlocuteur de la puissance occupante et face à un front républicain fraîchement porté au pouvoir sur un programme de "paix en Algérie", mais aussi pour se distinguer du MNA de Messali, son rival auquel il est violemment confronté.
Quels ont été les apports déterminants du Congrès pour la lutte de Libération nationale ?
Outre ce que je viens de dire, l'apport le plus déterminant qui, à mon sens, n'a pas été suffisamment souligné, c'est la modernité. Si Novembre est l'acte de naissance de la modernité algérienne, la Soummam est l'ère de sa maturité. Il y est question de peuple, de nation, de république démocratique, de classe et de catégories sociales et surtout d'une citoyenneté primant sur les croyances et les identités. C'est un discours et un état d'esprit nouveaux. Le monde algérien va apparaître au grand jour et s'installer dans l'universel. Le Congrès de la Soummam est donc aussi une étape essentielle du cheminement algérien vers la modernité et l'universalité.
La réunion du Caire d'août 1957 a remis en question la primauté du politique et de l'intérieur. Pourquoi ?
Il faut d'abord rappeler que les manœuvres et les tensions politiques qui couvaient à Alger vont éclater au grand jour dès que les 4 rescapés du CCE se retrouvent à Tunis. Krim a avalisé les primautés soummamiennes à Ifri sans broncher. C'est lui qui déclenchera la campagne pour les dénoncer. Pourquoi ? Le reniement de la primauté politique lui permettait de rassembler autour de lui tout ce que le microcosme algérien de Tunis comptait de chefs militaires influents. Quant à la relégation de la primauté intérieure, c'était exactement ce que voulaient tous les militaires installés à l'extérieur, désormais agrégés autour de Krim dans la méfiance et l'hostilité à l'égard des politiques et tout particulièrement d'Abane. Ainsi, les primautés soummamiennes étaient définitivement reconfigurées en hégémonisme militaire établi à l'extérieur. Dans l'effacement et la soumission totale du politique, après l'assassinat d'Abane.
Quelle était l'origine de la contestation des résolutions de la Soummam menée par le tandem Ben Bella - Mahsas ?
Pour Ben Bella et son affidé Mahsas, discrètement et efficacement aiguillonnés par les autorités égyptiennes, c'est la frustration de pouvoir travestir en opposition à ces modérés centralistes, ulémas et UDMistes, auxquels Abane dans sa démarche unitaire, avait "imprudemment" facilité l'accès aux instances dirigeantes du CCE et du CNRA. Ben Bella contestera également la représentativité du Congrès. Il y a aussi la question identitaire et religieuse. Ben Bella qui sait faire feu de tout bois, reprochera aux Soummamiens d'avoir éludé les principes islamiques et notre appartenance "naturelle" à l'espace arabo-islamique. Les congressistes ne voulaient sans doute pas restreindre les soutiens de la cause algérienne à la sphère arabo-islamique, ni surtout jeter le sort d'une fatalité identitaire sur une société encore subjuguée et en devenir. La surenchère était gratuite et pouvait être payante.
Et les responsables de la wilaya des Aurès-Nememcha ?
J'y venais justement. Les chefs militaires des Aurès-Nememcha étaient également opposés à l'arrivée des centralistes, des ulémas et des Udmistes dans les organes dirigeants de la Révolution et contestaient surtout et de bonne foi la primauté du politique sur le militaire. Ils se considéraient, en effet, comme des militants en armes. Pour eux, la Révolution c'est ALN, pas FLN. C'est la principale pomme de discorde entre les Aurésiens et les Soummamiens. Après, la fitna qui couvait dans les Aurès depuis l'arrestation de Ben Boulaïd (bien avant la Soummam), et qui s'amplifiera après sa mort, sera instrumentalisée par Ben Bella puis par Mahsas. Le jusqu'au-boutisme, ce dernier va mener les maquisards de la Wilaya I tout particulièrement les chefs nemouchis vers une confrontation violente avec le CCE qui connaitra son épilogue tragique au procès de Téboursouk en juillet 1957.
Et la question de la représentativité reprochée au Congrès du 20 Août ?
Les chefs de l'intérieur ont fait avec ce qu'ils avaient dans le contexte d'une Algérie quadrillée par une armée de 500 000 hommes. La non-représentativité ! La Base de l'Est n'y était pas représentée parce qu'elle n'avait pas vocation à être représentée. Elle faisait partie du Nord-Constantinois. On dira la même chose de mauvaise foi pour l'Oranie, comme si Ben M'hidi n'était pas encore chef de la Wilaya oranaise. La faiblesse de la Soummam est sans conteste l'absence des Aurès-Nememcha et de la délégation extérieure. Concernant les Aurès-Nememcha, la guerre des chefs qui a suivi l'arrestation de Ben Boulaïd et la liquidation de
Bachir Chihani a rendu vaine et dérisoire la participation à un congrès à des centaines de kilomètres de leurs fiefs. Les chefs aurésiens étaient trop occupés à s'entre-tuer pour s'intéresser à un conclave politique auquel on les avait pourtant à maintes reprises conviés. Quant à la délégation extérieure, mis à part Ben Bella qui n'en dormait plus, ni Aït Ahmed, ni Khider, ni même Boudiaf n'étaient vraiment intéressés par ce qui se jouait alors à Ifri. Les questions diplomatiques les occupaient largement. Ben Bella qui subodorait que Ben M'hidi et Abane allaient l'écarter de l'instance exécutive du FLN, avait décidé de ne pas faire le voyage soummamien. Son mentor égyptien le lui avait fermement déconseillé, craignant que les dirigeants soummamiens ne lui demandent des comptes sur l'affaire de l'OS dénoncée à la police française au cours de son interrogatoire.
Que reste-t-il aujourd'hui de l'esprit de la Soummam ?
Il reste l'exigence récurrente depuis 1962 de faire de l'individu algérien un citoyen, c'est-à-dire un acteur politique, responsable et conscient de ses droits et de ses devoirs et capable de faire des choix politiques rationnels basés non pas sur le rapport de force militaire, identitaire ou religieux (choix du plus fort, comportements tribaux, segmentaires, identitaires, métaphysiques...) mais sur une synthèse entre le destin individuel proprement dit (l'intérêt privé) et le destin collectif (le bien commun ou l'intérêt général) : en somme un choix bon pour soi-même et pour le pays. C'est ce qu'on appelle la citoyenneté. Cela suppose, autre exigence aux racines soummamiennes, un système dans lequel n'interfère en aucune façon la force militaire. Et y exige, comme cet autre credo soummamien, de redonner la priorité aux problèmes intérieurs et de guérir de l'obsession de l'image présentée à l'extérieur. La meilleure image qu'on puisse donner à l'extérieur est celle d'une société apaisée et d'un Etat de droit.
Quid de la question amazighe à la Soummam ? L'on impute à Abane la décision d'éliminer, physiquement, les animateurs de la crise berbériste de 1949. Qu'en était-il exactement ?
On imagine difficilement que les Soummamiens remettent sur le tapis la question de l'amazighité qui avait fait l'objet d'une crise politique sans précédent dans le mouvement national quelques années auparavant. Fallait-il raviver la blessure ? Ou se tirer une balle dans le pied ? Les congressistes ont donc décidé avec sagesse : ni arabité, ni islamité, ni amazighité : tout pour l'algérianité. Concernant l'élimination physique des berbéristes, Abane a bon dos. Selon Mabrouk Belhocine qui l'avait rencontré quelques mois après la crise de 1949, pour Abane l'ennemi principal, le problème prioritaire, c'est le colonialisme. Concernant le rôle d'Abane par rapport à la crise de 1949, il faut rappeler qu'il avait milité dans le Constantinois et n'était donc pas directement impliqué même s'il a sans doute pris position comme me l'avait rappelé Mabrouk Belhocine. Et dès 1950, il est arrêté dans l'affaire de l'OS, jugé et déporté en France. C'est Krim qui est désigné à la tête de la Kabylie, pour restaurer l'ordre PPA dans ce qu'il avait de plus intolérant. Plus tard, début 1956, Amar Ould
Hamouda et M'barek Aït Menguellet sont jugés par un tribunal composé de Krim, Ouamrane,
Mohammedi Saïd, Amar Aït Cheikh, et exécutés à Aït Ouabane en Kabylie, sans qu'on sache à ce jour pour quel chef d'accusation. Abane était-il au courant ? On ne saurait le dire, sans doute. Il faut cependant ajouter que ses relations avec Krim étaient déjà largement détériorées et que la concertation n'en était sans doute pas le point le plus fort. L'ordre d'éliminer les berbéristes ? C'est un fait documenté dans une lettre datée du 20 août 1956 et signée par (dans l'ordre) Krim, Abane, Ouamrane, Zighout, Ben Tobbal et Si Chérif (Ali Mellah). Mais ce n'était pas, loin s'en faut, un ordre de nettoyage ethnique comme tentent de le faire accroire certains. Il faut restituer les choses dans le contexte de l'époque en rappelant l'affaire Mazourine et les pseudo-troubles berbéristes qui ont fait réagir le CCE nouvellement formé à la Soummam. Ce dernier alerté et induit en erreur met dans le même sac berbéristes et messalistes pour ne pas donner l'impression de pratiquer le deux poids deux mesures en luttant implacablement contre les messalistes "arabo-islamistes" tout en épargnant les berbéristes. Il faut également replacer la décision du CCE dans le contexte d'une guerre exacerbée. L'automne 1956 était également le point d'acmé de la guerre FLN-MNA, notamment en France.Il ne faut pas oublier qu'à la même époque, Ben Bella, contestataire irréductible du Congrès de la Soummam, se préparait à réunir un contre-congrès avec l'appui des autorités égyptiennes. Et tentait un rapprochement avec le MNA au Caire, encouragé par les Egyptiens qui s'inquiétaient d'une nouvelle direction "dominée par les Kabyles". Concernant la mort de Bennaï Ouali, rappelons qu'elle était inscrite comme un fatum et comme la suite inéluctable de la fin tragique d'Amar Ould Hamouda et de M'barek Aït Menguellet. Il y a plusieurs aspects non connus du public qui seront développés dans mon prochain livre. Disons, pour faire très court, que Bennaï est abattu le 19 février 1957 dans son village natal, en Kabylie, sur ordre de Mohammedi Saïd après avoir vainement essayé de prendre langue avec Krim qui lui a, à chaque fois, opposé une fin de non-recevoir et, surtout, après avoir eu un échange orageux avec Mohammedi Saïd. C'était au moment où Krim se préparait avec les autres membres du CCE à quitter l'Algérie. Ajoutons qu'en février 1957, les rapports entre Abane et Krim s'étaient dégradés au point qu'il devenait impossible pour l'un ou l'autre de suggérer et encore moins d'ordonner quoi que ce soit à l'autre. Gageons que si Abane avait ordonné son exécution, Bennaï aurait eu sans doute la vie sauve.
Bio-express :
Belaïd Abane est professeur des universités en médecine et politologue diplômé de l'IEP d'Alger et de la faculté de droit de Ben-Aknoun (DES). Il exerce comme professeur, chef de service hospitalo-universitaire à Alger durant une quinzaine d'années avant de s'installer en France où il exerce et enseigne dans un hôpital parisien de l'Assistance publique, tout en se consacrant à l'écriture de l'histoire. Il publie en 2008 chez L'Harmattan L'Algérie en guerre. Abane Ramdane et les fusils de la rébellion, et en 2012 chez Koukou Ben Bella, Kafi, Bennabi contre Abane : les raisons occultes de la haine, un pamphlet contre les contempteurs malveillants d'Abane, qui a connu un beau succès de librairie. Un troisième livre très attendu du public, consacré aux vérités sur l'assassinat d'Abane, paraîtra très prochainement en France et en Algérie.
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